Quand le plus gros redressement fiscal se termine en désastre
Bercy s’attaque à 1.400 souscripteurs de la société d’investissement Finaréa et met en péril de nombreuses PME.
Dès le début de son mandat, en 2007, Nicolas Sarkozy aidé de la ministre de l'Économie, des Finances et de l'Emploi Christine Lagarde veulent crée un « choc de confiance » (ce sont leurs termes) en augmentant la croissance économique et le capital productif de l'économie, par le biais de l'allègement des cotisations sociales sur les heures supplémentaires. Ils encouragent l'investissement dans les PME par un système de déduction fiscale sur l’IS. La loi TEPA est née. Un autre objectif du TEPA est de freiner le départ des capitaux et des grandes fortunes vers l'étranger en mettant en place un régime fiscal moins dissuasif et aménager l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sur deux points
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porter de 20 à 30 % l'abattement d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sur la résidence principale.
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Réduire de 75 % d'ISF dans la limite de 50 000 euros pour les contribuables qui investissent dans des PME non cotées en bourse. En 2011, cet avantage fiscal sera ramené à 50 % dans la limite de 45 000 euros. Pour mettre en place ce système d’optimisation fiscale, il se crée des holdings ISF qui vont sélectionner des PME cibles et procéder aux investissements, pour le compte des assujettis à l'ISF.
Outre le fait que les investissements sont allés en grande partie vers des PME peu risquées, les assujettis à l’ISF en ont profité pour recapitaliser leurs propres entreprises et ne pas payer d'impôt tout en obtenant des plus-values sur leur investissement propre, il n’en demeure pas moins qu’en 2008, cette mesure a permis à 73 200 contribuables d'injecter 1,1 milliard d'euros dans le capital des PME et 1,12 milliard d'euros en 2009.
Mais revenons au cœur du sujet et à l’utilité ou l’inutilité de cette mesure fiscale pour aider les PME. Il faut tout d’abord définir ce qu'est une PME, car sous ce vocable sont réunies des entreprises bien différentes les unes des autres. L’UE a fixé la définition de la PME à une entreprise qui emploie moins de 250 salariés. Cette définition n’a pas beaucoup de sens, car on ne peut décemment comparer une entreprise industrielle qui emploie 250 salariés avec un artisan qui a recours à un apprenti. Tout le monde s’accorde sur le fait qu’il existe sous le vocable PME au moins deux catégories bien différentes d'entreprises : les PME qui emploient de 20 à 250 salariés et les TPE qui emploient moins de 20 salariés, la législation fiscale française s'est alignée sur la définition européenne et ne tient compte que des PME (moins de 250 salariés). Vous comprenez facilement qu’un investissement dans une PME (entre 20 et 250 salariés) qui soit dispose de fonds propres généralement suffisants, ou dans le cas contraire, bénéficiera du soutien des banques qui leur offrira beaucoup de facilité pour combler leur manque, n’est pas d’une grande utilité, malgré qu’elle soit sans risque pour l’investisseur alors que la situation des TPE (moins de 20 salariés) est diamétralement inverse : elles sont sous capitalisées. Il leur est quasiment impossible de trouver des fonds propres sur le marché. Obtenir du crédit auprès des banques tient du parcours du combattant. Si une niche fiscale n'a de sens que si elle concourt à aider à se développer le secteur auquel elle s'applique, sous réserve que ce secteur ait des besoins. A défaut, elle s'avère inutilement coûteuse pour le budget de notre pays. Cette aménagement de l’ISF est parce qu’il n’est pas dans l’esprit de la loi un énorme cadeau fiscal de Sarkozy. Il en paiera le prix fort en 2012.
Cette simple constatation tend à démontrer que l'ISF PME ne devrait être orienté que vers les TPE, qui seules, en ont véritablement besoin et pour lesquelles une offre directement adaptée est quasiment inexistante. Car les PME qui créeront les emplois de demain sont les TPE d'aujourd'hui.
Cependant, l'investissement dans les TPE présente un niveau de risque élevé et dissuade les professionnels, alors que le creuset de croissance et de richesse est bien souvent évident. La seule façon de contourner cet obstacle est d'accompagner très fortement l'entrepreneur : l'accompagner par de la présence rompant son isolement, l'accompagner par de l'expérience compensant sa jeunesse, l'accompagner par une compétence la plus large possible complétant son propre potentiel, forcément limité en face de tous les défis auxquels il se trouve confronté. Certains fonds holdings susceptibles de mettre en place les moyens utiles pour relever un tel challenge se sont créés. Ils permettent de diversifier les investissements en plaçant de petites sommes sur des TPE et de limiter l'exposition au risque par un accompagnement technique de ces dernières. L'investissement dans une TPE est une diversification de son patrimoine, mais c'est aussi donner du sens à une partie de son épargne que d'aider de jeunes entrepreneurs à se créer et se développer.
