Non, la France n’est pas l’Allemagne !

La dernière lubie de notre élite politico-administrative est de nous convaincre de suivre « l’exemple allemand ». Grâce à l’euro, nous en avons déjà la politique monétaire. Du fameux modèle on ne retient donc, en général, que les mesures de compressions des coûts salariaux ainsi que la rigueur budgétaire extrême actuellement mise en œuvre par Angela Merkel. Rappelons-en les traits les plus saillants : coupes sombres dans les dépenses publiques (suppressions d’emplois par dizaines de milliers dans la fonction publique) et taille drastique dans les dépenses sociales. Le rêve des néolibéraux !
Mais l’idée peut sembler bonne à première vue puisque l’Allemagne est la seule économie du continent en bonne santé et que depuis la mise en œuvre de l’Euro, elle a réussi à conforter les positions de son industrie. La question qui se pose est de savoir si ce modèle est transposable à la France. La réponse est clairement non, et pour deux catégories de raisons, les unes de nature économique et ponctuelles, les autres anthropologiques et plus fondamentales.
Les objections économiques
L’amélioration des positions de l’Allemagne en matière commerciale est due en grande partie au fait que ce pays poursuit depuis plusieurs années une politique non-coopérative vis-à-vis des autres pays de la zone euro. Disposant de l’économie la plus productive de l’Europe et étant installée sur les productions de haut ou très haut de gamme (pour lesquelles le prix est secondaire), elle est beaucoup moins affectée que ses partenaires par le niveau très élevé de l’Euro. La force de la monnaie européenne donne certes un pouvoir d’achat accru pour importer – ce qui permet d’ailleurs à l’Allemagne d’acheter à faible coût les matières premières dont son industrie à besoin. Mais elle rend si chère les exportations qu’en pratique elle détruit des pans entiers de ce qui reste de l’industrie de tous les autres pays de la zone.
Et c’est l’Allemagne qui a récupéré les morceaux ! De 1998 à 2007, les parts de marché prises par ce pays l’ont été au détriment de ses partenaires de la zone euro[1]. Même avec son industrie ultra-modernisée, le made in deutschland n’est pas en mesure de concurrencer les produits de grande consommation des pays émergeants. L’Allemagne a donc pris pour cible l’industrie de moyen et de haut de gamme dont la France et l’Italie, par exemple, étaient encore dotées.
L’égoïsme étroit des Allemands est d’ailleurs apparu au grand jour dès qu’il s’est avéré nécessaire d’être solidaire avec les pays du sud, attaqués par les spéculateurs. Ils ont mis tant de mauvaise volonté qu’ils ont permis la contagion de la crise à une grande partie de la zone euro. Et s’ils ont finalement cédé, c’est au prix de conditions tellement draconiennes qu’elles condamnent les pays visés à l’asphyxie ou à la révolte.
La politique allemande ressemble donc à une fuite en avant, qui ne pourra se solder, à terme, que par la mort de tout le monde, l’Allemagne mourrant la dernière, cela va sans dire. Dès 2008, la crise financière et la sévère dépression qui ont gagné la zone euro ont fortement réduit la demande des pays de la zone vis-à-vis de l’Allemagne, qui a commencé à s’installer dans un régime de croissance faible. Supposons que nous décidions de suivre ce pays dans l’exemple qu’il donne : en réduisant encore davantage le périmètre de l’état, en prenant des mesures qui vont comprimer davantage les salaires et augmenter encore le nombre de chômeurs, nous ne ferions qu’accroître davantage la dépression de la zone euro, sans aucun bénéfice pour nous, ni pour l’Allemagne. Economiquement, ce n’est donc pas une bonne idée. Mais il se trouve également que, du point de vue anthropologique, c’est tout aussi impossible.
Les objections anthropologiques
Pour comprendre ce qu’est le capitalisme allemand sur la longue durée et pourquoi il est si différent du capitalisme anglo-saxon ou français, il faut remonter au Moyen-Âge, quand s’est formée la structure familiale typique du monde germanique. Dans la paysannerie traditionnelle allemande, la famille forme une totalité très solide et de grande taille incluant, sous l’autorité du plus ancien, plusieurs générations : parents, enfants, petit enfants, cousins… La solidarité entre les membres est très forte : rien n’est plus important que le groupe familial. En contrepartie, l’autonomie des individus est faible : la famille est protectrice mais autoritaire. Un homme d’âge mûr reste sous l’autorité de son père, s’il n’est pas mort. De plus, pour éviter le morcellement du patrimoine, la règle d’héritage est inégalitaire. Lorsque le plus âgé décède, l’aîné des enfants ou le plus âgé encore vivant hérite du domaine. Les autres n’ont rien, ce qui renforce le caractère fortement hiérarchique et inégalitaire du système. La famille paysanne allemande a donc un projet lignager. Il s’agit de renforcer le domaine pour le futur, pour les générations suivantes. C’est aussi pourquoi une attention particulière est apportée à la formation des enfants, car il faut leur donner les meilleures armes pour faire prospérer le groupe. En revanche, l’essentiel étant d’avoir un héritier pour transmettre le patrimoine, le système familial a potentiellement tendance à limiter le nombre des enfants ; tendance qui ne commence à s’exprimer bien sûr qu’à l’apparition des moyens de contraception.
