La vérité sur les rappels automobiles !
200 000 rappels chez tel constructeur automobile ! 1 Million chez un autre ! On entend des chiffres colossaux ces temps ci qui pourraient laisser penser que l’on ne sait plus construire de voitures et que les constructeurs qui rappellent ne sont pas sérieux. Mais bien au contraire, la procédure de rappel est l’aboutissement d’un processus qui n’a que pour but la sécurité et la satisfaction du client. Comment cela se passe-t-il ?
Dans cet article, je vais évidemment traiter un cas général, les subtilités étant différentes selon les constructeurs automobiles. Mais commençons par la fabrication de la voiture que vous achetez.
Au départ la voiture est un assemblage de pièces de divers fournisseurs, certaines étant fabriquée par le constructeur dans d’autres usines que celle de montage final. Toutes ces pièces viennent de partout dans le monde, mais on essaye de privilégier une fabrication proche de l’usine terminale pour limiter les risques et coûts dûs au transport. Ce sont donc des pièces qui arrivent par lot dans l’usine avec des numéros de lot et toute une traçabilité propre au constructeur et à son sous-traitant. On sait donc dire pour chaque type de pièce combien sont arrivées par semaine, mois, année.
Des contrôles sont effectués sur ces lots et au fil du processus de montage du véhicule et ce par échantillonnage. Des contrôles sont eux même imposés par les constructeurs auprès des fabricants de par le retour d’expérience. Un arrêt de fabrication peut donc avoir lieu lors de ces détections et faire l’objet de correction. Mais venons en à la fin du montage du véhicule.
La voiture montée et répondant à la commande du client est embarquée sur le moyen de transport qui l’amènera jusqu’au vendeur du véhicule puis au client. Le transporteur est responsable de la voiture et de sa détérioration. Le vendeur fait la prise en main avec le client en lui expliquant le fonctionnement avec si possible les subtilités du véhicule (exemple, le régulateur de vitesse). Parfois le client est interrogé sur sa satisfaction à la livraison puis vient le moment de la première révision, l’occasion d’avoir des remontées de la clientèle. Et enfin vient la vie du véhicule avec ses aléas, ses usures. Le client mécontent vient à son garage et exprime son mécontentement, décrit sa panne.
A ce moment, il peut y avoir divers cas de figures. Il ne faut pas oublier que le garage est souvent une société privée et indépendante du constructeur. Elle fait partie d’un réseau et se doit donc de respecter des standards, de connaître le véhicule et de remonter les problèmes au constructeur ce qui peut aboutir à des évolutions plus ou moins discrètes tout au long de la vie "série" du véhicule. Mais le client qui a une panne ne voit pas tout cela. Lorsqu’il a une panne, le garage essaye évidemment de réparer et de minimiser le coût pour lui par une intervention rapide et efficace. Les informations sont plus ou moins bien remontées au constructeur via les systèmes d’information après-vente. Pour faire intervenir la garantie, il y a un système de validation et de "crédit" qui peut être jugé trop long par le garage et aboutir à de mauvaises réparations s’il ne joue pas le jeu. Car c’est la garage qui va devoir engager des frais remboursés ensuite par le constructeur au titre de la garantie.
Mais venons-en au cas d’un défaut sur le véhicule. Une usure anormale d’un organe de sécurité est détecté sur un, puis deux, trois....véhicules. Le seuil d’alerte est atteint et le service qualité du constructeur se met à enquêter. Il alerte le réseau pour avoir des remontées. Il cherche aussi à identifier le problème technique et comment y remédier. Ce remède a un coût C par véhicule. Il faut savoir combien de véhicules peuvent être touchés. Le constructeur va donc chercher à définir une fenêtre de temps pendant laquelle un nombre N de véhicule a été livré. Cela donne un coût global C x N.
En face de ce coût, il faut mettre le facteur de risque, le coût que cela peut engendrer par des procès, des démarches ciblées sur les véhicules passant en révision, et également l’implication du sous-traitant dans le défaut : fabrication ou conception. Le constructeur pourra ainsi faire participer le sous-traitant aux frais si son rôle est identifié dans le défaut. A ce moment, la décision du rappel va être prise avec aussi une politique de communication autour.
Prenons un exemple récent : un circuit de freinage défaillant sur un véhicule de plus de 5 ans suite à l’utilisation de lubrifiants non référencés par le constructeur. La responsabilité du constructeur n’est pas évidente mais le contexte américain l’a poussé à rappeler un grand nombre de véhicule.
En Europe, il est assez rare de connaître des rappels sur des modèles plus anciens que 5 ans et sur des échelles aussi importantes. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a aucun problème mais les réseaux d’Europe occidentale sont parfois mieux structurés et plus respectueux des standards chez certaines marques ce qui aboutit à des correctifs plus discrets. Lorsqu’il s’agit d’organes de sécurité par contre, on tergiverse moins.
Les affaires récentes et le renforcement des contrôles qualité à tous niveaux ne vont pas forcément calmer les rappels. Le client est de plus en plus exigeant, surtout dans les gammes premium. Mais c’est aussi l’occasion pour le concurrent de profiter de la faille, avec une part de risque. Ainsi pour les problèmes des Prius 3, on a vu des faux problèmes surgir mystérieusement et ne toucher que les Etats-Unis, au moment où les constructeurs US étaient en difficultés. Les problèmes similaires des marques américaines quelques années plus tôt ont alors été totalement oubliés par les médias. Les régulateurs de vitesse des Renault ont eu droit aussi à leur déboire pendant une courte période avant que le problème s’évanouisse avec retouche et explications aux conducteurs mais beaucoup de dommage pour l’image qualité du constructeur sur les modèles concernés.
Mais à contrario, il peut y avoir des problèmes de conception ou de fabrication réels mais ne touchant pas des organes de sécurité, où le constructeur décide de ne pas faire jouer la garantie ou le rappel technique sciemment. Dans ce cas, le consommateur ne pourra que tenter de se regrouper avec d’autres victimes de ce défaut pour aboutir à une prise en charge, voir, si le défaut est médiatisé, à un rappel. On a connu par exemple des problèmes d’injecteurs Bosch touchant plusieurs marques allemandes et même françaises sans que les constructeurs ne réagissent immédiatement par un rappel. Car il ne faut pas se leurer, sur certains domaines, les solutions techniques peuvent se retrouver d’un constructeur à l’autre et le défaut se propage ainsi.
Le rappel est donc autant une preuve de la prise en compte de la satisfaction du client et de sa sécurité que le signe d’un problème avéré, qu’il soit dû au fournisseur ou au concepteur de la pièce. Tous les constructeurs en connaissent et selon les pays modulent leur politique de rappel. Les risques juridiques étant plus importants dans les pays anglo-saxons, les rappels sont d’autant plus important.
Mais ce qui compte avant tout c’est que votre véhicule continue de vous emmener où vous le souhaitez en toute sécurité et avec une bonne qualité d’accueil lors des révisions et réclamations. Et finalement, un rappel aurait plus tendance à me rassurer que l’inverse.
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON