La TVA sociale : mesure magique ou opportuniste ?
La TVA sociale, nous fait-on croire, serait magique ! Baignés dans l’état de grâce et les annonces miraculeuses (« Tout devient possible ! »), les Français devraient voir en cette taxe un remède fabuleux, la pierre philosophale ! Ne permettra-t-elle pas de créer des emplois ? Le chevalier blanc « TVA sociale » ne va-t-il pas entrer en lutte contre le dragon des délocalisations ? « Ghost Buster » ne va-t-il pas chasser le spectre du trou de la Sécurité sociale qui nous hante jour et nuit ? Et si cette mesure était tout bonnement opportuniste ?
La TVA "sociale" se revêtirait d’une parure vertueuse puisqu’elle serait "sociale". Mais est-elle motivée par un élan de générosité, de solidarité ? Non ! le terme "social" fait référence au mode de financement de la protection sociale qu’il s’agit de modifier. Le nom donc déjà est trompeur. On ne part pas sur de bonnes bases de débat...
La TVA sociale, si elle n’est pas vertueuse, serait incontournable : D’abord parce qu’elle est moderne : le Danemark et l’Allemagne, deux modèles sur ce point, l’ont adoptée. Ce serait une nécessité des temps nouveaux. Des preuves ? Historiques et géographiques. Preuves historiques d’abord : La TVA (tout court) a été instaurée en France sur l’idée de Maurice Lauré en 1954 et étendue sous Giscard. Puis, cocorico ! elle a été copiée par nos voisins européens, consacrée par l’Union européenne. Preuves géographiques : Le Danemark a expérimenté la TVA sociale et des résultats intéressants en ont découlé sur la prospérité de ce pays. L’Allemagne d’Angela Merkel vient de l’adopter également. Mais ne nous emballons pas ! Le Danemark ne peut sérieusement être pris comme exemple car la comparaison serait dangereuse et même trompeuse. S’il est vrai que le pays a connu une baisse du taux de chômage, un excédent budgétaire, une croissance élevée et une balance commerciale positive, tout cela au prix d’un effet inflationniste peu élevé, tous ces bienfaits ne peuvent être attribués exclusivement à celle-ci par un lien de causalité simpliste propre aux politiques mais dénoncé par les économistes. De plus, durant la période de mise en oeuvre de la TVA sociale (1987-1989), la
croissance danoise a fortement stagné par rapport au reste de
l’Europe. Enfin, l’exemple de l’Allemagne n’est pas plus heureux car il est trop tôt pour évaluer les effets de la mise en oeuvre toute récente et parce que les bases sont différentes : l’Allemagne a porté son taux de 16 % à 19 % quand la France en est déjà à un taux 19,6 % ! Peut-elle taxer encore plus fort les consommateurs français ?
La TVA vue en dehors des clivages idéologiques : la façon dont la mesure a été envisagée au centre est intéressante car elle nous permet de voir combien la question ne peut être pour le moment tranchée. Si l’on met de côté les discours idéologiques de la gauche et de la droite qui sont en en plein combat frontal, on voit que la question mérite débat. Lors de la campagne présidentielle, François Bayrou, interrogé par Jean-Christophe Wiart en ces termes : "Où en êtes-vous dans votre réflexion sur la TVA sociale ?" répond : "Je ne me risquerai pas à la proposer comme la solution miracle. J’ai autour de moi autant d’ardents défenseurs (ndlr : Jean Arthuis) que d’ardents adversaires (ndlr : Charles de Courson) de la TVA sociale (...)." Et voilà bien la réalité qu’il nous faut voir : la question de la TVA sociale a été insuffisamment pensée et évaluée. Toutes conclusions sur son efficacité et ses effets néfastes seraient hâtives. Une analyse sérieuse demanderait un débat dans lequel seraient plus impliqués les experts de l’économie. Il ne devrait pas s’agir d’une mesure politique destinée à montrer de la rapidité dans la poursuite des résultats ou à compenser les cadeaux fiscaux faits aux plus riches, mais d’une mesure purement économique. D’autre part, elle ne peut être envisagée sans un débat plus global autour de l’ensemble des prélèvements obligatoires et de la réforme de la protection sociale. Or, sur cette dernière question, le gouvernement aussi préfère escamoter le débat de fond pour décider sur du court terme des mesures présentées comme magiques : les franchises (voir mon article "Une franchise pas franche du tout").
On ne peut voir dans la mesure annoncée une solution miracle. Tout juste une solution par défaut puisque les marges de manoeuvre de l’Etat sont aujourd’hui faibles pour agir sur l’économie, entre l’Europe et l’ordre mondialisé. Autrefois, l’Etat pouvait dévaluer sa monnaie pour favoriser la compétitivité de nos produits sur le plan des prix et résorber le déficit commercial. Aujourd’hui la Banque européenne lui enlève cette possibilité. L’instrument "TVA" apparaît donc comme une solution de substitution puisqu’il s’agit d’un des derniers leviers encore possibles. Mais les grands enjeux de notre pays peuvent-ils se régler à coups de remèdes, par des ajustements à la marge ("franchises"), et des limites (les "peines plancher", les plafonds comme le "bouclier fiscal") ? Peut-on voir dans toute cette réglementation à courte vue, sans profondeur, ce que l’on appelait avant un "projet de société" et peut-on imaginer un projet de société qui ne reposerait pas avant tout sur ce qui est juste ?
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