On appelle ce type familial la famille souche. Ses autres traits caractéristiques sont principalement le statut médiocre de la femme et une forte tendance à percevoir l’extérieur comme hostile. La famille souche est assez fermée sur elle-même, cherchant à vivre en autonomie. Enfin, les idées nouvelles qui y naissent pouvant se heurter, potentiellement, à tout le groupe familial, la famille allemande présente une forte rigidité et une résistance naturelle au changement.
Bien entendu, la famille paysanne allemande n’existe plus. Mais comme les transformations du monde germanique ont été très lentes, le type familial souche a perduré comme matériaux de construction de la nation. Autrement dit, comme on voyait la famille, on a conçu l’état : protecteur et autoritaire, solide mais peu ouvert aux idées nouvelles, toujours tenté par l’ethnocentrisme, forme sublimée de l’attachement trop grand à la famille et qui peut dégénérer, souvent, en volonté agressive ; inégalitaire, enfin, et fortement hiérarchisée.
De ce point de vue, la dérive nationale-socialiste n’est qu’une exacerbation des caractères familiaux originaires[2].
A ce stade, il est utile de définir au moins grossièrement le modèle qui s’oppose presque trait pour trait à celui-ci et qui caractérise l’ensemble du monde anglo-saxon : la famille nucléaire. La famille nucléaire est de petite taille et n’a pas vocation à s’étendre. Dans le foyer ne coexistent généralement que les parents et les enfants. Ceux-ci sont préparés très tôt à l’autonomie et ils quitteront la cellule familiale dès que possible, pour démarrer ailleurs une nouvelle histoire. Ce type familial n’ayant pas de projet lignager, une moindre importance est accordée à l’éducation des enfants. Ce qui prime c’est l’autonomie.
Il est clair que ce type familial favorise l’individualisme. Il a survécu lui aussi dans la conception de nombreuses nations modernes d’autant plus facilement qu’il a favorisé les révolutions bourgeoises et l’évolution démocratique. Ce n’est donc pas un hasard si on le trouve dans une grande partie de la France, en Angleterre et dans la plupart des anciennes colonies de peuplement principalement anglo-saxons : Etats-Unis, Canada, Australie, Nouvelle Zélande …
Loin de disparaître avec l’avènement du monde moderne, les matrices anthropologiques anciennes ont au contraire survécu et modelé le futur des nations. Par exemple, le capitalisme allemand, dit « Rhénan », en a été durablement marqué. Il se caractérise d’abord par une faible attention portée à la rentabilité du capital. Les entreprises allemandes peuvent supporter de longues périodes de faibles rapports pour l’actionnaire sans que celui-ci n’y trouve à redire. La mobilisation des richesses n’est pas non plus prioritairement affectée à l’accroissement de la consommation des ménages, la société allemande étant en permanence en état de sous-consommation. En revanche, une part très importante des revenus est réinvestie dans l’entreprise sous forme de dépense de formation des salariés et en modernisation incessante des moyens de production. Avant tout, il s’agit d’exceller dans la fabrication des produits. Car le but ultime de l’organisation économique et sociale est clairement la conquête de marchés à l’extérieur, succédané le moins nocif de la tendance agressive naturelle de l’Allemagne.
En fin de compte, les différents éléments du corps social avancent dans le même sens. Les allemands n’ont donc guère besoin d’un état très interventionniste, ni de protections douanières. Après tout, on travaille dur, ici, pour tuer la concurrence étrangère jusque sur son sol ! Alors on ne va sûrement pas acheter ses produits en Allemagne !
Autre trait remarquable : l’entreprise étant aussi un substitut de la famille souche, les salariés sont fidèles à leurs employeurs et les employeurs fidèles à leurs salariés. La main d’œuvre allemande est moins bien payée qu’elle pourrait l’être mais elle est tout de même mieux formée et mieux traitée que dans le monde anglo-saxon[3].
On voit bien les points positifs de ce fameux modèle allemand ; mais il a aussi ses points négatifs, hérités de la matrice familiale : un complexe de supériorité qui peut parfois évoluer vers des formes pathogènes (bellicisme, nazisme) ou quelque peu « névrotiques » (exporter pour conquérir) ; un certain manque d’imagination, de fantaisie et d’esprit d’aventure, une rigidité qui empêche la société d’évoluer rapidement… Mais le point le plus noir du tableau est très certainement la sous-natalité chronique dont est victime cette nation. Avec un taux de natalité de 1 (un enfant par couple), les générations ne sont pas renouvelées et l’Allemagne est condamnée à devenir un pays de vieillards dont la population, d’ici quelques années, commencera à se contracter.
Le capitalisme libéral, propre à l’Angleterre, aux Etats-Unis et à la France, fonctionne sur des bases très différentes – mais là aussi conditionnées par la préexistence du type familial nucléaire. Les ménages, tout d’abord, n’accordent pas beaucoup d’importance à l’origine des produits. Si, l’acheteur américain d’une nouvelle automobile trouve sur le marché un modèle japonais de qualité comparable mais moins cher, il achètera japonais. Ensuite, ils ont une forte propension à consommer, au besoin à crédit, et ne portent qu’un intérêt relatif aux taches de production. C’est pourquoi, les nations libérales, sauf exception, souffrent d’un faible taux d’épargne et d’une tendance naturelle à accumuler les déficits commerciaux. Enfin, les ménages sont plus mobiles, caractère qui atteint son paroxysme aux Etats Unis où ils déménagent sans cesse pour parcourir leur grand pays en tous sens.
Au niveau de l’entreprise, le tableau est similaire. L’important n’est pas de conquérir des territoires nouveaux mais de gagner de l’argent. Les actionnaires sont âpres au gain ; ils exigent (et obtiennent de plus en plus) des retours sur investissement rapides et importants. Trop généreux avec eux-mêmes, ils ont tendance à être chiches avec les salariés et à ne pas investir assez pour maintenir le potentiel de l’entreprise. De même, il n’est pas accordé une attention soutenue à la formation du personnel.
L’intérêt collectif, la nation, le groupe, la cohésion sociale, tout cela peut certes être important, mais bien moins tout de même qu’en Allemagne ou au Japon. Car, contrepartie de l’absence de projet lignager de la structure familiale, l’homme libéral privilégie le court terme et se projette mal dans le futur.
Sur le plan éducatif, la famille nucléaire participe peu à l’éducation des enfants, abandonnant cette responsabilité au système scolaire et universitaire. Elle est donc moins performante que la famille souche allemande dans ce domaine.
On voit bien, ici aussi, les traits les plus négatifs hérités de la famille nucléaire. Le groupe national est moins solide, l’expression des individualités pouvant s’opposer facilement à l’intérêt collectif. C’est pourquoi les nations libérales doivent faire un effort pour prendre conscience d’elles-mêmes et matérialiser cette volonté dans un appareil d’état capable de réguler les initiatives individuelles. Quand l’état est en mesure d’imposer sa volonté, elles sont fortes.
La France, un cas très particulier
Nous avons, dans l’histoire du monde moderne, une place bien particulière. La révolution bourgeoise a commencé en Angleterre, mais c’est en France qu’elle a trouvé sa formulation la plus pure, la plus avancée. Ce n’est pas par accident qu’elle est le pays de naissance des droits de l’homme. Cette singularité tient à son système anthropologique, qui est d’une nature particulière. La plus grosse partie du territoire était dominée par la famille nucléaire, avec toutefois une particularité qui la distingue du monde anglo-saxon : la règle d’héritage était égalitaire, en raison de l’influence prépondérante du droit romain sur cette partie de l’Europe. Cette différence explique pourquoi notre pays est si attaché à l’idéal égalitaire. En Angleterre et aux Etats-Unis, la règle d’héritage n’est pas inégalitaire, comme en Allemagne, mais indéfinie. Les parents peuvent décider de répartir leur héritage comme ils l’entendent. Ce qui se traduit, dans la nation anglo-saxonne moderne, par une certaine tolérance pour les inégalités sociales.
Secondairement, l’existence de cette règle d’héritage égalitaire contribue à maintenir un lien entre les différents éléments de la famille, ce qui a apporté une cohésion plus grande à la famille et, ultérieurement, à la nation.
La France a une autre particularité : elle n’est pas, anthropologiquement, homogène. Le modèle nucléaire égalitaire est majoritaire, mais l’Alsace, la Bretagne, Rhône-Alpes et l’Occitanie, façade méditerranéenne exceptée, avaient adopté le type souche à l’Allemande. Or, un apport important de ce type familial au sein d’un système nucléaire, en tempérant sa tendance naturelle à la dislocation et à la sous-instruction des enfants, donne un surcroît de force à la nation. Sans cet apport, l’histoire de France eut été sans doute bien différente.
En simplifiant à l’extrême, on pourrait affirmer que chaque peuple à une « personnalité[4] » qui lui est propre, avec des atouts et des points faibles, hérités de ses anciennes structures familiales. Aucune de ces « personnalités » n’est mauvaise par nature, mais, à certains moments de l’histoire, certaines peuvent se révéler supérieures à d’autres. Dans la plus grande partie des cinq derniers siècles, les nations libérales ont été le moteur principal de l’histoire de l’occident. S’il n’avait fallu compter que sur l’Allemagne pour avancer, nous n’en serions pas très loin, aujourd’hui… Car il y a dans ce monde libéral plus d’imagination, plus d’aventures humaines, plus de plasticité. Mais quand les états sont faibles face aux intérêts privés, les nations libérales se détruisent elles-mêmes de l’intérieur. Dans ce contexte de crise généralisée de l’occident, les sociétés souches, elles, résistent mieux.
Il convient, à ce stade, de prendre quelques précautions : il ne faut surtout pas passer du constat de l’existence de déterminations anthropologiques à la conclusion que chaque nation aurait une nature immuable qui déterminerait, in fine, le destin de chacune d’elle. Une personnalité, ce n’est pas une nature. C’est une entité vivante qui entretient avec l’extérieur une relation dialectique ; les structures anthropologiques elles-mêmes ne sont pas immuables ; elles changent lentement avec le temps et sous la pression du réel. Il reste qu’elles pèsent encore lourdement dans ce que nous sommes. Et pour agir avec plus d’efficacité, il est indispensable de mieux se connaître.
Mieux se connaître, en l’occurrence, c’est comprendre que nous ne pouvons pas fonctionner comme notre voisin d’outre-Rhin. L’économie allemande sera pour longtemps encore supérieure, en terme d’efficacité, à l’économie française. La main d’œuvre allemande sera plus docile, mieux formée, plus intéressée par le succès de l’entreprise ; les patrons allemands seront, globalement, meilleurs que les patrons français, plus intéressés par la qualité des produits fabriqués et beaucoup moins par la rente. Mais, au risque de surprendre, je dirai que là n’est pas le véritable problème. Convenablement encadrés et stimulés par l’état, protégés contre l’agressivité extérieure par des protections douanières appliquées provisoirement et sélectivement, les ménages et les patrons français sont capables de davantage de créativité, comme l’a prouvé l’histoire industrielle de notre pays, qui est loin d’être pauvre. Malheureusement, cette dimension n’est pas assumée par nos dirigeants, qui étaient honteux de devoir dévaluer périodiquement pour retrouver de la compétitivité face aux produits allemands. Rappelons-nous comment les choses fonctionnaient avant la mise en place de l’euro : à l’intérieur du système monétaire européen (SME) les monnaies pouvaient fluctuer librement dans une fourchette de +3 à – 3 %, sans entraîner automatiquement d’ajustement monétaire. Lorsqu’une monnaie plongeait en dessous des 3%, signe de la dégradation relative des performances d’une économie par rapport aux autres, la dévaluation devenait inévitable. Pour le prix d’un petit moment de honte, on purgeait presque sans douleur l’économie des effets des comportements les plus nocifs. Les actionnaires trop gourmands voyaient leur rente grignotée ; les ménages perdaient un peu de leur pouvoir d’achats sur les nations concurrentes, ce qui les poussait à revenir aux produits nationaux. L’industrie retrouvait sa compétitivité, à l’intérieur comme à l’extérieur. C’était la France de l’aéronautique, du TGV, de l’aérospatiale…
Le SME n’était pas parfait, mais il a tout de même été un succès inespéré. En réduisant la volatilité des monnaies, il a apporté une certaine stabilité à l’Europe. Pourquoi avoir cassé cet outil, pour le remplacer par cet euro baroque qui ne favorise que la rente et la spéculation et détruit toutes les économies ? Par naïveté et incompétence de nos élites, particulièrement les élites socialistes, qui se sont laissé dominer par les dogmes néolibéraux.
