Modération salariale : l’exemple de la BCE
Le gouverneur de la Banque centrale européenne vient de renouveler son appel à la modération salariale. Que fait et que veut la BCE ?
Dans une récente allocution devant la Confédération européenne des syndicats, le gouverneur de la Banque centrale européenne (BCE) vient de renouveler son souhait de voir limiter l’augmentation de la masse salariale pour, dit-il, défendre l’emploi.
Que fait la BCE dans ce domaine ?
Si sur le site internet de celle-ci on ne trouve pas de prime abord le détail du montant des rémunérations des membres du conseil de direction, on y trouve en revanche son rapport annuel.
La lecture du rapport pour l’année 2006 éclaire les propos de son gouverneur.
A la page 210, on apprend que "les émoluments du directoire se sont
élevés à 2,2 millions d’euros (2,1 millions en 2005)."
A la page 214, le bilan financier fait apparaître le montant des charges de personnel pour la somme de 160 847 043 euros, dont le détail est précisé dans la note 26 de l’annexe au bilan, pages 231 et suivantes :
- Traitements, salaires, charges, etc. : 133,4 millions d’euros, après 127,4 millions en 2005
- Les émoluments versés aux six membres du directoire de la BCE se sont élevés à 2,2 millions d’euros (2,1 millions en 2005), soit la modique somme de 367 000 euros par membre en moyenne.
- Effectif moyen : 1 360 en 2006, 1 331 en 2005
Un rapide calcul nous amène donc à :
- 98 088 euros en moyenne par salarié en 2006, contre 95 717 euros en 2005, soit une augmentation de 2,48%
- 4,76% d’augmentation pour les membres du directoire, dont M. Trichet lui même.
On voit donc que la direction de la BCE applique une politique de modération salariale pour ses employés (en 2006 l’augmentation des salaires en France était de 2,6%), mais en contrepartie, l’augmentation des émoluments du directoire n’a plus rien de modéré !
Faites ce que je dis, pas ce que je fais ? Est-ce le nouveau credo à la BCE ou bien les admonestations de M. Trichet ne sont-elles qu’à destination de la "masse" et pas de ceux qui ont les revenus les plus élevés ?
Quelle est la conséquence d’une modération salariale ? Rien ne permet de lier avec autant de force que le fait M. Trichet cette modération avec l’emploi. Les exemples donnés, dont on peut donner à chaque fois un contre-exemple, font parfois penser à cette blague où un scientifique, après avoir coupé les pattes à une grenouille et lui demandant de sauter, en conclut : "couper les pattes à une grenouille la rend sourde". Affirmer que quelques pourcents de réductions de revenu permettent de garder de la compétitivité quand on constate que les différences de salaires entre l’Europe et les pays émergents sont plutôt de 1 à 20, relève de la naïveté ou de la foi, mais pas de la rationalité.
La modération a en revanche une effet sur l’augmentation des prix, et donc diminue l’inflation. Ceux qui ont connu les années des inflations à deux chiffres doivent se sentir rassurés.
Cependant, quel est le résultat de cette inflation et augmentation salariale modérées ? Les revenus des capitaux, mobiliers ou immobiliers, ne sont pas dévalorisés et profitent à leurs possesseurs. Les revenus du travail dépassent à peine l’inflation et ne permettent pas à ceux qui ne possèdent que cela de se créer un capital. Les valeurs immobilières, produisant du revenu, sont de plus en plus demandées, et donc de plus en plus inaccessibles aux salariés.
A contrario,une augmentation salariale, allant de pair avec une inflation plus élevée mais limitée, de l’ordre de 3 à 5%, réduit l’immobilisation des capitaux au profit des salariés qui peuvent accéder en particulier à leur logement avec des sommes à rembourser qui diminuent en pourcentage leurs revenus.
Une Europe de modération salariale préconisée par la BCE, c’est une Europe de rentiers, qui ne produit pas plus d’emplois, au détriment d’une Europe où le travail permet à chacun d’accéder à une partie de l’ensemble des richesses produites.
La modération salariale de la BCE, une bonne politique pour M. Trichet.
15 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON