La tiers-mondialisation de la planète
La mondialisation productive, financière et commerciale, est une adaptation du système capitaliste à la crise qui le secoue depuis les années 1970. Il s’agit de rétablir les profits pour rémunérer grassement les rentiers. Les performances récentes des entreprises multinationales en matière de profits records attestent l’accélération de cette tendance.
Comment s’opère le « rétablissement » des profits ?
Le principe est simple : réduire les coûts et augmenter les marges.
La réduction des coûts implique « l’euthanasie » de la classe moyenne. Au Nord développé, il s’agit de déconstruire l’Etat-providence qui serait entre les mains de la classe moyenne, qui utiliserait la dépense publique pour financer ses « privilèges ». Cette déconstruction passe par l’imposition du marché et par la mise en concurrence des travailleurs du Nord entre eux (vieille Europe versus nouvelle), ainsi qu’avec ceux du Sud. Au Sud, il s’agit d’abattre les régimes « nationalistes » dont le clientélisme a fait naître une élite politico-économique consommatrice de surplus. L’imposition du marché, la privatisation de l’Etat, le contrôle externe de la dépense publique dans le cadre de l’application du « consensus de Washington » permettent de réduire les coûts de fonctionnement du système. En fait, au Nord comme au Sud, l’objectif est la paupérisation de la classe moyenne, pour aboutir à une société mondiale duale comportant un nombre limité de très riches et une grande majorité de pauvres. En somme, une société mondiale de type brésilien (parangon de l’économie sociale de marché).
L’augmentation des marges passe par la mobilisation et la création de rentes. D’une part, il s’agit de mobiliser la plus grande part possible des rentes issues des ressources naturelles (minerais, énergie, agriculture...) en utilisant les dysfonctionnements d’un marché imposé, c’est-à-dire en profitant de l’asymétrie de puissance contractuelle entre les firmes multinationales et les producteurs. A cette fin, il est également possible d’utiliser la persuasion, des pressions politiques, la corruption, voire l’intervention militaire. D’autre part, on assiste à la création de rentes de marché, c’est-à-dire, grâce au marketing, à la mise sur le marché de biens ou services à un prix de vente sans aucun rapport avec leur coût de production. Seule la rente, liée au phénomène de marque, peut expliquer qu’un tee-shirt fabriqué au Sud soit vendu 30 à 40 fois plus cher que son coût de production sous prétexte qu’il arbore l’impression d’un logo. Il en est de même pour les services, notamment dans le domaine des logiciels ou du divertissement.
La réduction des coûts et l’augmentation des marges garantissent l’explosion des profits, largement distribués aux rentiers, dont Keynes souhaitait l’euthanasie pour assurer le plein-emploi.
La question qui se pose est de savoir pourquoi, tant au Nord qu’au Sud, les populations acceptent, tant bien que mal, ce processus de paupérisation du plus grand nombre.
La raison majeure réside dans la manipulation des mentalités, dirigées vers le consumérisme. L’individu doit être dégagé de toute conscience politique et avoir comme seule aspiration la consommation mimétique de biens et services sans cesse diversifiés.
Ce processus s’appuie sur un large investissement des multinationales dans le secteur des médias : il faut décérébrer partiellement l’individu pour le rendre disponible à la communication publicitaire vantant la consommation. Il convient aussi d’occuper la part restante de son esprit par des divertissements largement médiatisés (sport, variétés...) pour qu’il se désintéresse de la chose politique, que les médias complices n’évoquent pas réellement. En fait, le slogan pourrait être : « Tuer l’esprit au profit du ventre ».
Cette voie consumériste implique la complicité des élites politiques gouvernantes ou susceptibles de gouverner. Ces élites sont, pour la plupart, intégrées dans le capitalisme multinational, et l’on note un mouvement de va-et-vient entre le personnel politique et celui des firmes multinationales.
Au total, quelle société néolibérale mondiale pour demain ?
Au sommet, quelques multimilliardaires maîtrisent le système et se réunissent, de temps à autre, avec leurs complices politiques (les élites) pour veiller à sa stabilité et à son extension. A un niveau intermédiaire, se situent les complices plus ou moins volontaires. D’une part, les chevilles ouvrières : (i) managériales : les financiers, les ingénieurs, les commerciaux, les publicitaires... qui assurent le développement du système consumériste et la croissance des profits, (ii) politiques : les élus de terrain qui gèrent le clientélisme de façon décentralisée pour la pérennité du système. D’autre part, les bouffons grassement rémunérés du cirque médiatique qui dealent « l’opium » au peuple : journalistes (les « nouveaux chiens de garde »), artistes, sportifs.... Les « restes » de la population seront cantonnés au rôle de « tube digestif » de moins en moins alimenté en nourriture vraie.
En définitive, la mondialisation néolibérale aura pour effet d’étendre le dualisme du Tiers monde à l’ensemble de la planète.
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