Constatant que le France cessait soudain de lui tenir tête, l’Allemagne s’est aussitôt détournée de l’Europe pour revenir à sa diplomatie traditionnelle, orientée vers l’Est, en commençant par se réunifier avec la RDA. Depuis la réunification, l’Allemagne refait de la politique. On peut même se demander, en paraphrasant Clausewitz, si pour elle, faire de la politique ne serait pas le prolongement de la guerre par d’autres moyens… La France, au contraire, a cessé de faire de la politique, pour livrer tous les moyens d’action aux marchés financiers. Ce faisant elle a redonné vie aux tendances agressives naturelles du système anthropologique germanique, soudain délivré de son principal contrepoids stabilisateur.
Or, il apparaît aujourd’hui urgent d’empêcher notre voisin de rompre une fois de plus l’équilibre européen, même si ce n’est qu’économiquement. Il n’y a pas d’autre choix que de tenter de le contraindre à plus de respect de ses partenaires. Et en cas d’échec, malheureusement probable, il faudra chercher des alliés de substitution. La France pourrait, par exemple, tenter d’unifier autour d’elle les pays du sud de l’Europe. Plusieurs scénarios sont à notre disposition. Le plus ambitieux serait de créer une véritable monnaie commune, un EuroSud, avec une banque centrale qui se préoccuperait réellement du développement économique et qui financerait directement les états, pour leur permettre d’échapper à la hargne des spéculateurs. Cette zone serait dotée d’un véritable gouvernement économique et d’un budget de type fédéral suffisamment abondé pour faire face aux chocs asymétriques qui ne manqueraient pas de se produire. Proposons-leur de déterminer ensemble les secteurs stratégiques que nous voulons développer et de les protéger par une série de barrières douanières ad hoc. Organisons avec ces pays une convergence fiscale dans le sens d’une plus grande taxation des hauts revenus et des profits des entreprises, de manière à nous donner de nouvelles marges de manœuvre budgétaires et sortir par le haut de l’enlisement. Plutôt que de délocaliser en Chine, développons des partenariats de sous-traitance avec les pays du Maghreb, comme l’ont fait les Allemands avec les pays d’Europe centrale et orientale…
Politique fiction ? Les élites dirigeantes de ces pays ne sont pas, c’est certain, sur cette longueur d’onde. Mais lorsque la pression des spéculateurs exigera des aides à hauteur de 1000 ou 1500 milliards d’Euro, ce qui est fort possible, c’est l’Allemagne elle-même qui nous donnera congé. Alors, mieux vaut peut-être y penser dès maintenant…
Autre scénario possible, moins ambitieux mais plus probable : Si l’Espagne, l’Italie ou le Portugal ne veulent pas d’une monnaie unique, proposons une monnaie commune. Un EcuSud, pour les transactions internationales, les monnaies nationales retrouvant leur cours local et les états les moyens d’action que l’Europe leur a enlevé. Les possibilités sont multiples. Seule la volonté d’agir manque pour l’instant.
Pour conclure, je dirais qu’il ne faut pas avoir honte d’être français et refuser l’idée selon laquelle la France serait « sortie de l’histoire ». Oui, nous sommes moins besogneux que les allemands ; mais nous ne sommes pas pour autant condamnés à devenir leur colonie de vacances. Avec notre taux de fécondité supérieur à 2, double de celui de l’Allemagne, nous n’avons qu’à attendre quelques décennies pour devenir tout naturellement, démographiquement parlant, la puissance majeure du continent. J’ajouterais que grâce à son système anthropologique spécifique, notre pays a d’indéniables atouts pour être celui qui portera le premier la nécessaire révolte contre le mortifère néolibéralisme ; et ferait naître une nouvelle vague des lumières capable de donner une seconde jeunesse à l’occident… Alors nous pouvons encore rêver.
[1] Voir en pièce jointe la lettre « Recherche Economique » no 22 de février 2010, publiée par Natixis
[2] Notons au passage que si le type souche était, dans le monde, surtout présent en Europe centrale, il a constitué aussi le substrat anthropologique du japon ancien. Il n’est donc pas étonnant que les deux pays, qui se ressemblent beaucoup, se soient retrouvés du même côté durant la seconde guerre mondiale
[3] Un lecteur attentif remarquera que le Japon fonctionne selon des principes très proches. Rien d’étonnant à cela puisque la matrice familiale est, à peu de chose près, commune à ces deux nations.
[4] Nous n’avons vu ici que deux systèmes et la variante française, mais il existe plusieurs autres types familiaux et de nombreuses variantes.. J’invite le lecteur qui souhaiterait en savoir davantage à lire les remarquables travaux d’Emmanuel Todd sur ces questions.
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