La mine de Carayon
Le STIF (Syndicat des transports d’Ile-de-France)
a choisi Bombardier pour fabriquer les trains qui circuleront à l’avenir sur
les lignes de
Parce que selon le STIF (qui représente
quand même ceux qui ont étudié les offres) ce modèle de train « offre 500
places assises par rame et une capacité totale assis-debout de 911 voyageurs [...] sans aucune armoire technique, ni recoin et de vastes plates-formes d’accès
[...] des espaces de circulation [...] beaucoup de luminosité et un sentiment de
transparence particulièrement apaisant [...] La circulation intérieure, très facile,
favorise une meilleure répartition [...] Les
sièges sont plus larges [...] excellent niveau de confort acoustique et thermique
[...] les larges fenêtres ainsi que la présence de caméras embarquées sont
propices à un sentiment de sécurité et de tranquillité renforcé [...] L’information des voyageurs a également
été privilégiée [...] entièrement accessible aux personnes à mobilité réduite [...]
capacités d’accélération et de freinage très supérieures à celles des meilleurs
matériels actuels pour une consommation électrique moindre. »
Non, évidemment : le problème n’est pas
la qualité du produit élaboré par Bombardier, sur lequel je n’ai pas entendu ni
lu de critiques. Le problème, c’est qu’un groupe français public et un syndicat
présidé par un homme politique (qui plus est de gauche) aient choisi un projet étranger
et pas celui du groupe industriel national. Or nos hommes politiques sont comme
Agecanonix qui est l’auteur de cette réplique définitive : « Je n’ai rien contre les étrangers mais ces
étrangers-là ils sont pas de chez nous. »
Et on nous ressort le « patriotisme
économique », qui consisterait, selon les esprits butés, à boycotter les
fabrications des étrangers.
Cette nouvelle discipline économique
a été inventée alors qu’on redoutait un raid boursier de Pepsi Co. sur Danone.
Les yoghourts sont des produits stratégiques pour la défense nationale, il
fallait les défendre, c’était le devoir des bons patriotes. On a repoussé avec
succès l’envahisseur. Puis, on a très vite oublié ce concept car les
entreprises françaises étaient occupées à mettre la main sur le premier gazier
belge et sur les grandes banques italiennes, sur la téléphonie anglaise et sur
les assurances allemandes. On ne peut pas être au four et au moulin.
Contradiction ? Point du tout, nous étions juste passés du
« patriotisme économique défensif » au « patriotisme économique
offensif ». Et hop !
Comme nous sommes en période
pré-électorale, les patriotes poussent comme les champignons dans les bois de
Saint-Gatien (je vous dirai pas où, précisément, j’ai juré de garder le
secret). Mais il y en a qui sont quand même meilleurs que d’autres, et qui
méritent qu’on grave ici leurs propos comme on le ferait sur le socle du
monument à la bêtise.
A tout seigneur tout honneur, Bernard
Carayon ose parler de « masochisme national »,
d’ « anti-patriotisme économique », de « véritable
scandale » mais surtout il dénonce : « Alstom se voit privé d’une référence internationale, au moment où
Jacques Chirac se rend en Chine pour vendre le TGV. » En somme, ce n’est pas
sérieux d’acheter aux étrangers, parce que ça envoie un mauvais message aux
étrangers qui achètent les produits français, c’est-à-dire étranger pour un
non-Français et a fortiori pour un Chinois... Comprend qui peut !
Comme quoi on peut faire des rapports
sur l’intelligence économique en septembre sans être ni intelligent ni
économiste.
La
médaille d’argent revient à un syndicat dont je tairai le nom par charité et
surtout parce que je n’aime pas dire du mal de
Il ne leur vient pas, en revanche, à l’idée
que 10% moins cher sur ce marché, cela revient tout de même à 300 000 000
d’euros en moins. Il semble à ma modeste personne que 300 millions d’euros,
c’est tout de même une différence de prix significative. A titre de comparaison,
une journée de grève à la SNCF coûte 20 millions d’euros aux Français. Positivons :
les trains canadiens représentent quinze nouveaux jours de grève gratos !
La médaille de bronze vient au MRC,
petit mouvement politique créé par Jean-Pierre Chevènement à la fin du siècle
dernier. Le MRC soulève le seul point valable de débat : « Le Canada n’a pas les mêmes états d’âme
puisqu’il n’hésite pas dans son marché intérieur à favoriser Bombardier au
détriment des autres constructeurs et notamment d’Alstom ». En soi,
c’est tout à fait recevable, et il est responsable pour un politique de porter le débat
sur ce point, en effet contestable. Nous devons avoir plus d’autorité au sein
d’organisations internationales elles-mêmes plus fortes pour garantir que les
pratiques soient « loyales et réciproques ». Ce qui me surprend, c’est
que le projet du MRC consiste en temps normal à vitupérer sur l’OMC et à
dénigrer
En attendant, malgré ces bons oracles,
le mal est fait. Les trains sont canadiens.
Je ne serais d’ailleurs pas surpris d’apprendre que les trains en
question transportent des plombiers polonais qui viennent jusque dans nos bras...
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