Le principe
Des formalités simplissimes de constitution
L’inscription peut se faire en ligne et le nombre de pièces justificatives est limité au minimum. En outre, le candidat à ce statut bénéficie d’un kit qui le guide dans ses premiers pas y compris pour établir ses premières facturations
Un système de cotisation et de taxation juste et simplifié
Fini les taxations forfaitaires même en l’absence d’activité puisque l’auto-entrepreneur ne paie que si il a eu une activité.
Fini les calculs les longs et fastidieux, les déclarations multiples, les assiettes et les barèmes qui varient d’une taxation à l’autre : une seule assiette, le Chiffre d’Affaires réalisé et un seul taux (13% dans le négoce, 20,5% pour les activités libérales et 23% dans la prestation de service) pour tout payer, impôts et cotisations sociales.
Un système qui limite le risque
En effet, l’auto-entrepreneur qui bénéficie déjà d’un statut un peu protecteur (salariés, fonctionnaires, retraités, chômeur indemnisé) ne sont pas obligés de l’abandonner pour démarrer cette nouvelle activité autonome. En plus, on peut démarrer chez soi, donc pas de charges supplémentaires de ce point de vue.
Mais quelques limites toutefois
La principale limite c’est l’activité maximale autorisée sous ce statut : 80.000 €uros de facturation pour les prestations de service ou les activités libérales et 80.000 €uros pour les activités de négoce. Cela imite singulièrement les perspectives de revenu net. En outre simplicité des déclarations ne veut pas dire absence de déclaration.
…et la réalité
Des statistiques flatteuses mais un peu en trompe-l’oeil
528,399 créations d’entreprises au 30 novembre 2009 contre « seulement 327.000 en 2008 et 321.478 en 2007. Et dans ce total, les auto-entrepreneurs pèsent pour 291,921. Ceci laisse donc environ 236,500 créations d’entreprises en dehors du statut d’auto-entrepreneur. Pour mémoire rappelons que le nombre d’entreprises créées par a oscillé entre 200.000 et 240.000 pendant la décennie 1993/2003 avant de réellement décoller à partir de 2004.
Certes certaines de ces « auto-entreprises » deviendront des vrais entreprises mais ce n’est pas le tsunami annoncé.
Un bilan économique en demi-teinte
En effet pour devenir une entreprise, l’auto-entreprise doit produire de la richesse, c’est à dire générer un chiffre d’affaires et que ce chiffre d’affaires soit suffisamment conséquent pour créer un revenu pour l’auto-entrepreneur.
Or 40% seulement de ces auto-entrepreneurs ont déclarés une activité. Ceci veut dire que 120,000 auto-entrepreneur seulement sont réellement entrés dans le cycle économique et pour la plupart sur la point des des pieds : selon les études et la période les chiffre varient mais un CA moyen de 1,400/Mois est un chiffre souvent évoqué . Donc même quand ils produisent, les auto-entrepreneurs produisent peu.
Un bilan social mitigé
La conséquence de cette faible activité est que les auto-entrepreneur qui produisent n’en vivent pas loin de là. Le revenu moyen estimé tiré de de l’activité est de 775 €uros, soit le seuil de pauvreté.
Or 39% des auto-entrepreneurs exercent cette activité à titre exclusif et ils sont la plupart des chômeurs indemnisés ou non.
D’un autre côté, avec ces chiffres d’affaires lilliputiens, le statut d’auto-entrepreneurs aurait permis d’engranger 200,000 de rentrées fiscalo-sociales. On est loin du 1 Milliard d’€uros qu’aurait espéré Bercy mais c’est mieux que rien.
Quelques « abus » ?
Lors de la mise en place du statut, certaines voix s’étaient élevées pour dénoncer « le retour des journaliers, ces gens qui louaient leurs bras à la journée » ou pour faire plus moderne en parlant de « néo-fléxicurité » où la flexibilité serait pour l’entreprise et la sécurité externalisée sur l’auto-entrepreneur qui devrait s’en débrouiller. Force est de constater en parcourant les forums sur le Net que des témoignages existent pour indiquer que certains types d’entreprises se sont engouffrées dans ce dispositifs pour transformer leur salariés en « entrepreneurs » . Il s’agit la plupart du temps d’ailleurs d’entreprises où le statut des salariés laissent une large place à l’initiative individuelle (consulting, développement informatique, communication) ou pour lesquels le salariat dans ces entreprises n’étaient qu’une activité à temps partiel (services à la personne). Ces pratiques ne sont pas nouvelles mais elles deviennent détestables lorsqu’elles sont totalement revendiquées comme l’alternative à une période d’essai ou au licenciement.
