Le sommet du G20 à Londres : Vrais remèdes à la crise ou cautère sur une jambe de bois ?
La crise actuelle est sans nul doute, hormis les guerres, la plus grave que le monde a connu depuis 1929. Le G20, réuni à Londres jeudi 2 avril, apportera-t-il les remèdes que tous attendent ? Il semble avoir assez bien diagnostiqué les problèmes et leurs causes. Mais les intentions exprimées seront-elles suivies d’effets ?
Un consensus s’est établi pour considérer la crise actuelle comme la plus grave que le monde a connu depuis 1929. Les prévisions de l’OCDE en témoignent : Le produit intérieur brut cumulé des 30 pays qui la composent devrait chuter de 4,3% en 2009 et se stabiliser à -0,1% en 2010. Le commerce mondial pourrait chuter de 13%. En zone euro, le chômage va grimper à 10,1% en 2009 et à 11,7% l’an prochain ; aux Etats-Unis, il atteindra 9,1% cette année et 10,3% en 2010.
Comme en 1929, la crise est partie des Etats-Unis. Comme en 1929 également, il a suffi d’un grain de sable pour gripper la machine en déclenchant un manque de confiance qui s’est répandu comme une traînée de poudre, des banques aux marchés financiers, puis vers les entreprises, vers les particuliers et enfin vers les Etats. Un caillou a suffi pour renverser une voiture tirée au triple galop par son puissant attelage ; les voitures suivantes sont venues s’écraser sur elle, entraînant un gigantesque embouteillage dont on n’est pas près de sortir et faisant au passages des morts et des blessés.
Pour tenter de restaurer la confiance, moteur de toute économie, les Etats ont lancé de gigantesques plans de sauvetage et de relance qui vont obérer leurs finances – et donc nos finances – pendant de longues années. Jeudi dernier, à Londres, le G20 n’a fait qu’ajouter une couche supplémentaire de 1 000 milliards de dollars à ce cataplasme. 1 000 milliards, c’est à la fois très peu et beaucoup. Très peu car, pour les six milliards d’habitants de la planète, c’est à peine 170 dollars pour chacun, autant dire une goutte d’eau, de quoi vivre un jour ou deux pour un Européen ou un Américain et subsister quelques mois pour un Haïtien ou un Ethiopien. Mais ce n’est tout de même pas rien : dix années du déficit public de la France.
Plutôt que sur le combien qui a un caractère abstrait, voire surréaliste, mieux vaut s’interroger sur le pourquoi et le comment. On retombe là sur un cercle vicieux bien connu : la défiance qui entraîne la défiance.
La crise actuelle est née d’une crise bancaire principalement liée aux « subprimes ». De tout temps, le cœur de métier des banques est l’intermédiation : conserver en lieu sûr les liquidités et l’épargne de leurs clients et utiliser cet argent pour prêter à des clients solvables. Le danger est venu quand elles sont sorties de leur métier pour faire toute autre chose. Sous la pression des gouvernements américains, démocrate avec Bill Clinton, puis républicain avec George W Bush, elles ont prêté de plus en plus massivement à des familles modestes pour que celles-ci puissent acquérir leur maison, symbole de l’American dream. Personne n’a pris en compte les risques : insolvabilité des emprunteurs en cas de hausse des taux d’intérêts – qui a doublé le montant des mensualités ; développement d’une bulle immobilière suivie d’un effondrement des prix qui a conduit des milliers de familles à la faillite.
Si ces risques se sont reportés sur les banques, c’est du fait d’une confusion des genres : Ni les banques ni l’Etat qui les avait fortement poussé à se lancer dans ces prêts « sociaux » n’ont mis en place des systèmes suffisamment solides et fiables de garantie de ces prêts douteux. Les banques dont ce n’est pas le métier conservaient donc tous les risques. Elles se sont alors débarrassées d’une partie de leurs portefeuilles de prêts « pourris » en faisant largement appel à la titrisation – cette technique financière qui consiste à revendre des crédits sous forme de titres, créant ainsi les « subprimes ».
