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Protectionnisme, dévaluation, TVA sociale : c’est (presque) la même chose !

Il existe une certaine forme de protectionnisme douanier, qui est exactement équivalente à une dévaluation, et qui est encore exactement équivalente à une certaine forme de TVA sociale.

 Ces trois mesures sont équivalentes, en ce sens qu’elles ont précisément le même effet : sur les prix des biens (importés, exportés, ou produits et vendus localement), et donc sur les flux commerciaux ; sur le budget de l’État ; et sur les réserves de change.
 
 Le fait que les trois mesures aient le même effet sur les flux commerciaux, implique que la forme particulière de protectionniste dont il est ici question, ne freine pas plus les échanges avec le reste du monde, qu’une dévaluation ou qu’une TVA sociale. Il est donc incohérent de penser que le protectionnisme douanier est un repli sur soi xénophobe, sans penser la même chose de l’action passée ou actuelle de la Chine, et de bien d’autres pays, pour dévaluer leur monnaie, ou encore, sans penser la même chose de la TVA sociale adoptée par l’Allemagne il y a quelques années, ou enfin, tout en appelant de ses vœux une dévaluation de l’euro ou une TVA sociale française. Inversement, il est incohérent d’appeler de ses vœux un protectionnisme douanier français ou européen, ou une dévaluation de l’euro, tout en pensant que la TVA sociale est inacceptable à cause de son effet sur les prix des biens importés.
 
 
 
Un protectionnisme douanier équivalent à une dévaluation et à une TVA sociale.

 La forme particulière de protectionnisme douanier dont il est question ici, consiste en :
 
 - une taxation sur la vente des biens importés, de D% de leur prix ;
 
 - une subvention à la production des biens exportés, de D% de leur prix encore ;
 
 - dans le cas d’un déficit commercial, une utilisation de la totalité du surplus de taxes sur les importations, par rapport aux subventions aux exportations, pour compenser en partie la perte de réserves de change due au déficit commercial ;
 
 - dans le cas d’un excédent commercial, une utilisation d’une partie du gain de réserves de change dû à cet excédent, pour compenser totalement le surplus de subventions aux exportations, par rapport aux taxes sur les importations.
 

 Et la forme particulière de TVA sociale dont il est question ici, consiste en :
 
 - une augmentation de la taxation sur les ventes locales de biens (que ces biens soient importés ou produits localement), de D% de leur prix ;
 
 - une réduction de la taxation sur la production locale de biens (que ces biens soient exportés ou vendus localement), de D% de leur prix encore (la taxe réduite pouvant être un impôt sur la production, ou bien des charges sociales sur les salariés) ;
 
 - dans le cas d’un déficit commercial, une utilisation du surplus d’augmentations de taxes sur les ventes, par rapport aux réductions de taxes sur la production, pour renflouer les réserves de change ;
 
 - dans le cas d’un excédent commercial, une utilisation d’une partie des réserves de change, pour compenser le surplus de réductions de taxes sur la production, par rapport aux taxes récoltées sur les importations.
 

 Cette forme particulière de protectionnisme douanier, cette forme particulière de TVA sociale, ainsi qu’une dévaluation, de D%, sont trois mesures équivalentes, en ce sens qu’elles ont les mêmes effets suivants :
 
 - sur le marché local, une augmentation du prix des biens importés, de D%, alors que les prix des biens produits et vendus localement ne sont pas modifiés ;
 
 - sur les marchés étrangers, une réduction du prix des biens produits localement et exportés, de D%, alors que les prix des biens produits et vendus à l’étranger ne sont pas modifiés ;
 
 - quelle que soit la balance commerciale, le budget de l’État n’est ni réduit ni augmenté ;
 
 - dans le cas d’un déficit commercial, de S unités de monnaie locale, les réserves de change se réduisent moins, et la quantité de réserves de change épargnées vaut S x D unités de monnaie locale ;
 
 - dans le cas d’un excédent commercial, de S unités de monnaie locale, les réserves de change s’accroissent moins, et la quantité de réserves de change perdues vaut S x D unités de monnaie locale.
 
 Il est facile de se convaincre de cette équivalence en raisonnant un peu.
 

Pourquoi un tel rejet du protectionnisme douanier ?

 Protectionnisme douanier, dévaluation, et TVA sociale, sont donc des mesures équivalentes. C’est pourquoi on donne parfois le nom de « protectionnisme monétaire », à la dévaluation, ou le nom de « dévaluation fiscale », à la TVA sociale. On pourrait aussi donner le nom de « dévaluation douanière » à la forme particulière de protectionnisme douanier présentée ici, et le nom de « protectionnisme fiscal » à la TVA sociale.