Profitons-en pour tordre le coup à un autre « abus » dénoncés a priori : la concurrence déloyale au PME et singulièrement celles du bâtiment : moins de 10% des auto-entrepreneurs se déclarent dans ce secteur : la concurrence ne sera pas trop rude et de toute façon pour faire des interventions à faible valeur ajoutée (que la plupart des artisans ne font pas.
Alors qu’en penser ?
Il est trop tôt pour faire un bilan définitif.
Manifestement le statut séduit puisque 83% des auto-entrepreneurs (sondage Opinionway pour l’observatoire des auto-entrepreneurs), même ceux qui ne font rien, se disent satisfaits de leur statut.
Mais pour autant, il faut se garder de tirer des conclusions dans un sens ou dans l’autre en ce qui concerne l’effet d’entraînement de ce statut sur l’esprit d’entreprise en France et ce pour trois raisons :
- depuis que Raymond Barre avait conseillé aux chômeurs de créer leur propre entreprise pour s’en sortir,
[1] nous savons que le cycle de création d’entreprises suit très fidèlement la courbe du chômage
- il existe un premier seuil dans la vie des entreprise : le seuil de la première année. Or aucun auto-entrepreneur n’a encore franchi ce cap. Les statistiques de CA généré du 1 semestre 2010 devraient nous en dire plus sur la réalité de ces entreprises
-il existe un second seuil : le seuil des 5 ans. C’est le seuil de pérennisation des entreprises. C’est seulement à ce moment là qu’on pourra avoir une véritable idée de la solidité des entreprises.
Avec toutefois un biais : il est à espérer que ces auto-entrepreneurs auront pour la plupart disparu en tant que tel car rester en dessous des seuils de chiffre d’affaire imposés par le statut voudrait dire qu’ils vivotent et n’en vivent pas...
Mais
Le statut ne fait pas l’entreprise
Ce n’est pas parce qu’on se déclare auto-entrepreneurs qu’on est forcément un entrepreneur. Le statut n’est qu’une facilité accordée pour démarrer : il ne vous délivra pas automatiquement le sésame pour réussir. Ceci explique vraisemblablement que 60% des déclarés ne soient pas passer à l’acte. En effet pour être entrepreneur, il faut d’une part avoir l’esprit à ça (c’est-à-dire un minimum d’autonomie d’esprit d’initiative et d’organisation, notamment) et d’autre part avoir une idée précise de ce qu’on veut faire (quel produit sur quel marché pour quelle type de clientèle, etc..). Il faut aussi quoi qu’on dise un minimum de mise de fond de départ. Ou alors cela ne reste qu’un voeu pieux ou une activité d’appoint., sans grand enjeu vital (ceci explique que 29% des auto-entrepreneurs soient des salariés et 17% des retraités).
Les lacunes du dispositif
Entreprendre est certes une vocation mais entreprendre est aussi un métier. Et un métier cela s’apprend et pour le coup cela s’apprend sur le tas. La mobilisation des réseaux d’accompagnement n’est sûrement pas à la hauteur des statistiques de création affichées.
La question du financement des premiers pas des auto-entrepreneurs a été peu évoqué. De l’aveu même du Président de la République
[2], il y a là une lacune qu’il convient de réparer en mobilisant notamment les réseaux de micro-crédits. ON attend toujours des actes forts en la matière.
En fin de compte, qu’en penser ?
C’est une réelle opportunité pour ceux qui ont vraiment envie de créer quelque chose
Cela risque rapidement de devenir un miroir aux alouettes pour ceux qui, fascinés par la facilité d’acquérir le statut, en déduisent qu’il est également facile de faire vivre une entreprise.
Pour être plus clair, n’aurait-il pas été plus honnête de baptiser ce statut de son vrai nom : auto-employeur et non auto-entrepreneur qui entretient bien inutilement l’ambigüité ?
Et pour en rester à la simplification des démarches administratives, ne ferions-nous pas mieux de nous occuper des « vrais » projets d’entreprises et de regarder ce que nos voisins (les Belges, les Scandinaves par exemple) font en matière de simplification administrative mais ceci est une autre histoire qui nous obligerait aussi à nous pencher sur nos statuts de société et sur le statut social de l’entrepreneur ?
Et si on avait voulu sécuriser les premiers pas des candidats à la création d’entreprises, n’aurait-il pas été aussi efficace de soutenir des initiatives de portage de projet comme les Coopérative d’activités et d’emploi (CAE) ? Mais cela aurait été moins simple à monter et moins simple à gérer en terme de communication.
[1] A l’époque le niveau annuel de création d’entreprises tournait autour de 125,000/150,000
[2] Extraits de l’allocution prononcée le 14 mai devant un parterre d’auto-entreprereurs « Je demande à la caisse des dépôts d’accorder aux structures de micro-crédits à prix coûtant. Je laisse à Christine Lagarde le soin d’en définir le volume avec la Caisse des Dépôts »