En 2008, des experts comptables connaissant bien les TPE et leurs difficultés de financement saisissent l’opportunité de la loi TEPA pour créer des holdings ISF. Lancé en juin 2008, Finaréa investit dans des petites entreprises l’argent récolté auprès de particuliers aisés, par le biais de 32 "holdings animatrices". Ces 32 holdings tissent un réseau d’une centaine de dirigeants d’entreprise qui s’associent bénévolement à l’aventure. Ils apporteront auprès des créateurs d’entreprises, expertises et relations. L’histoire de Finaréa démarre comme un conte de « business Angel ». Ils pensaient créer cela avec 20 relations, ils ont eu 1.000 souscripteurs dès le début. Et du côté des entreprises, les candidats se bousculent. Entre 2008 et 2011, Finaréa lève 65 millions d’euros qui sont injectés dans une cinquantaine de sociétés. Les quinze salariés de Finaréa leur apportent assistance juridique, conseils stratégiques, adresses etc. Et les dirigeants d’entreprise, les coache. En 2010, Finaréa décide de faire se rencontrer tout son monde a la Maison des centraliens, loués pour l’occasion. 500 personnes se retrouvent dans une ambiance euphorique.
En 2012, changement de président de la république et la belle histoire bascule. Des investisseurs signalent à Finaréa qu’ils ont reçu une lettre de redressement leur demandant de ne pas déduire leur investissement au titre de l’ISF. Leur montant d’impôt s’alourdit de 15.000 à 20.000 euros pour chaque investisseur. Finaréa qui a subi une enquête de l’Autorité des marchés financiers ayant conclu que tout était conforme, ainsi que pas moins de 35 contrôles fiscaux, entre mai et novembre 2012, sur l’ensemble des holdings qui ont tous conclu à une absence de redressement, et même un remboursement de la TVA trop perçu sur plusieurs holdings, reste sereine. Ils sont convaincus d’avoir agi en parfaite conformité avec la loi.
Fin 2012, la quasi-totalité de ses 2 .000 souscripteurs sont attaqués par le fisc, qui leur réclame au total plus de 20 millions d’euros. Dans chaque lettre que reçoit l’investisseur de sa direction locale des impôts, que ce soit à Lille, Paris, ou ailleurs, on retrouve les mêmes fautes d’orthographe. Ces notifications sont en réalité des copier-coller dictés par Bercy. Cette affaire qui devient le plus gros redressement fiscal de France, s’éparpille dans des dizaines de brigades financières départementales. L’ordre aurait été donné par un haut responsable de Bercy fin 2012 et le ministère des Finances se refuse au moindre commentaire.
Le FISC reproche à Finaréa que les holdings n’ont pas investi leurs fonds dans des PME au moment de leur création et qu’elles ne pouvaient donc en être "animatrices". Ce que reproche le fisc est tout simplement contraire à la loi Tepa qui ne prévoit aucun délai pour investir et foule aux pieds une décision européenne qui n’avait autorisé cette aide aux PME qu’à la condition expresse que les sociétés bénéficiaires soient dans une phase initiale de leur développement. Alors que le fisc entame des procédures sur le bienfondé de ces investissements, des montages identiques à celui de Finaréa, comme le fonds Partech (BNP Paribas) sont validés par Bercy et bénéficient d’une autorisation, pour faire la même chose en pire puisqu’ils ne s’occupent pas des TPE.
En s’attaquant aux 1.400 souscripteurs de la société d’investissement Finaréa, qui pensaient réduire ainsi leur ISF, dans 1.400 procédures judiciaires prendront des années avant d’aboutir, Bercy empêche toute décision chez Finaréa qui ne lève plus un centime auprès de ces investisseurs fortunés, échaudés. Les financements se sont taris dans 52 petites entreprises employant au total près de 700 personnes où Finaréa a pris des participations variant entre 30 % et 49 % de leur capital. Ce méga-contentieux fiscal, qui s'apprête à encombrer les tribunaux de France, a pour première conséquence immédiate de couper les vivres à une vingtaine de PME ou TPE (très petites entreprises) en situation délicate.
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Fondé en 2010, Invisu fournissait des contenus audiovisuels aux grandes marques : 3 Suisses, Cartier, Danone… En juin dernier, il a rejoint le cimetière des start-up. Liquidation judiciaire. 12 salariés. "Je suis triste pour la France. Triste pour la création d’entreprises", soupire Jeremy Bembaron, le fondateur d’Invisu.
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Airlex, qui réalise des salles de bains préfabriquées pour l’industrie, installée à Saint-Herblain (Loire-Atlantique) dont le premier ministre Jean-Marc Ayrault a été maire, a jeté l'éponge. 37 salariés.
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Le réseau de pâtisseries de luxe Patrick Mesiano s’est arrêté. 20 salariés.
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Tema Concept qui fabrique des bancs d'essais (13 salariés). Liquidation judiciaire.
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Le cas est encore plus flagrant pour Turbiwatt, une pépite industrielle qui développe des microturbines. Les prototypes sont testés, validés et acheté par les premiers clients, mais les capitaux manquent pour passer à l’industrialisation. Turbiwatt affiche un résultat net de -160000 euro, n’a plus de soutien financier et va jeter l’éponge dans les prochains mois
On s'est retrouvé dans une merde noire ! » Raconte, Stephan Imbach, 55 ans, patron d'IBL, société de machines de nettoyage et de désinfection à la vapeur et explique que son entreprise s'est fait couper les ailes en plein décollage. Alors que d'importants contrats étaient signés avec Air Liquide et L'Oréal, sa trésorerie a fondu comme neige au soleil. Son partenaire financier, Finaréa, qui a investi 1,1 million d'euros dans cette société de Cachan (Val-de-Marne), lui a fait défaut. Liquidation judiciaire 22 salariés.
Parce que le fond qui avait soutenu leur développement n’a plus d’argent à leur apporter, car il est broyé depuis deux ans par la décision de Bercy, la liste noire comprend déjà 22 start-up et ne cesse de s’allonger.
"Le fisc s’en est pris à une société qui respectait parfaitement l’esprit de la loi, s’indigne un business Angel. Finaréa a investi dans de vraies PME, à un stade précoce, et souvent dans des secteurs industriels. Et on laisse tranquilles des opérateurs ayant fait des montages scandaleux, dans de l’immobilier, sans rapport avec la loi." Des abus caractérisés sont d’ailleurs dénoncés dans le rapport de l’inspection générale des Finances 2010-2011, qui pointe des "effets d’aubaine" et des "dérives dans les pratiques d’investissement de certains fonds fiscaux".
Le fondateur de Finaréa a plaidé sa cause auprès d’une soixantaine de députés et sénateurs. Il a même adressé une lettre aux ministres de l’époque, c’est à dire : Pierre Moscovici, Jérôme Cahuzac et Fleur Pellerin. Vous vous doutez bien qu’il attend toujours la réponse.
Plus sérieusement en invoquent pêle-mêle des prises de participation tardives inférieures à 50 % de l'actif des PME, la présence dans chacun des conseils de direction des PME d'un seul représentant du holding ayant un droit de veto, le maintien des équipes dirigeantes en poste avant la prise de participation, Bercy donne une interprétation de la notion de holding animateur qui va bien au-delà de ce qu'exigent les textes administratifs, et devrait, à leur lecture renoncer à ses redressements pour le moins farfelus . Car Finaréa est dans les clous puisque la loi ne pose en effet pas de délai pour que le Holding investisse au mieux des intérêts de ses actionnaires. De plus, aucune instruction ne fixe de minimum de participation. Les participations des holdings de Finaréa variant entre 25 % et 49 %, on peut considérer que c'est suffisant pour assurer un contrôle attentif des PME, le maintien de l'équipe dirigeante en place permettant d'assurer une continuité et l'établissement de relations de confiance. De plus, le droit de veto s'exerce sur toutes les décisions stratégiques des entreprises (budget, recrutement ou investissement significatif, emprunt...). Enfin toutes les PME sont liées à leur holding par un contrat de prestation de services imposant la définition de leur stratégie et organisant son contrôle de gestion. Alors plutôt que d’annuler la réduction d'impôt ISF-PME, pourquoi Bercy s’entête-t-il à harceler les investisseurs de cette Holding ?
Il y a deux réponses à cette question. La première est que le gouvernement socialiste a une réaction épidermique dès que l’on touche à son bébé l’ISF. Tout système fiscal visant à réduire la portée de cet impôt est considéré pour le PS comme un crime de l’aise majesté. Mais vous vous doutez bien que Bercy n’est pas stupide et il sait pertinemment que les procédures engagées feront flop. Et que ce qu’il considère comme le plus gros redressement fiscal depuis la création de l’ISF aboutira à un remboursement du manque à gagner des investisseurs. Soit environ 60 millions d’euro plus les intérêts. L’entêtement intellectuel a ses limites.
La seconde réponse est plu simple, plus pragmatiques et aussi plus scandaleuse. Finaréa a su profité d’un avantage fiscal pour lever des fonds chez des personnes fortunées et les investir dans des entreprises en devenir. Il a fait cela en toute indépendance. Comme il jouit d’une grande expérience dans ce domaine, en utilisant son réseau d’entrepreneurs bénévoles, il a su être efficace dans le domaine d’expertise et gagner la confiance de ses investisseurs, qui sont sortis des circuits traditionnels pour placer leur argent. Cela n’a pas plu mais pas plu du tout aux banques qui possède tous des holdings similaires mais beaucoup moins efficaces et qui elles détournent l’esprit de cette loin par des investissements à risques sur des sociétés d’investissement immobiliers ou l’internet. Comme ces banques bénéficient d’une grande écoute auprès de Bercy je vous laisse deviner sur qui on tape.
Voilà comment en France on met 52 entreprises au tapis on crée 700 chômeurs de plus et on met à plat un système issu non pas de quelque acarne du pouvoir, mais de la « société civile » pour permettre à des jeunes entrepreneurs de développer leurs activités en France et ainsi permettre l’avenir.
Alors Monsieur Vals on « aime les entreprises » et monsieur Sapin, on « aime la finance » ? Permettez-moi d’en douter
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