 Mais il arrive souvent qu’une même personne, ne juge pas de la même manière ces trois mesures. Ainsi, certains partisans d’un protectionnisme douanier français ou européen, ou d’une dévaluation de l’euro, sont pourtant hostiles à la TVA sociale. Ils ont peut-être trop tendance à croire que les mesures qu’ils appellent de leurs vœux n’auraient que des avantages, alors que celles-ci auraient le même effet que la TVA sociale, sur le prix des biens importés. Il y a aussi des détracteurs du protectionnisme douanier, qui ont pourtant un jugement neutre ou positif, sur les diverses dévaluations ou instaurations d’une TVA sociale, passées, présentes ou envisageables, par leur pays ou par un autre. Leur vision du protectionnisme douanier est peut-être trop idéologique. Ils croient que tous ceux qui veulent un protectionnisme douanier, voient comme une finalité le fait de freiner les échanges de biens avec l’étranger, car tout ce qui vient de l’étranger leur déplait. Alors qu’il est possible de vouloir un protectionnisme douanier, en le voyant comme un simple moyen pratique, d’atteindre des objectifs comme un retour au plein emploi, une amélioration de la répartition de la richesse produite dans le pays, un retour de l’ambition de protéger le travail par des lois, ou un État qui retrouve les moyens financiers d’être ambitieux.
 

 Ce n’est pas dans l’une plutôt que dans l’autre de ces trois mesures, qu’il faut voir un rejet du commerce avec le reste du monde, ou le fait de ne pas bien jouer le jeu du commerce mondial. Ce n’est pas non plus pour l’éternité, que l’une ou l’autre de ces mesures est bonne ou mauvaise. Ces trois mesures sont, simultanément, bonnes ou mauvaises, et c’est selon le contexte dans lequel ces mesures sont prises, que l’on peut juger si elles sont bonnes ou mauvaises. Lorsque certains équilibres existent, ces mesures sont mauvaises, car elles risquent de rompre ces équilibres. Et lorsque ces équilibres sont rompus, ces mesures sont bonnes, dans la mesure où elles permettent de rétablir ces équilibres, ou de pallier à leur absence.

 Un équilibre qui n’existe pas aujourd’hui, est un équilibre des flux commerciaux. Cet équilibre existe lorsque chaque pays vend « autant » de biens au reste du monde, que le reste du monde lui vend de biens. Si l’on décide de mesurer les quantités de biens échangés par leurs valeurs marchandes, alors cet équilibre est celui des balances commerciales des pays. On parle si souvent de l’absence de cet équilibre aujourd’hui, qu’il n’en sera pas plus question ici.

 Un autre équilibre qui n’existe pas, est un équilibre des taux de change des monnaies, qu’on appelle la parité des pouvoirs d’achat. Cet équilibre existe lorsque le fait d’échanger sur le marché des changes, un volume de monnaie contre un volume d’une autre monnaie, ne modifie pas le pouvoir d’achat du détenteur de ce volume de monnaie.

 Le tableau suivant donne, pour l’année 2008, et pour chaque pays d’un ensemble représentatif de pays du monde :
 
 - son PIB nominal (la valeur marchande des biens et services qu’il produit, en milliards de dollars ; la valeur en dollars étant obtenue en convertissant la valeur en monnaie du pays, selon les taux de change actuels)
 
 - son PIB réel (le volume réel de biens et services qu’il produit, en milliards d’unités de biens et services ; une unité de biens et services étant égale au volume réel de biens et services que l’on peut s’acheter aux USA avec 1 dollar)
 
 - le niveau des prix dans ce pays (quantité de dollars qu’il faut échanger contre de la monnaie du pays, pour pouvoir s’acheter dans ce pays une unité de biens et services ; cette quantité est égale au PIB nominal divisé par le PIB réel)
 
 Ce tableau a été réalisé à partir de données fournies par le FMI (dans sa base de données World Economic Outlook).

 
PIB nominal, PIB réel, et niveau des prix, d’un ensemble représentatif de pays du monde, en 2008

 Lorsque l’équilibre des taux de change existe, le niveau des prix est le même dans tous les pays. Lorsque la monnaie d’un pays est surévaluée, le niveau des prix y est trop élevé, et lorsque la monnaie d’un pays est sous-évaluée, le niveau des prix y est trop bas. On voit donc qu’on est loin aujourd’hui de l’équilibre des taux de change : loin d’être le même partout, le niveau des prix varie du simple (en Inde : 0,37) au quadruple (en Suisse : 1,58).
 

