Les vendeurs à découvert : parias de la finance mondiale
En 1609, un marchand avait provoqué une plongée des actions de la compagnie Dutch East India en concluant un contrat visant à vendre des actions à une date future, forçant les autorités à imposer ce qui fut la première interdiction de vente d’actifs à découvert, ou "short selling" ! En septembre-octobre 2008, les autorités de régulation de nombre de pays introduisent en urgence des restrictions - quand ce n’est pas des interdictions formelles - de ventes à découvert visant à protéger les sociétés cotées contre les spéculateurs et investisseurs tablant sur une baisse de leurs actions.
De fait, les vendeurs à découvert sont régulièrement mis en cause et clairement rendus responsables de quasiment chaque crise financière depuis quatre siècles : condamnés par le président Herbert Hoover en 1932 suite au krach boursier de 1929, stigmatisés suite à l’effondrement de Wall Street en 1987, vilipendés par les autorités malaisiennes en 1997 lors de la déroute de leur monnaie et de leur bourse, accusés l’année suivante par la Réserve fédérale américaine d’amplifier l’impact de la déroute du fonds LTCM, les vendeurs à découvert sont les éternels boucs émissaires des marchés financiers et des autorités monétaires de par ce vaste monde...
Tenus pour des pestiférés - car accusés de jouer les trouble-fête - même durant les périodes fastes des marchés, les vendeurs à découvert ne sont pourtant qu’un indicateur indispensable permettant d’avertir en cas de surévaluation des marchés. N’est-ce pas les shorts qui, les premiers, avaient mis en garde contre les excès du marché des crédits et dont les opérations auraient dû alerter tout à la fois les autorités monétaires et les investisseurs institutionnels vis-à-vis de cette nouvelle bulle ?
Les vendeurs à découvert empruntent - ou tirent sur une ligne de crédit - dans le but de vendre un actif qu’ils ne possèdent pas afin de le racheter moins cher, donc avec profits, anticipant ainsi une chute de cet actif. Cette stratégie, utilisée dans un objectif purement spéculatif ou afin de se protéger contre la chute de ses propres actifs en portefeuille, est généralement méprisée par une majorité d’investisseurs taxant les vendeurs à découvert de profiter de l’infortune des marchés ! Pour autant, ce n’est pas les "short sellers" qui ont provoqué la bulle immobilière : ils n’ont fait que profiter de son implosion... Pourquoi accuser des vendeurs à découvert de courir après leurs intérêts alors que la recherche du profit est la première - voire la seule - caractéristique de tout investisseur ?
Depuis l’éclatement de la crise des subprimes, les vendeurs à découvert avaient ainsi mis en garde les marchés par rapport au talon d’Achille des sociétés, à savoir leur bilan ! De même, avaient-ils jugé les financières surévaluées car trop engagées dans des transactions impliquant l’effet de levier... Les shorts étaient déjà à l’affût lorsque Lehman se débattait dans ses difficultés, bien avant sa faillite. Du reste, dès lors que Lehman fut à vendre et que ses comptes furent étudiés, plus personne ne voulut l’acheter !
Qui avait raison ?
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