La TVA sociale sera inflationniste !
A droite comme à gauche, chacun récite - Fillon et Strauss-Kahn notamment - son couplet idéologique sur la TVA sociale. En mettant en place cet impôt proportionnel, les uns disent que les prix vont augmenter et les autres disent qu’il n’en sera rien, bien sûr. Alors qu’en est-il vraiment ?
D’abord il convient de dire qu’avec un volume de 134 milliards d’euros, la TVA représentera en 2007 exactement 50 % du budget de l’Etat. C’est-à-dire le plus gros véhicule de financement des dépenses de l’Etat. Pas une mince affaire donc ! Augmenter la TVA de 5 % en la portant de 19,6 à 24,6, comme le suggère le gouvernement Sarkozy-Fillon, pourrait bien alors représenter un beau pactole pour financer les divers allégements d’impôts : ISF, bouclier fiscal, succession, intérêts d’emprunt, donation...
Cela étant et toute chose étant égale par ailleurs, car en économie de marché les prix sont librement fixés par les vendeurs et ce, quelle que soit la structure de leurs coûts, une augmentation de 5 % de la TVA peut-elle se traduire par une inflation mécanique des prix de 5 % ? Donc d’une baisse conséquente du pouvoir d’achat ? Il n’en sera pas autrement. Démonstration !
La TVA, comme son nom l’indique, est la Taxe qui a pour assiette la Valeur Ajoutée d’un produit ou d’un service. Cette valeur ajoutée se partage en cinq parts : les salaires, les préteurs, les actionnaires, l’entreprise et l’Etat (impôts, taxes diverses et cotisations sociales dont charges patronales).
Si, pour la simplicité du calcul, 100 € représentent cette valeur ajoutée, une TVA de 19,6 % sur celle-ci fera passer ces 100 € à 119,6 €. Et, une TVA à 24,6 % fera, elle, passer ces 100 € à 124,6 %. Facile à comprendre. Sans changer la valeur de la base, c’est-à-dire les 100 €, il y aura bien augmentation mécanique du prix, donc inflation et perte de pouvoir d’achat ... pour tous, mais surtout beaucoup plus sensible pour ceux qui gagnent peu.
Alors, pour qu’il n’y ait pas augmentation des prix, il faudrait obligatoirement réduire l’assiette sur laquelle s’appuie la fameuse TVA. En l’espèce, l’Etat propose de diminuer d’autant les charges patronales et laisse croire, à grand renfort d’explications - même France 2 s’y est mise aux grandes heures d’écoute entre les deux tours des législatives, schéma à l’appui - qu’une diminution de 5 % des charges patronales va compenser les 5 % de hausse de la TVA. Faux ! Totalement faux (*). Car cela supposerait que 100 % de la valeur ajoutée soient affectés au paiement des charges patronales, ce qui n’est pas le cas, fort heureusement. Les charges patronales sur les salaires ponctionnent tout au plus 20 à 25 % de la valeur ajoutée d’un produit. Même si la fabrication de ce produit est à forte utilisation de main-d’œuvre. Et, c’est bien sur ce type de travail, manuel et délocalisable, que l’Etat dit vouloir agir rapidement.
En fait, si l’Etat veut mettre en place une TVA sociale de 5 % qui n’engendre pas une hausse mécanique des prix, il faudra qu’il baisse les cotisations patronales de 20 % (*) !
Naturellement, l’Etat ne peut pas diminuer de 20 % les charges patronales. Alors, il devra probablement se limiter à 5 % comme le laisse entendre le Premier ministre. Cela veut dire que la hausse de la TVA va se traduire mécaniquement par une hausse des prix et donc par une augmentation de l’inflation de 3.13 % (*).
Au-delà des positions dogmatiques, qui ne grandissent personne et surtout ne vont pas dans l’intérêt du pays, on voit bien que ce projet a été annoncé dans la précipitation d’un marketing électoraliste maladroit pour rassurer la droite de la droite. Mais il va maintenant falloir passer aux actes. Et ne pas accoucher d’une souris. L’Etat ne le peut d’ailleurs plus, tellement les cadeaux fiscaux se sont accumulés au fil des promesses du candidat devenu président de la République. Il va falloir rapidement trouver 15 à 20 milliards d’euros si l’on ne veut pas voir la dette de notre pays poursuivre, comme c’est le cas depuis au moins cinq ans, une progression dite à l’italienne. L’Italie ayant effectivement une dette proche de 100 % de son PIB !
Mais soyons bon prince, avouons que la hausse de la TVA sociale aura quand même des effets positifs, notamment si l’Etat fait nettement la différence entre le produit susceptible d’être délocalisé et le produit qui ne l’est pas :
- diminuer le coût du facteur travail ;
- diminuer la consommation de produits importés en les renchérissant ;
- éviter ou retarder certaines délocalisations ;
- commencer une véritable réflexion de fond sur la politique fiscale et la budgétisation des charges qui pèsent sur le travail dans notre pays.
En faisant de la sorte et de manière généralisée, l’Etat se heurtera cependant à plusieurs difficultés, notamment :
- baisse du pouvoir d’achat et donc diminution de la consommation et de la croissance ;
- mise en place d’une usine à gaz dans un mécano budgétaire compliqué ;
- avoir l’accord des autres pays européens et notamment des Eurolandais ;
- devoir se justifier auprès de l’OMC car la hausse différenciée de la TVA peut aussi être considérée comme une forme déguisée de barrière douanière à l’importation.
On le voit, la tâche sera difficile et sûrement longue. Le gouvernement Sarkozy-Fillon va marcher sur des œufs durant quelques mois. Espérons que ces œufs soient différents de ceux sur lesquels Alain Jupé marcha en 1995. Mais il est vrai qu’à cette époque, ce dernier n’avait pas du tout les mêmes chaussures !
(*) Exemple dans lequel les cotisations patronales (CP) représentent 20 % du partage de la valeur ajoutée (VA).
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aujourd’hui |
CP = moins 20% |
CP = moins 5% |
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Partage VA hors CP |
80 € |
80 € |
80 € |
CP |
20 € |
20 € - 20 % = 16 € |
20 € - 5 % = 19 € |
totale base VA |
100 € |
96 € |
99 € |
+ Tva |
19,6% |
24.6 % |
24.6 % |
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prix de vente |
119.60 € |
119.61 € |
123.35 € |
inflation ? |
non |
non |
oui + 3,13 % |
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