Deuxième confusion des genres : Les agences de notation, à la fois juges et parties, ont surévalué ces titres de créances que les gestionnaires de fortune ont massivement acquis sans vraiment connaître leur qualité, créant des produits de plus en plus risqués et présentés d’une façon de plus en plus sophistiquée, au point de devenir opaque.
Troisième confusion des genres : les banques et les compagnies d’assurance engagées dans la gestion d’actifs et les fonds d’épargne et de placement ont cherché à doper leurs performances en introduisant dans les actifs gérés une part croissante de ces nouveaux produits. Si bien que bien des placements présentés comme sûrs ont fini par se révéler plus ou moins risqués.
Quatrième confusion, sans doute la pire : Dans le but d’accroître leurs marges, les banques les plus classiques et réputées les plus sages se sont fragilisées en se mettant à spéculer pour leur propre compte sur toutes sortes d’instruments financiers sans réelle contrepartie ; l’affaire Kerviel n’en est qu’un exemple parmi des centaines des conséquences de cette fuite en avant.
Revenons à la confiance : Une banque, comme toute entreprise cotée, vit de la confiance de ses actionnaires qui l’approvisionnent en capitaux, approuvent ou non sa gestion et maintiennent ou révoquent ses dirigeants. Elle veille donc à la bonne tenue du cours de ses actions pour conserver cette confiance et aussi dans l’intérêt de ses dirigeants, détenteurs d’actions et de stock-options. Pour garder la confiance des marchés, elle doit publier des bilans trimestriels aussi reluisants que possible : Il faut à tout prix présenter un résultat toujours en hausse.
Or la certification des comptes ne permet pas toujours d’évaluer à leur juste prix tous les actifs du bilan et d’assurer la réalité du résultat présenté. On sait que les règles qui président à l’élaboration des comptes et à leur certification sont établies et sans cesse perfectionnées par un aréopage de comptables qui se réunissent à Bâle et statuent en totale indépendance des Etats, des banques centrales et des autorités de contrôle des marchés financiers. En matière d’évaluation d’actifs, la règle est de comptabiliser les titres détenus (par exemple les subprimes) à leur dernière valeur d’échange. Ces derniers mois, des subprimes se sont négociés à 15 % de leur valeur initiale alors que, parmi les prêts qui les constituent, les trois quarts ne présentaient pas de risque particulier. La décote « économique » ne devrait donc être que de 25 % alors que la dépréciation « comptable » atteint 85 % ! L’Etat français, comme les gouvernements américain et britannique, a donc dû recapitaliser les grandes banques pour qu’elles puissent continuer à prêter. Il s’est même porté caution des prêts qu’elles se consentent entre elles, la confiance n’étant plus de mise au vu de leurs bilans dont la dégradation a été plus apparente, à cause des règles comptables, que réelle, au vu de la qualité de leurs créances. On a, en fait, anticipé le risque de défaut des emprunteurs que pourrait générer la crise, ce qui n’a fait que l’amplifier.
Ces anomalies, pour ne pas dire ces aberrations, n’ont pas échappé au G20 qui, jeudi à Londres, a inscrit au programme la révision des normes comptables, un encadrement des agences de notation et des hedge funds et une nouvelle organisation mondiale de la finance. A mon sens, les autres mesures emblématiques qui ont été décidées, portant sur l’encadrement des bonus des traders ou sur les sanctions contre les paradis fiscaux, pèseront bien peu sur la relance ; mais, si elles contribuent à restaurer un peu de confiance, elles ne seront pas tout à fait inutiles. Il en est de même des mesures prises par plusieurs gouvernements, dont la France, pour limiter les bonus, les stock-options et les invraisemblables retraites chapeau des dirigeants. Puissent ces mesures redonner un peu de confiance dans des dirigeants moins amoraux et recréer un peu du lien social qui s’est dangereusement effiloché ! Regrettons toutefois qu’il ait fallu qu’un président, Barak Obama ou Nicolas Sarkozy, tape sur la table ou qu’une assemblée légifère, alors que trop rares sont les dirigeants d’entreprises qui, d’eux-mêmes, ont donné l’exemple en renonçant à leurs avantages.
Jean-Claude Charmetant.
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