Le parcours de « l’entrepreneur »
Je vous propose un témoignage. Sans généraliser mon cas, il est sans doute représentatif. La presse « bien pensante », les autorités, le MEDEF bien sûr, nous répètent à longueur de temps, soyez des « entrepreneurs » ! Je n’aime pas le mot, aussi entendez par « entrepreneur » dans cet article, un type qui crée son boulot, sans plus.
Quinquagénaire, spécialiste de la communication d’entreprise, je cumule les handicaps pour retrouver un travail. D’ailleurs, je n’en avais guère envie, les relations sociales au sein des entreprises étant à mon avis fort dégradées. Il me fallait donc trouver une solution, et l’idée de créer son propre travail en est une. Nécessité fait loi.
Il se trouve que, par chance, mon chemin a croisé celui d’un ancien chef d’entreprise avec lequel j’ai déjà travaillé, et qui, lui, est maintenant à la retraite. Mon cas, sans être désespéré, l’a touché, aussi m’a-t-il proposé après quelques rencontres une association dans un projet d’entreprise. Il s’agit de créer un site Internet sur lequel nous allons vendre de l’information économique dans un créneau très spécialisé.
Me voilà donc portant le chapeau de créateur d’entreprise. La définition du projet, ses buts, ses objectifs, ses moyens n’ont pas posé de réels problèmes. Mais il nous fallait quand même une structure pour accueillir notre projet, et la création d’une petite SARL était donc nécessaire.
Le parcours de « l’entrepreneur » commence.
Plusieurs obligations sont à remplir, plusieurs possibilités sont offertes.
Première obligation, l’ouverture d’un compte bancaire. Notre projet est modeste, aussi est-il facilement autofinancé par nos apports personnels, l’investissement avec Internet restant des plus modestes. Donc, pas besoin de demander un financement à la banque. Par contre, il nous faut demander à la banque des services particuliers, comme le paiement en ligne. Contact fut pris avec plusieurs banques et, dans ma naïveté, me voilà parti à expliquer la teneur de mon projet ainsi que le besoin de recourir à un système de paiement en ligne. Les banques sont extraordinaires. Vous avez en face de vous des conseillers d’entreprise qui ne vous écoutent pas, prisonniers qu’ils sont des procédures internes, qu’ils doivent suivre à la lettre, et des grilles d’évaluation, espèce de moulinette dans lesquelles ils passent votre projet pour l’évaluer. Dans mon cas, c’est le paiement en ligne qui pose problème. La fraude est partout et les banques n’aiment guère ce genre de risque. Donc vous êtes bien gentil, mais votre projet, pas terrible. « L’entrepreneur » est ébranlé. Heureusement, il a de la ressource, et trouve un système de paiement en ligne proposé par une société qui n’est pas une banque et qui ne lui demande rien. Il ne reste plus à l’entrepreneur qu’à retourner voir une banque, lui dire qu’il veut ouvrir un compte d’entreprise chez elle, mais la banque n’aide pas. En rien. Elle va même, puisque vous tenez absolument à ouvrir un compte chez elle, jusqu’à vous demander vos relevés de compte personnel, vérifier dans le moindre détail la nature des statuts de votre petite SARL, et n’hésite pas à vous demander de revoir votre copie. Au passage, la banque empoche le cash que vous versez pour la constitution du capital et demande trois semaines, oui trois semaines, pour encaisser les chèques des associés et donc vous fournir l’attestation nécessaire au dépôt de votre dossier d’enregistrement au greffe du Tribunal de commerce.
Deuxième obligation, l’enregistrement auprès du Tribunal de commerce. Les formalités sont là moins compliquées, mais contiennent des pièges cachés. Dans mon cas, une sombre histoire de sigle qui doit impérativement être un résumé du libellé du nom de la société. Mon sigle étant exactement le même que le nom de la société, le greffe a rejeté mon dossier. Seule solution pour résoudre le problème, aller au greffe du Tribunal. Une bonne heure d’attente pour régler la question en trois minutes. L’entrepreneur doit être résistant.
L’entrepreneur, même s’il n’a pas besoin d’être aidé financièrement, regarde quand même les soutiens que tel ou tel organisme pourrait lui apporter. Ils sont nombreux et aucune coordination n’existe entre eux. J’en retiens deux en exemple, comme faisant preuve d’une réelle bonne volonté mais avec des dispositifs mal adaptés à la réalité des choses.
Les ASSEDIC proposent aux chômeurs indemnisés, et qui créent leur entreprise, le maintien du niveau de leur indemnité. Les ASSEDIC reversent à l’entrepreneur le complément entre sa rémunération issue de son entreprise et les indemnités qu’il touche, cela dans la limite de ses droits bien sûr. Ne sachant pas quelle sera ma rémunération nouvelle, les ASSEDIC partent d’une rémunération forfaitaire de base qui vient donc amputer vos indemnités - dans mon cas environ 30% - et donc concrètement, au moment où vous vous lancez, vos revenus diminuent. Je comprends l’idée, mais est-ce bien logique de diminuer les ressources de l’entrepreneur au moment même où il en a le plus besoin ?
Les directions départementales du travail ont mis en place le fameux dossier ACCRE, qui en gros permet à l’entrepreneur de ne pas payer de charges sociales pendant la première année d’exercice de son entreprise. L’idée en soi n’est pas mauvaise, mais à quoi correspond-elle dans la réalité ? Le dossier ACCRE est un document monstrueux, je n’ai pas peur du mot, compliqué, vous demandant des informations que souvent vous n’êtes pas en mesure de fournir (plan de trésorerie, répartition de vos clients par nature d’activité, etc.) Pour lui seul, c’est trois jours de travail. De plus, que propose l’aide ACCRE ? Une exonération de charges sociales au début de vos activités, au moment même où vos revenus seront les plus faibles, voire inexistants. Chaque entrepreneur le sait bien. Alors où est l’aide ? Trois jours de travail pour un gain quasi nul.
Restant optimiste, c’est dans la nature de l’entrepreneur paraît-il, je vous dis quand même ce qui fonctionne bien. La palme revient pour moi sans conteste à l’Agence pour la création d’entreprise (APCE) et à son site web. Le Comptoir de formation des entreprises (CFE) mis en place par les chambres de commerce fonctionne aussi bien mais n’est qu’un relais et donne peu de conseils. Autre élément à ne pas négliger dans un autre domaine, les juniors entreprises des écoles ou universités. On y trouve des jeunes très motivés, comprenant bien les problèmes, et capables de vous fournir, pour des coûts très raisonnables, des études bien faites.
La palme du mauvais élève est clairement pour les banques. La vie de l’entrepreneur n’est pas un long fleuve tranquille.
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