Les finances publiques enfin prises en main ?
La Revue générale des politiques publiques initiée par Nicolas Sarkozy est-elle en mesure de répondre à l’enjeu des déficits publics et de la dette ? Rappel du contexte et commentaires.

Commençons peut-être par "pourquoi réduire le déficit public ?" Et auparavant, "qu’est-ce donc ?" Reprenons depuis le début (si vous connaissez déjà cela très bien, allez directement au paragraphe "vendredi 4 avril").
Les administrations publiques (Etat, collectivités territoriales et sécurité sociale) ont pour rôle de fournir certains services gratuitement pour tous (éducation, sécurité, soins...). Pour cela, elles doivent prélever une partie des richesses créées dans le pays pour les mettre dans un "pot commun".
Quelques ordres de grandeur : le total des richesses qui seront créées en France cette année (le PIB) est de 1 900 milliards d’euros. Le total des dépenses publiques est de l’ordre de 1 000 milliards d’euros (54 % du PIB). Or, le total des recettes publiques est de 950 milliards d’euros (51 % du PIB). Et c’est comme cela depuis trente ans : nous recevons bien plus de services publics que ce que nous payons. L’écart, les 50 milliards d’euros - soit presque 3 % du PIB - appelé déficit public, est obtenu en s’endettant auprès des investisseurs internationaux qui veulent bien nous prêter, et sera remboursé petit à petit par les générations futures.
L’accumulation des déficits publics d’année en année crée la dette publique. Elle est aujourd’hui de 1 200 milliards d’euros. On l’exprime souvent en % du PIB (env. 65 % aujourd’hui), mais elle est en réalité plus impressionnante comparée aux recettes publiques annuelles (le ratio est alors de 126 %) ! Ce niveau est paradoxalement dans la moyenne européenne et mondiale. Mais il faut savoir qu’on 1980, à 20 % du PIB, la dette publique de la France était la plus faible des grands pays du monde ! Donc, même si elle augmente de 50 milliards chaque année (ou 1 600 € par seconde - de jour comme de nuit - si vous préférez), la France pourrait continuer à rembourser ses créanciers (c’est-à-dire ne serait pas en "faillite") jusqu’en 2020 ou même peut-être 2025. Mais une chose est sûre : à ce rythme-là, un jour ou l’autre, cette faillite arriverait. Et, bien avant, les investisseurs la voyant arriver, ils ne nous prêteraient plus à 4 % mais, pour compenser le risque, ne nous confieraient leur argent qu’en échange de 5 %, puis 6 %, puis 7 %, gonflant ainsi nos dépenses publiques contraintes. La spirale s’accélère alors très vite (voir l’Argentine ou plus récemment la Hongrie pour les conséquences).
Une autre chose est sûre : cette accumulation de déficits est injuste, car la génération qui paiera ces services publics ne sera pas celle qui en a bénéficié. Comment cela s’appelle déjà ? Ah oui, c’est ça : du vol ! Evoquer le problème du déséquilibre des finances publiques, ce n’est pas fustiger l’impôt, l’Etat ou les fonctionnaires. C’est rechercher le partage le plus juste possible de la richesse (et des dettes) entre générations.
Vendredi 4 avril
Voilà qui nous amène à ce vendredi 4 avril, "cette journée historique" selon le président Sarkozy, car "le temps de la réforme de l’Etat est venu". Le gouvernement et le président sont de droite (je sais ce n’est pas un scoop) donc ils ne veulent pas augmenter les prélèvements obligatoires. A choisir, ils préfèrent réduire le coût de fonctionnement des services publics.
"Je le dis et je le répète, ce ne sont pas les économies qui feront la réforme, c’est la réforme qui permettra les économies", a insisté Nicolas Sarkozy "c’est la différence entre la rigueur et la réforme".
Je ne peux que saluer les principes évoqués dans le rapport détaillé présenté parallèlement par Eric Woerth : "Un Etat concentré sur ses priorités, un Etat plus simple, un Etat adapté à son temps, un Etat qui n’hésite pas à changer de modèle d’organisation". Les mesures annoncées sont multiples et ont l’air convaincantes (fusions ou suppressions de nombreux organismes et commissions publics dont personne ne sait plus pourquoi elles ont été créées...). Trois cents personnes travaillent sur cette RGPP (Revue générale des politiques publiques) depuis juin 2007.
Le principe évoqué par le président, d’offrir le même niveau de service public mais à un moindre coût, c’est-à-dire d’augmenter la productivité du service public, peut permettre de réduire les déficits. Il faut arrêter d’imaginer que supprimer un poste public signifie licencier quelqu’un. Cela permet au contraire aux contribuables d’économiser le montant de prélèvements publics correspondant et, en le dépensant, de créer dans l’économie la demande correspondant à un emploi de plus quelque part. Au final, on a autant d’emplois, mais plus de pouvoir d’achat. Dans l’économie globalisée, l’effet est même multiplié : si notre taux d’impôt sur les sociétés passe en dessous de celui de nos voisins, par exemple, cela attirera de nouvelles entreprises.
Au-delà des principes, les objectifs d’évolution des dépenses publiques sont cohérents. Le gouvernement va plus loin que la stabilité des dépenses de l’Etat en volume, c’est-à-dire une augmentation limitée à l’inflation, qui était la règle depuis plusieurs années, en annonçant dans le prochain budget - qui sera pour la première fois pluri-annuel (2009-2011) - une augmentation d’1 % par an en valeur (proche du zéro que je demandais mardi sur mon blog). L’inflation étant montée à 3 %, cela signifie que les dépenses diminueraient de 2 % en volume.
Reste à voir l’évolution de l’ensemble des dépenses publiques car, outre l’Etat, celles des administrations publiques locales (régions, départements, communes...) augmentent de 6 % par an en 2007, et celles de la sécurité sociale, qu’on ne peut pas et qu’on ne doit pas limiter, de 4 à 5 % par an.
Je ne peux donc qu’applaudir des deux mains qu’enfin la politique publique prenne la bonne direction, avec un plan d’action pour atteindre l’équilibre en 2012.
Bonus : une très grande majorité des Français (79 %) estiment que "les déficits publics de la France sont si élevés qu’il est indispensable de réduire fortement les dépenses publiques", selon un sondage publié ce vendredi dans Le Figaro. Seules 20 % des personnes interrogées pensent que "les déficits publics de la France ne sont pas à un niveau qui rend indispensable de réduire fortement les dépenses publiques".
Ravi de l’apprendre
Au passage, une petite idée pas bête citée par le président : "Déplacer un service d’administration centrale en province, c’est favorable aux fonctionnaires, qui y gagnent en pouvoir d’achat et trouvent plus facilement à se loger, c’est favorable pour les territoires qui reçoivent cette activité, et c’est moins coûteux."
28 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON