La grosse bulle
La crise des subprimes aux USA est à en finir avec la société américaine telle qu’on l’a connue. Dix milliards ici, 100 milliards là... On voit ces images tristes des corps qui descendaient en tournoyant des hauts étages du WTC quand le choix était de sauter ou de brûler vif... Macabre ? Oui. Tout a commencé quand le système a voulu étendre son contrôle au monde ordinaire en utilisant les artifices financiers qu’il utilisait sur les marchés financiers.... Le crédit, par exemple.
Rien n’est plus facile que d’augmenter ou de restreindre le crédit. Il existe déjà, dûment inscrites aux livres, devenus eux-mêmes virtuels, des sommes fabuleuses qui n’attendent qu’une excuse pour devenir du crédit et l’État, d’un simple clic, peut en créer bien davantage. Qu’est-ce que le crédit ? Le crédit est une magie. Le crédit n’obéit pas à d’autres règles que d’ajuster la demande à l’offre selon les instructions des alchimistes financiers au service du Système.
Le Grand Savoir des alchimistes financiers, c’est que la richesse RÉELLE n’est strictement rien d’autre que la somme des services que nous retirons des biens que nous utilisons et des services que nous rendent nos co-sociétaires. La richesse monétaire n’est qu’une clef d’accès à la richesse réelle et n’a pas d’autre valeur que ce rôle de clef. Cela acquis, on peut s’en servir comme bon nous semble. Si on sait comment.
Les alchimistes financiers savent que le système de production industriel a pour unique but réel de produire des biens. Ils savent aussi, toutefois, que les « gagnants » ont d’autres objectifs intangibles, comme le « Pouvoir » ou même la « Richesse » mais la « richesse » dont on parle alors ne consiste plus en biens concrets pouvant rendre des services. Elle est LA Richesse, un concept mythique affublé de la propriété de satisfaire tous les besoins et d’assurer le bien-être.
Quête du Pouvoir et de la Richesse interfèrent souvent avec le processus de production des biens et services et parfois même s’y substituent. Ces objectifs intangibles des gagnants ont leur épiphanie dans l’univers virtuel, mais leur simple reflet sur la réalité peut créer au monde ordinaire bien des tracas. Des tracas qui, à la limite, peuvent avoir un impact négatif sur le Grand Oeuvre d’enrichissement virtuel des alchimistes et des gagnants eux-mêmes. Il faut donc prévoir qu’une providence vienne résoudre les problèmes causés aux simples mortels par les activités d’ En-Haut.
Cette providence agit par le crédit, un geste de mansuétude du monde virtuel envers la réalité. Si les consommateurs manifestent des velléités de sous-consommation, on appelle au secours l’univers parallèle de la richesse virtuelle et on distribue du crédit. Facile, car pour un travailleur qui veut épargner, on peut toujours en trouver dix qui ne demandent pas mieux que de dépenser plus qu’ils ne gagnent. On trouve ceux qu’il faut et ils font ce qu’on veut qu’ils fassent : ils dépensent. Quand le consommateur moyen s’endette, c’est parce qu’on le veut bien. C’est que l’équilibre est par là.
Croyez-vous qu’une population qui dépense plus que son revenu vit « au-dessus de ses moyens » et risque des lendemains qui déchantent ? Pas du tout. Elle utilise, précisément comme on veut qu’elle les utilise, les crédits mis à sa disposition pour que le pouvoir d’achat découlant de son travail coïncide avec la valeur monétaire fixée à la production découlant de son travail... comme il ne peut en être autrement, si on veut maintenir le niveau de consommation effective. Que faire si les consommateurs choisissent malgré tout d’épargner, d’investir et donc de faire avec l’ « argent pour la consommation » ce qui ne devrait être fait qu’avec l’« argent pour le pouvoir » ?
Aucun problème, car on peut non seulement mener l’âne à la rivière, on peut même aussi le forcer à boire. S’il ne dépense pas, l’État dépensera simplement ce qui doit être dépensé et enverra la facture au consommateur sous forme de taxes et d’impôts. Les dépenses publiques rétabliront l’équilibre et tant pis pour l’individu qui aura refusé d’être prodigue. Témérité ? Non, puisque si les consommateurs y vont trop fort, on augmentera le taux d’intérêt ou, plus simplement encore, on alourdira les exigences et l’on privera de crédit des classes entières de la population ; celles qui ont de vrais besoins, naturellement, puisque les autres n’ont pas de véritable impact sur la réalité.
Si la population bascule de nouveau vers la parcimonie, hésite à s’engager et que les roues ralentissent, on baissera les taux, ou l’on augmentera simplement les marges disponibles sur les cartes de crédit, sans même consulter les bénéficiaires. C’est une faveur qu’on leur fait, n’est-ce pas ? Le contrôle de l’État sur la consommation devient en théorie parfait, puisqu’un ajustement fiscal, un réajustement des salaires, une modification des taux d’intérêt, une inflation ou une dévaluation fera, à posteriori , que la décision collective des consommateurs aura été la bonne.
Un individu peut se tromper, mais la population, non, puisque c’est l’équilibre global qui est tenu pour acquis et qui sert de point de référence dans l’univers virtuel. Les variations monétaires sont introduites de façon purement discrétionnaire, pour confirmer cet équilibre. C’est le reste qui est en mouvement. C’est la réalité qui s’ajuste au miroir.
Comme dans 1984 d’Orwell, le pouvoir qui contrôle la valeur monétaire présente peut réécrire la valeur monétaire passée et y mettre les chiffres qu’il faut pour nous faire l’avenir financier qu’il veut. Quand le Crédit descend en Pentecôte sur la réalité, il efface les bévues des péquenots consommateurs et rétablit l’équilibre. Le crédit ajuste tout. On ne demande au consommateur qu’une simple formalité, comme Méphisto à Faust : signer cette reconnaissance de dette qui porte intérêt et qu’on lui présente quand on lui consent le crédit.... Marguerite ? Y a un type en noir à la porte....
Pierre JC Allard
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