Monnaies digitales : une pause avant la reprise ?
Après six mois d’une exceptionnelle intensité, le monde des crypto-monnaies reprend son souffle.
Il était temps !
- Le Bitcoin (BTC) a commencé l’année à $ 972 et traite aujourd’hui à $ 2'442 après avoir flirté avec les $ 3’000.
- L’Ethereum (ETH) a connu 6 mois d’une folle frénésie. De $8 le jour de l’an à un pic de $ 391 début juin. Il traite maintenant à $ 254.
- Toutes les monnaies ont globalement profité de l’augmentation de l’argent investi dans les monnaies digitales en 2017. De 17.6 milliards de dollars, la valorisation des monnaies a dépassé les 110 milliards avant de reculer à 92 milliards à ce jour.
A quoi cet essor est-il du et quelles sont les perspectives pour le reste de l’année ?
Cadre légal clarifié
L’environnement légal des monnaies digitales se clarifie en 2017. Le Japon, troisième économie mondiale, a reconnu les crypto-monnaies comme moyen de paiement légal au mois d’avril.
D’autres pays légifèrent actuellement à leur sujet.
Doit-on les considérer comme monnaies, actifs financiers ou marchandises ? Les implications fiscales sont importantes. Une classification en tant que marchandise entraînerait le prélèvement de TVA sur les achats de monnaie digitale. Un impôt sur les plus-values frapperait ces monnaies vues comme actifs financiers.
Le débat est en cours en Corée.
Israël applique un impôt sur les plus-values de 25% aux investisseurs ainsi qu’un taux de TVA de 17% aux entreprises actives dans le négoce et le minage de monnaie digitale.
L’Australie emboîte le pas du Japon en les considérant comme monnaies à partir du 1er juillet.
Au fur et à mesure que le cadre juridique s’éclaircit, les acteurs économiques et les investisseurs ajusteront leur façon d’appréhender les monnaies digitales.
Le Japon a toutefois créé un précédent exceptionnel qui laisse présager une adoption progressive par d’autres pays et de nouveaux utilisateurs.
Le financement d'entreprises par monnaie digitale
2017 est également l’année de la finance tokenisée avec un nombre impressionnant de levées de fonds par des entreprises via token digitaux (en anglais : Initial Coin Offering ou ICO).
Près de 800 millions de dollars ont été levés depuis le début de l’année hors des circuits financiers traditionnels : bourse, fonds de private equity, investisseurs business angels, etc…
Deux interprétations sont possibles.
L’optimiste saluerait le rapprochement entre start-ups et investisseurs privés, permettant des levées de fonds colossales en très peu de temps.
C’est en effet un des buts de la blockchain que d’évincer « le tiers de confiance » , généralement une plateforme privée centralisant les transactions pour le compte des utilisateurs. Les plateformes de financement participatif comme Indiegogo ou Kickstarter semblent obsolètes en comparaison.
La pessimiste rappellerait que les souscripteurs ne reçoivent que rarement des actions de l’entreprise en question. Cela détournerait en effet les lois de nombreux pays régissant l’offre au public de titres financiers ou d’appel à l’épargne publique.
En lieu et place d’actions, les sociétés émettent des jetons « token » spécifiquement conçus pour leur modèle d’affaires.
Prenons l’exemple de CIVIC qui vient de lever 33 millions de dollars en moins de 24 heures.
La société a un beau projet : mettre au point la première plateforme décentralisée de données personnelles. Chaque utilisateur peut enregistrer ses données confidentielles (adresse, numéro de passeport, situation financière, etc...) sur l’application mobile CIVIC et les faire valider par des organismes officiels sur la blockchain dédiée. Nul n’a accès à ces données sans l’autorisation de l’utilisateur. L’utilisateur ne peut pas les modifier sans vérification par les participants au réseau.
Les applications futures sont multiples : Prouver votre identité sans passeport, démontrer immédiatement votre solvabilité sans attestation bancaire. En réalité, toutes ces informations sont déjà consignées de façon anonyme dans la blockchain.
Le modèle d’affaires de CIVIC vise à vendre des droits d’utilisation de cette blockchain contre des jetons CIVIC. L’aéroport ou l’institut financier voulant vérifier l’identité d’un usager consentant devra acheter les jetons de l’entreprise. Cela vise à augmenter la valeur des jetons distribués aux souscripteurs de l’ICO.
Il faudra néanmoins quelques années avant que le modèle d’affaires de CIVIC soit validé dans les faits. Quelles sont les portes de sortie des souscripteurs de l’ICO ? Très peu nombreuses.
Quels recours possibles en cas d’utilisation abusive des fonds levés par l’entreprise ? Les jetons permettent rarement un droit de regard sur la conduite des affaires.