Différences entre protectionnisme douanier et dévaluation.

 La forme particulière de protectionnisme douanier présentée ici, et une dévaluation, sont équivalentes du point de vue de leurs effets sur les prix des biens et sur les flux commerciaux. Mais, il y a tout de même quelques différences entre le protectionnisme douanier et la dévaluation, qui rendent le protectionnisme douanier supérieur à la dévaluation, tant d’un point de vue éthique que pratique.

 Du point de vue pratique, la dévaluation est une mesure rigide, qui n’a pas de déclinaison, alors que le protectionnisme douanier est une mesure très souple, qui a de nombreuses déclinaisons (l’une de ces déclinaisons étant la forme particulière de protectionnisme douanier présentée ici, comme équivalente à une dévaluation). Il est possible d’utiliser la taxe récoltée sur les biens importés, pour faire autre chose que subventionner la production de biens exportés. Il est possible d’avoir d’autres critères de taxation des produits vendus localement, que le simple fait qu’ils soient produits à l’étranger ; et il est possible de ne pas taxer uniformément tous les produits taxés. Par exemple, il est possible de taxer les biens vendus localement, d’autant plus fortement que le niveau des prix dans leur pays de production est bas par rapport au niveau local des prix ; et il est possible de ne pas taxer les biens vendus localement, qui sont produits dans des pays où le niveau des prix est supérieur ou égal au niveau local des prix.

 En plus d’être plus souple, le protectionnisme douanier a moins d’effets collatéraux non désirés que la dévaluation. La dévaluation est une action sur les taux de change, or les taux de change n’influencent pas seulement les prix relatif de biens produits localement et à l’étranger, et par là les flux commerciaux. Les taux de change influencent aussi les flux de capitaux. Le maniement des taux de change, qui sont des variables qui interagissent à la fois avec la sphère réelle et avec la sphère financière, est donc moins libre, plus délicat et plus dangereux, que le maniement de la taxation sur la vente et de la subvention à la production.

 Du point de vue éthique, la forme particulière de protectionnisme douanier qui a été présentée ici, comme équivalente à une dévaluation, n’est peut-être pas la plus ouverte au commerce avec le reste du monde, ni la plus susceptible d’aider les pays pauvres à se développer. En effet, cette forme particulière de protectionnisme est une taxation uniforme sur la vente de tous les biens produits à l’étranger, du simple fait qu’ils soient produits à l’étranger. Une autre forme de protectionnisme douanier consisterait à taxer les biens produits dans le reste du monde, dans la mesure où ils sont produits en profitant d’un moindre coût du travail que localement. Où qu’il soient produits, la vente des biens ne serait donc pas taxée, pourvu qu’ils soient produits en payant aussi bien le travail que localement. Les pays pauvres seraient donc moins encouragés à avoir de bas coûts du travail, puisque cela ne serait plus pour eux un atout leur permettant de vendre leur production aux pays riches.

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7 réactions à cet article    


  • zelectron zelectron 15 octobre 2010 10:39

    C’est ce crétin de gisc...qui aurait dû instituer la TVA « sociale », maintenant il est trop tard (35 ans après !) Il ne reste plus aujourd’hui qu’à taxer l’énergie sous toutes ses formes pour assurer la protection des plus faibles et réussir à maintenir notre système de santé. Il va sans dire que la redistribution des ces taxes doit se faire au profit des citoyens et non des hommes politiques et de leurs fredaines ! (pas de directeur, sous-directeur, sous-sous-directeurs, gestion directe par les assedics par exemple)


    • Daniel Roux Daniel Roux 15 octobre 2010 12:57

      L’article est un peu compliqué pour moi.

      Une dévaluation est une baisse globale du pouvoir d’achat des utilisateurs de la monnaie dévaluée.

      La taxe douanière est modulable en fonction de la politique commerciale du pays. Un minerai rare que l’on ne produit pas n’a aucune raison d’être taxé. A l’inverse, l’automobiles que l’on peut produire à tout intérêt à être taxée si elle est importé, surtout de pays à bas coûts sociaux et environnementaux.

      La TVA sociale est un outil qui permet de financer les budgets sociaux dont les pays avancés sont de gros consommateur.

      Si il y a un effet commun, réguler la concurrence, les buts poursuivis ne sont pas les mêmes. Il y a des choix de société à faire et des outils pour y parvenir. C’est cela faire de la politique et non pas appauvrir ses concitoyens pour le seul profit d’une classe privilégiée.


