Le PIB, un bon ou un mauvais indicateur ?
Voilà quelques questions que l’on peut et que l’on doit se poser pour comprendre un peu mieux cet acronyme qui se glisse un peu partout dans nos débats dès que l’on parle d’économie.
Tout d’abord comment définit-on le PIB (Pour mémoire : le produit intérieur brut) ?
On définit souvent le PIB comme l’indicateur économique qui mesure pour un pays donné, la production globale de richesses (valeur des biens et services créés) au cours d'une année par les agents économiques résidant à l’intérieur du territoire national.
Mais est-ce vraiment une production de richesses ? C’est bien souvent ce que prétendent nos talentueux analystes économiques et nos politiques bienveillants, ou ce qu’ils ont inconsciemment intériorisés. Cela mérite une petite réflexion approfondie, car j’ai l’impression que ce n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire.
Tout d’abord pour donner une petite idée à ceux qui ont quelques difficultés à retenir les chiffres ou qui simplement ne se sont jamais intéressés au problème, le PIB de
Déjà on a meilleure idée de la chose. On peut aussi raisonner en prenant uniquement le nombre d’actifs, ce qui est plus pertinent encore, puisque par définition l’actif est la personne qui produit (normalement !), et celui qui ne l’est pas (l’inactif si vous voulez) le bénéficiaire sans produire de la production des premiers. Pour vous épargnez un calcul ingrat, considérons qu’il y a 25 millions de personnes en activité dans ce pays, donc le PIB par actif se situe aux alentours de 80000 euros. On a déjà une autre impression de notre capacité personnelle à produire de la richesse !
Une fois ces données posées, je m’interroge donc toujours sur le sens donné à notre indicateur supposé évaluer notre création de richesse annuelle. Et c’est bien là mon problème, car depuis le début vous avez peut-être déjà perçu que j’avais quelques doutes !
Si
Alors y aurait-il un petit souci quelque part ? Cela ne me paraît pas exclu !
Soit la définition n’est pas appropriée, et c’est le mot richesse qui nous pose ce fameux petit problème, soit on a oublié quelques lois fondamentales de la nature. Mais me direz-vous, pourquoi la nature s’interpose-t-elle dans nos affaires ?
Eh bien la nature a cette fâcheuse propension à détruire tout ce que l’on construit ou produit. Il ne serait pas inutile de se référer à cet instant au deuxième principe de la thermodynamique, mais le propos de cet article n’est pas de se perdre dans les méandres de la physique.
On doit retenir de ce deuxième principe que tout système a tendance à évoluer vers un état d’équilibre le plus stable possible, ou autrement formulé, à évoluer d’un certain état d’ordre vers un certain état de désordre.
C’est ainsi que les châteaux de sable de nos enfants chéris qui fleurissent sur nos plages l’été, n’ont pas une grande espérance de vie car le soleil qui fait sécher le sable humide qui donnait de la consistance au château et les vagues qui se rapprochent feront revenir l’édifice à son expression de départ, c'est-à-dire un vulgaire petit tas de sable qui ne ressemble à pas grand chose. Toute l’information issue de l’imaginaire prolifique de notre jeune constructeur et traduite par la forme du château a été détruite en une fraction de seconde par cette vague maudite que l’enfant n’a pas vu venir. On est bien parti d’un certain ordre pour évoluer vers un certain désordre. Un bel exemple estival de construction, destruction.
Vous allez me dire que je fais une digression marquée en parlant d’un château de sable alors que l’on étudiait la pertinence de notre indicateur macro-économique favori. Je le concède un peu, bien que je ne sois pas si éloigné de mon propos initial. Regardons d’un peu plus près quelques exemples de production, la vraie, celle de nos agents économiques.
Imaginons notre artisan favori que l’on rencontre tous les jours ou presque, celui qui nous fabrique la petite baguette aux graines si savoureuse. Il produit une certaine richesse en fabriquant son pain, qui est bien le résultat d’un travail, d’une transformation, avec création de formes, de goûts, et donc au final d’un objet ayant une certaine valeur marchande. Si j’ai un peu faim en sortant de ma boulangerie, le risque pour que la moitié de la baguette soit mangée en 2 ou 3 minutes n’est pas nul ! Et selon toute vraisemblance, cette même baguette sera mangée dans la journée. Le résultat est que la richesse représentée par ce produit si particulier a été détruite en moins de 24 heures. Et pourtant les valeurs ajoutées liées aux produits de notre artisan boulanger ont bien été comptabilisés dans le PIB.
Des exemples comme celui-là sont nombreux. Je vous les laisse deviner. Prenons quand-même un deuxième exemple tout à fait évocateur, qui est celui de votre coiffeur qui périodiquement vous facture une vingtaine d’euros pour vous messieurs (et avantage pour les femmes !) pour une coupe de cheveux qui relève davantage d’une destruction de richesse que d’une création, vous en conviendrez bien.
Et que dire de l’automobile, cet objet si beau, si luxueux parfois, si compliqué, qui nous coûte si cher à l’achat, à l’usage et à l’entretien, et qui ne vaut pas tripettes au bout de 10 ans, surtout si l’état développe des idées aussi lumineuses que la prime à la casse.
Il y a bien dans tous nos processus de production des créations de valeurs (et pas forcément de richesses) et des destructions de valeurs équivalentes dans un délai très variable.
Je me pose aussi quelques questions sur la politique des grands travaux (ponts, autoroutes, voies ferrées, etc..) qui nous sont souvent présentés comme des projets dynamisant la croissance. A-t-on comptabilisé la perte définitive des terres arables qui sera autant de manque à gagner pour nos agriculteurs et nos exportateurs de denrées agricoles. A chaque kilomètre de route construite, on constate bien une perte de vraie richesse (la nourriture produite) ; la première des richesses n’est-elle pas celle qui permet à l’espèce humaine de se nourrir et de vivre. Dans le même registre que les grands travaux, que pensez des ronds-points qui se multiplient, nous donnant le tournis et provoquant une usure accrue des pneus droits de nos voitures !
J’espère que désormais vous avez une autre idée de l’aura qu’entoure notre bel indicateur nommé PIB. Aurait-on oublié dans notre comptabilité nationale le pendant de cet indicateur que l’on pourrait appeler le DIB (destruction intérieure brute) ? Bon, ce n’est pas très joli comme acronyme, mais il aurait le mérite de rééquilibrer une balance qui d’un côté supporterait le poids de l’ensemble de nos créations et de l’autre le poids de l’ensemble de nos destructions (objets fabriqués, terres agricoles, ressources minières, ressources énergétiques fossiles, etc…). On aurait ainsi une vision plus juste de nos vraies créations de richesses, celles qui perdurent dans le temps, et qui font que nous sommes ou serons réellement plus riches, et pas forcément au sens le plus restrictif du terme, c'est-à-dire l’argent. Le même raisonnement pourrait s’appliquer par exemple à la culture.
Ne pourrait-on pas affirmer au regard de cette analyse que plus on croît être riche, plus on s’appauvrit ? Je vous laisse juge !
Pour terminer, et pour répondre à la question centrale qui fait le titre de cet article, le PIB a mon sens n’est ni un bon ni un mauvais indicateur. Il comptabilise simplement des flux, ceux de la production, de la création de valeurs. Il faut le prendre comme tel, mais je vous invite à vous souvenir que parallèlement à ce miracle économique sans cesse renouvelé, il y a la nature toujours présente, avec ses lois implacables, sa puissance, qui pourrait bien un jour bousculer toutes nos certitudes y compris celles de nos politiques. N’a-t-elle pas déjà commencé ?
Alain-Desert
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