La crise n’en finit pas de nourrir les débats sur la planète. Protéger les banques, l’économie de marché, relancer l’économie par l’injection de milliards virtuels ne reposant sur aucune valeur économique. La crise a pour raison essentielle la déflation salariale. La part qui revient aux actionnaires est prise sur celle des travailleurs qui, pour maintenir leur niveau de vie, compensent par le recours au crédit. La crise est venue du trop plein d’endettement et de ceux qui ne peuvent plus rembourser. Cette déflation salariale dans les pays « riches » est entraînée par les énormes différences du coût du travail entre les différents pays producteurs. Sur ces points tous les économistes sont d’accords.
Alors, conscients des causes de la crise et de son origine, les gouvernants du monde auraient pu prendre la mesure de l’enjeu. Il n’est pas de sauver le système existant, mais de protéger les populations de la financiarisation de l’économie. Redonner à l’économie réelle tout son sens, son bon sens.
Le réflexe du protectionnisme apparaît chez certains pour protéger la consommation intérieure d’une zone définie. Il réapparaît chez d’autres qui découvrent que la relance par les salaires ne peut trouver d’écho que si la consommation alimente ces mêmes salaires. Inutile de développer la thèse de ceux qui trouvent dans le protectionnisme le seul moyen de se protéger des étrangers qui seraient des ennemis.
N’y a-t-il pas un moyen de réguler l’économie en protégeant les populations sur leurs terres ?
Seule la volonté des plus grands pays, non seulement le G20 mais de tous les pays producteurs, peut conduire à l’espoir d’un monde régulé. (ce n’est pas gagné !) Dans cette espérance l’Europe ne peut-elle pas mettre en place pour elle-même des règles qui pourraient inspirer la silencieuse Organisation Mondiale du Commerce ?
Pour une nouvelle gouvernance mondiale !
Mettre en place un protectionnisme proportionnel au coût de la main d’œuvre et de sa protection sociale.
La démonstration par l’exemple vaut mieux qu’un trop long exposé.
Imaginons le prix d’une perceuse chinoise importée en Europe à 25 euros : que le coût de sa production représente 20%, soit 5 euros. (Déduction faite de la matière première et des coûts de transports) : que ce coût de main d’œuvre (1) en chine soit 6 fois inférieur à celui de l’Europe.
La protection de la main d’œuvre européenne conduirait à la création d’une taxe sur cette perceuse proportionnelle à cette différence. Ainsi les 5 euros de main d’œuvre chinoise seront transposés au coût européen, soit multipliés par 6, ce qui représenterait dans cet exemple 30 euros. La perceuse serait facturée aux consommateurs européens 55 euros au lieu de 25. Choquant ? Pas du tout ! Une marque de chaussures, de vêtements…peut multiplier par 10 le prix d’un article sans que personne ne trouve à redire. (2) Les surcoûts liés à la taxe n’iraient pas dans les poches de quelques-uns mais serviraient une politique pour tous.
En effet, le produit de cette taxe pourrait servir le financement de la protection sociale collective ou tout au moins les finances publiques, et venir en déduction des charges pesant sur les entreprises et donc de celles qui pèsent sur l’emploi.
Le principe pourrait s’appliquer non seulement au commerce mondial mais aussi à l’intérieur de la zone euro où le plombier polonais alimenterait ainsi la sécurité sociale française.
Le surcoût de cette taxe conduira à la modération de la consommation de produits importés mais aussi et concomitamment au développement des pays où les travailleurs sont peu payés. En chine par exemple l’évolution économique conduit à la plus grande qualification des travailleurs, et donc à une augmentation des salaires, et donc une part plus importante du travail dans la distribution du revenu national. Bien loin d’être un danger, c’est l’occasion de remplacer les ressources liées à l’exportation comme moteur de la croissance par une authentique demande intérieure, aujourd’hui déprimée par la faiblesse des salaires et la précarité des situations professionnelles.
Ce protectionnisme ne peut se mettre en place indifféremment sur tout le globe. Des règles d’équilibres devront être trouvées pour encourager le développement des pays fragiles, je pense à l’Afrique en particulier.
L’harmonisation des coûts de la main d’œuvre, de la protection des travailleurs et de leur juste place dans le système économique mondial devient la seule voie possible pour l’humanité et pour son économie durable et solidaire.
Les récentes décisions des pays industrialisés pour « contourner » la crise sont bien pales pour servir l’humanité.
Vos réactions m’intéressent.
D. GARDARIST
(1) Le coût de la main d’œuvre n’est pas simplement celui du salaire et des charges, mais aussi celui de la productivité. L’écart de salaire entre la chine et la France est de 1 à 20. Mais ramené à la productivité des entreprises cet écart tombe de 1 à 6
(2) Extrait d’une archive du monde sur l’économie : « Au hasard des achats nécessaires, prenons la chaussure pour adolescent, tendance sport. Dans une première boutique, nous tombons sur une paire à 10 € (9,90 évidemment pour être plus précis) fabriquée en Chine. Dans une deuxième boutique, une autre paire fabriquée elle aussi en Chine : 60 €. La différence principale : une marque. La texture ou la qualité ne marque pas une différence fondamentale. Où vont les 50 € de différence ? Certainement pas au producteur chinois. Il va au commerçant puis à un aéropage de spécialistes du marketing, de la publicité, du design (un peu),… et puis aux bénéfices. A l’Etat aussi, via la TVA et l’impôt sur les bénéfices. Ce qui est sûr, c’est que ces 50 € n’ont plus guère de lien avec le produit “chaussure” en lui-même. Ils rétribuent une image, une ruse de vente, en bref une construction intellectuelle et culturelle autour du produit. Est-ce bien, est-ce mal ? D’aucuns, la plupart peut-être, répondront : pourquoi se poser la question ? Si ça se vend, c’est qu’il y a un acheteur, libre de surcroît. Imparable, la liberté…