      • samuel * 15 octobre 2010 13:37


         La dévaluation d’une monnaie, c’est baisser sa valeur par rapport aux autres monnaies. Par exemple, si aujourd’hui, l’euro s’échange contre 1,5 dollars, dévaluer l’euro de 10% le ferait baisser de 0,15 dollars, il passerait donc à 1,35 dollars.

         La TVA sociale, je crois que ça consiste à transformer des taxes sur la production locale (impots sur la production, charges sociales comprises dans les rémunérations des salariés), en des taxes sur la vente locale (TVA). Les biens importés ne sont concernés que par les taxes sur la vente locale. Les biens exportés ne sont concernés que par la production locale. Les biens produits et vendus localement sont concernés par les deux taxes.


      • BEBE 15 octobre 2010 14:55

        avant le dollar était fort et l’on perdait
        aujourd’hui l’euro est fort et l’on perd

        la monnaie ne devrait être que le reflet de l’économie d’un pays par rapport à un autre.
        est ce le cas ou d’autres facteurs rentrent ils en jeu ?

        la France soutien avec l’allemagne, l’euro.
        sa productivité est très bonne...mais dans le cadre de l’europe elle perd avec les boulets, Grecs, Espagnol, Portugais, Italiens...

        le temps est peut être venu de quitter cette Europe qui nous impose un diktat économique, social et politique intenable.


        • samuel * 15 octobre 2010 19:09


           Je ne suis pas économiste, donc ma réponse à toutes ces affirmations, parfois celles d’un camp, parfois celles d’un autre camp opposé, ne sera surement pas tres complete.

           Je comprends l’influence du taux de change sur les flux commerciaux. La hauteur de votre monnaie, c’est le prix auquel vous vendez votre travail au reste du monde, et c’est l’inverse du prix auquel le reste du monde vous vend son travail. Donc avec une monnaie chere on perd et on gagne, et avec une monnaie pas chere on gagne et on perd. Dans le cas d’une monnaie chere, on gagne de pouvoir acheter les biens produits dans le reste du monde pour pas cher, et on perd en competitivité, et dans le cas inverse on gagne et perd l’inverse.
           
           Mais les taux de change ont aussi une influence avec les flux de capitaux, qui est d’autant plus importante que les flux de capitaux sont liberalises. Donc on doit surement pouvoir gagner et perdre des choses sur le plan financier selon le taux de change.

           Les taux de change sont influences par ces flux qu’ils influencent : il y a interaction. Je crois que selon la théorie libérale, si on laisse interagir taux de change et flux commerciaux et de capitaux, les taux et les flux se stabilisent en un « bon » equilibre. Mais pour rajouter de la complexité à tout ça, tous les Etats (Chine, USA, Europe...) peuvent eux aussi agir sur les taux de change, et ils ne s’en privent pas. Les Etats ne jouent donc pas le jeu de l’autoregulation « vertueuse ».


        • Nicolas GONZALES 15 octobre 2010 22:09

          Article intéressant, j’ai envie d’approfondir. J’aimerais bien savoir monsieur quel formation vous avez suivi (ou vous suivez) et quels sont vos principales références intellectuelles ou sources de réflexions ou d’inspiration sur un tel sujet. En vous remerciant d’avance.


          • samuel * 15 octobre 2010 22:30

             Classiquement, la sorte de protectionnisme qui fait l’objet d’une étude théorique, avec de jolies formules et courbes mathématiques, n’est pas la forme de protectionnisme que j’ai présentée ici. Vous pouvez trouver une étude classique du protectionnisme, dans plein de bouquins... classiques, comme « Economie Internationale » de Aubin et Norel.

             Classiquement, les subventions à la production locale sont considérées comme du protectionnisme, mais l’étude théorique classique, étudie un protectionnisme qui ne consiste qu’en une taxation des biens importés. Ce protectionnisme-là freine les échanges, car il se contente de freiner les importations sans booster les exportations. Alors qu’une dévaluation, par ses effets sur le prix des biens importés, freine les importations, mais par ses effets sur le prix des biens exportés, booste les exportations. La dévaluation rééquilibre ainsi les échanges, sans forcement les freiner.

             Le protectionnisme dont je parle ici, n’est pas celui qui fait l’objet des etudes theoriques classiques : car il consiste non seulement en une taxe sur les importations, mais aussi en une subvention aux exportations. C’est ainsi que le protectionnisme présenté ici a le même effet sur les flux prix des biens importés ou exportés, et donc sur les flux commerciaux, qu’une devaluation : il ne freine pas plus les échanges qu’une dévaluation ; au même titre qu’une devaluation, il rééquilibre les échanges.
             

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