La banane économique
La banane économique ne se trouve pas sous le lampadaire économique (https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/le-lampadaire-economique-234378).
En matière écologique, on ne manque pas de prophètes. On a manqué et on manque encore de théories qui comprennent toute la banane économique. Les théories économiques commencent leurs observations et mesures à l'activité des hommes, elles omettent les deux extrémités de cette activité : ce qui se passe avant et ce qui se passe après. Avant, les hommes prennent toutes sortes de choses dans la terre, sur la terre dans l'eau ou sur l'eau ou dans l'air, ils prennent aussi les lois physiques et ils utilisent matériau trouvé et lois trouvées dans leur travail pour leurs productions. Après, les hommes rejettent le plus souvent dans l'air et dans l'eau mais pas seulement (ex Bure) des choses qui sont censées... qui sont censées quoi, au juste ? qui sont censées s’évanouir dans l’espace et y disparaître, et qu’on peut donc compter pour du beurre. Parfois, on s’en occupe, on en fait une activité économique, les poubelles, l’épuration des eaux usées… mais le fait qu’il y ait quelques secteurs où ses déchets sont gênants au point qu’on s’en occupe n’empêche pas que, d’une manière générale, on estime qu’on n’a pas à s’en occuper. D’autre part, les activités de traitement ou de recyclage sont théorisées dans le paradigme de l’économie strictement humaine, monétaire.
On ne manque pas de prophètes écologiques ; on manque d'une théorie économique qui prenne en compte production et consommation dans leur totalité, qui prennent en compte les antécédents (les « captures » initiales) et les conséquents (les productions inconsommables, les déchets).
Les théories économiques se sont situées d’entrée de jeu comme des théories de la monnaie. Elles ont vu l’intermédiaire monnaie partout dans les relations économiques (production, commerce, consommation) et en ont fait leur élément de base, leur brique.
Écologie et économie sont de la même famille de mots et de la même famille d’idées : gestion de la maison (la famille, la ferme… les proches). Issu du grec oikos, maison, oikonomia, c'est l'administration de la maison, la gestion d'une famille ; l'art de réduire la dépense, d'obtenir le meilleur rendement, utiliser le moins de ressources possibles, avec prudence et sagesse, pour que le niveau d’aisance matériel soit satisfaisant. L’écologie est économique, par principe et vice versa. L’économie consiste à trouver les moyens de faire des économies, au sens ordinaire de « faire des économies », avoir plus en mettant moins. Pour une part importante, c’est bien ce qui a été fait : on passe de moins en moins de temps à travailler, à faire les courses, la cuisine… on a la santé, on a du temps libre pour choisir ses loisirs… Côté humain, rien à redire. D’ailleurs, un des signes qui ne trompe pas : on fait des enfants, on est terriblement plus nombreux qu’il y a seulement cinquante ans ! Le bonheur des hommes peut se voir dans leur fécondité, qui signifie leur assurance ou sécurité, leur tranquillité, leur amour de la vie.
C’est Jean-Baptiste Say qui a théorisé, en 1803, la restriction de l’objet des sciences économiques : « Les biens également accessibles à tous, dont chacun peut jouir à sa volonté, sans être obligé de les acquérir, sans crainte de les épuiser, tels que l'air, l'eau, la lumière du soleil nous étant donnés gratuitement par la nature, peuvent être appelés des RICHESSES NATURELLES. Comme elles ne sauraient être ni produites, ni distribuées, ni consommées, elles ne sont pas du ressort de l'économie politique. »
Si l’on veut enfin avoir une théorie économique qui traite de son objet de façon valable (produire, diffuser, consommer), il faut rajouter les deux bouts de la banane, l’avant et l’après, l’amont et l’aval, ce que l’on prend et ce que l’on rejette. Il faut voir que l’intervention des hommes dans ce qui concerne leurs nécessités économiques est un segment d’une boucle naturelle. Contrairement à Jean-Baptiste Say, il faut bien voir, il aurait fallu bien voir, dès le début des théorisations de l’économie, que la nature n’est pas inépuisable parce qu’elle est gratuite. « Comme elles ne sauraient être ni produites, ni distribuées, ni consommées, elles ne sont pas du ressort de l'économie politique. » Cette phrase n’a pas de logique.
Il manque à la réflexion de Jean-Baptiste Say également, la suite et la fin de nos productions, toutes les parties inconsommables pour les hommes et donc rejetées pour que la nature s’en débrouille.
Les activités économiques des hommes gaspillent énormément. Par exemple, un moteur à essence a un rendement de l’ordre de 30%, donc 70% de la combustion de l’essence part en chaleur principalement (inutilisable pour l’homme). Si l’on considère que, pour se déplacer, les hommes sont obligés de faire une cage de métal, une sorte d’exosquelette, qu’il faut transporter avec soi, on doit arriver à 20% (il y a plusieurs calculs possibles, je présente des ordres de grandeurs).
Nous devons prendre en compte la nature aux deux bouts de la banane économique : dans ce qu’elle nous donne, dans ce que nous lui « donnons » (nous lui restituons de formes très dégradées d’elle-même).
Il y a un moyen juridique, tel que l’a avancé Michel Serres, dans le Contrat naturel, qui date de 1990.
Et un moyen économique : il faudrait ouvrir un compte en banque à la nature… puisqu’on ne sait compter que de la monnaie, il faut que la nature ait une valeur monétaire, et peut-être deux, une concernant l’extraction, et l’autre, le recyclage des déchets. Tant que la nature n’aura pas de valeur monétaire, elle n’aura pas de valeur du tout. C’est absolument nécessaire pour comprendre nos problèmes planétaires urgents. Il n’y aura pas de solution envisageable tant que l’on ne considérera que l’activités des hommes pour décrire l’économie !
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