Les actifs financiers surfent sur un océan de liquidités : y aurait-il des fissures dans le fond ?
Les saisies immobilières aux USA, en augmentation depuis plusieurs mois, commencent à donner quelques soucis aux financiers.
Cet article est la suite annoncée à l’article paru le 18 décembre dernier et intitulé : "Saisies immobilières aux USA : de records en records (et même un peu plus...)", dans lequel je vous faisais part de ma volonté de remonter, comme un saumon, par le bas cette statistique des saisies immobilières aux USA, qui n’en finissent pas d’augmenter.
J’annonçais dans cet article différentes sources et graphiques étayant les informations données. Pour une parfaite compréhension, vous pouvez même en le consultant repartir à la source, revoir le premier édito de ce blog.
Résumé express des différents articles précédents : ne souhaitant tomber dans aucune polémique ou prévision aléatoire sur la situation de l’immobilier américain, je vous annonçais me concentrer uniquement sur le suivi de ce qui résultait de cette situation "au pire" et en l’occurence : les saisies de biens. Présentant mois après mois depuis août ces statistiques en augmentation, je vous invitais le 18 décembre à regarder ce qui pouvait alimenter ces stats en hausse de façon à ne pas rester juste comptable de ces chiffres mais à comprendre ce qui se passe.
Si chaque foyer dont l’habitation est saisie est une goutte qui tombe du réservoir du marché, il convient de regarder quelle est la taille du réservoir au-dessus, et la qualité de ses parois.
- Le CRL, Center for Fesponsible Lending ("centre pour l’emprunt responsable") a fait paraître en décembre une étude, la plus complète qui soit depuis longtemps et portant sur la période 1998-2006, indiquant que 2 200 000 ménages US seraient sur le point de perdre leur habitation en raison des saisies liées au marché des prêts hypothécaires dits "subprime loans" (prêts réalisés à l’attention de personnes ayant une solvabilité de qualité inférieure en échange d’un taux de prêt supérieur). En cliquant sur le lien vous pourrez télécharger l’étude ou son résumé complet. Ce sont 58 pages de qualité (en anglais) qui montrent également que la part des subprime loans a atteint un quart des prêts hypohécaires faits aux USA en 2005 et 2006. Ceux-ci ont été multipliés par près de 20 de 1994 à 2006. Il s’agit notamment, en 2005, du marché à la croissance la plus forte dans le marché hypothécaire, un grand nombre n’arrivant pas à se qualifier pour obtenir un crédit dit conventionnel.
En consultant le blog foreclosurepulse.com qui n’est autre que le site bis de realtytrack, la référence pour le suivi des saisies, vous tomberez d’ailleurs sur un article présentant un graphique issu de cettte étude parue dans le New York Times montrant l’envolée de ces subprimes loans et la part (en foncé) potentiellement à risque pour une saisie future.
- Des faillites, des désengagements de sociétés de crédit réalisant ces prêts à taux élevés pour des dossiers de moindre qualité ont lieu régulièrement depuis quelques mois : exemple Ownit Mortgage Solutions, le 17e prêteur par la taille ou le 11e, parfois cité comme le 15e (?) suivant les sources trouvées sous forme de subprime loans. Le site mortgageimplode s’amuse même à comptabiliser "les morts" de ce secteur en les rayant de sa liste, d’autres, marketwatch, bostonglobe, The economist, Bloomberg, vous montrent l’importance croissante de ces informations.
- Fannie Mae ensuite, l’un des deux plus gros organismes américains de refinancement hypothécaire, face à ces difficultés a décidé de ne plus refinancer ce type de prêts.
- selon banknet 360, les retards de paiements toutes catégories de prêts confondues (ou presque) sont en hausse chez les Américains. Dernier en date dans moneyandmarkets, le marché des sub-prime loans connaît toujours certains tourments et l’ABA (American Banking Association) confirme les informations de retard de paiements pour le 3e trimestre 2006 ici.
UBS, première banque suisse et mondiale par l’importance des capitaux gérés pour compte de tiers, confirme que le taux des défauts de paiement a doublé à 8 % pour ces "subprime loans". Déjà le 21 novembre 2006, cette banque via un article de Yahoo Finance faisait part de son inquiétude et de son étonnement face à la vitesse de propagation des sinistres.
Tout ceci est temporaire peut-être, certains éléments présentés ne portent que sur des potentialités, des risques en germe, mais au moment même où UBS faisait part de ses préoccupations, le compartiment du marché obligataire dévolu à ce type de prêt partait en chute libre. Je publie cet article avec une semaine de retard et en une semaine, ce marché a encoré baissé (graphe ci-dessous) :
Conclusion : la faillite de quelques personnes puis de cent mille, d’un million est en train de s’étendre à d’autres agents économiques - les ménages ne sont plus les seuls concernés -, à des entreprises de crédit, aux banques, à certains segments du marché obligataire américain.
Qu’allons-nous faire maintenant ? Tel le saumon, je vous propose d’attendre patiemment entre deux rochers de voir ce que le courant va nous amener à contempler, rien ne sert de remonter encore le courant, d’ailleurs vous remarquerez qu’on est déjà remontés pratiquement "tout en haut".
Qu’allons-nous surveiller ? Les prochaines saisies bien sûr, l’évolution de la courbe ci-dessus et les marchés obigataires portant sur les prêts de meilleures notations, pour voir s’il n’y a pas de contagion.
Il y a des couacs partout dans le monde de la finance, dont le fondement de l’activité est la prise de risques, mais là, et même si c’est compartimenté, il s’agit des USA et de l’immobilier qui a porté une bonne part de la croissance ces dernières années et non pas d’un krach vénézuelien (cette semaine) ou thaîlandais, islandais comme il y a pu en avoir en 2006, de même qu’en Arabie saoudite. La question peut avoir une résurgence future, nous la suivrons donc encore plus précisément.
La création monétaire aux USA, qu’on ne peut plus comptabiliser précisément depuis 2006, semble se déverser dans un tonneau, dont le fond permettrait une comptabilisation de plus en plus précise par contre. Je ne sais pas s’il y a évaporation des liquidités par le dessus, mais au fond elles disparaissent avec certains autres avoirs.
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