Récemment, un programmeur de la société Mycelium a quitté l’entreprise en dénonçant le fait que les fonds issus de l’ICO aient été en partie utilisés pour payer des vacances en Espagne à l’équipe de développeurs.
Les écueils futurs sont inévitables et la frénésie autour des ICOs rappelle la bulle Dotcom au tournant du millénaire, durant laquelle les investisseurs valorisaient les sociétés Internet à des niveaux en total décalage avec leur potentiel économique immédiat.
L’essor des ICO a notamment expliqué l’explosion du cours de l’Ethereum, dont la blockchain est plus adaptée à cette finance tokenisée que celle du Bitcoin. Pour souscrire à une ICO, il faut généralement amener des Ether et donc en avoir acheté.
Des chaînes trop pleines de blocs
Le deuxième semestre de 2017 devrait comporter une phase de pause suivie d’une phase de reprise.
L’explosion du nombre de ICOs a dévoilé un problème au grand jour. La saturation du réseau Ethereum devant le nombre de transactions à gérer. 2752 transactions sont en suspens à l’heure où cet article est écrit selon le site etherscan.io
Alors qu’Ethereum a été lancé en 2015 dans le but de permettre des transactions plus rapides et des applications plus variées que le Bitcoin, il a été victime de son succès… comme le Bitcoin.
Vers un fractionnement du Bitcoin ?
Depuis de nombreux mois, les transactions en Bitcoin sont plus lentes ou plus chères, voire les deux.
Il faut rappeler qu’un bloc de 1 MB de données est vérifié toutes les 10 minutes sur la chaîne du Bitcoin. Suite à l’augmentation du nombre de transactions, cette limite est souvent atteinte.
De vives discussions ont lieu entre les différents membres de la communauté qui débouchent sur 2 solutions possibles :
- L’augmentation de la taille des blocs traités (par exemple de 1 MB à 2 MB)
- Optimiser les transactions afin d’en inclure davantage par bloc
La première solution est préconisée par les mineurs, ceux dont les ordinateurs valident les transactions via leur puissance de calcul.
Les utilisateurs préfèrent la seconde car la puissance de calcul nécessaire à la résolution de blocs plus grands favoriserait les mineurs les plus puissants et donc tendrait à la centralisation du bitcoin, ce qui est contraire à son idéal.
Les utilisateurs ont donc décidé de basculer sur la solution numéro 2 le 1er août.
Si les principaux mineurs restent sur leurs positions, le bitcoin pourrait alors se ceindre en deux, car deux chaînes de bloc seraient alors en concurrence. A noter qu’un fractionnement de l’Ethereum s’est produit en juillet 2016, sans que cela ait eu de graves conséquences. Néanmoins, l’Ethereum d’alors n’était pas le Bitcoin d’aujourd’hui.
Une période de volatilité des cours est donc à prévoir tant que la problématique de capacité de traitement des chaînes Bitcoins et Ethereum n’est pas résolue.
Au fond, les monnaies digitales ont elles un avenir si elles n’arrivent pas à absorber la demande croissante en transactions ?
Peut-on imaginer leur adoption dans la vie courante des gens si des centaines de transactions restent en suspens en période de forte demande ?
Il serait dangereux de sous-estimer la capacité d’évolution de ces monnaies, le travail et l’imagination des utilisateurs œuvrant à leur fonctionnement.
Nous n’en sommes qu’à un stade primitif des monnaies digitales, néanmoins le Japon a déjà reconnu leur existence et leurs mérites.
Il y a donc lieu de rester optimiste pour le reste de l’année.
La résolution des problèmes techniques conjuguée à un environnement légal clarifié devrait amener un nombre croissant de commerces, d’utilisateurs et d’investisseurs dans l’univers digital.
La correction des cours actuels peut d’ailleurs représenter une opportunité d’entrée pour ceux ayant la fausse impression d’avoir « raté le train ».
En effet, la valeur des monnaies digitales ne provient que de sa compréhension et de son adoption par l’humanité.
La valeur de tout l’or en circulation dans le monde est estimée à $7400 milliards de dollars (soit 186'700 tonnes selon le site gold.org). Le bitcoin ne représente à lui seul qu’un demi pourcent de ce montant, alors qu’il offre des caractéristiques d’échange, de fractionnement et de conservation supérieures. Sans parler de sa diffusion plafonnée.
Les investisseurs les plus audacieux en profiteront pour se profiler sur des monnaies alternatives au Bitcoin et à l’Ether.
Nous pouvons ici citer le Litecoin (LTC) qui a déjà fait la transition technologique que le Bitcoin tarde à faire ou le MonaCoin (MONA), une monnaie digitale japonaise qui devrait bénéficier de son nouveau statut de monnaie légale et des nombreux distributeurs présents sur l’île.
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