Quand mon moteur fait boum ! Vers un 3e choc pétrolier
En cinq ans, le prix du pétrole a été multiplié par trois, plus que lors des chocs pétroliers de 1973 et 1979. Cet inquiétant présage pourrait remettre en cause les fondements de la mondialisation.
Alors que le Brésil vient d’annoncer en fanfare la découverte d’un nouveau gisement de pétrole, le plus grand du monde, le prix du baril lui s’envole et nous rejoue un troisième choc pétrolier incognito. Le FT rappelle que la Russie, le Mexique et la Norvège - respectivement 2e, 5e et 8e producteurs mondiaux, ont atteint leur « oil peak », leur pic de production. Ils ouvrent le bal de ce qui pourrait bientôt être un bouleversement sans précédent du monde : les experts prédisent que la production pétrolière commencera à diminuer dans une dizaine d’années alors que la demande explosera, faisant s’envoler les prix. Et si tout cela avait déjà commencé ?
Et l’énergie, c’est le nerf de l’économie. Sans elle, rien à faire. On a essayé les énergies renouvelables, le nucléaire, le gaz - et ça marche, plus ou moins - mais, jusqu’à présent, on n’a rien trouvé de mieux que le pétrole pour faire marcher les voitures. 50 % du pétrole est utilisé dans les transports. Voiture, camion, avions, bateaux, tout ce qui sert à transporter les biens et les hommes mange du pétrole.
Or, la mondialisation, c’est principalement ça : la possibilité d’aller où on veut quand on veut. Car, c’est bien beau de construire pour pas cher en Chine, il faut encore rapatrier ça vers chez nous. Sans transport bon marché, pas de mondialisation. Ou, pour faire vite, sans pétrole, pas de globalisation.
A cela ajoutons tous les usages quotidiens du pétrole, du plastique à la production d’énergie, et on voit que notre civilisation est celle de l’or noir. Et concluons en disant que la combustion du pétrole, de ses dérivés et du charbon, produit du CO2 qui pourrit l’atmosphère et provoque un réchauffement climatique.
Dans ces conditions, le prix du pétrole détermine grandement la bonne santé de l’économie mondiale. Rappelons-nous en 1973 et 1973, les crises pétrolières : le prix du baril explose, et toute l’économie mondiale est mise à terre. Elle n’allait déjà pas très bien, le modèle fordiste commençant à s’essouffler, et ce double choc l’a mise KO. Il a fallu changer de logiciel économique : libéralisation des marchés, chômage de masse, économie du savoir, etc.
Les deux chocs des années 70 ont multiplié le prix du baril par, respectivement, 2,2 et 2,1. Et, aujourd’hui, on voit un nouveau choc, mais moins brutal : le prix a été multiplié par trois en cinq ans. Plus que les deux chocs historiques.
Il faut dire qu’avec un euro fort comme le nôtre, nous n’avons pas vraiment vu cela, et c’est même plutôt une aubaine. Pour les Etats-Unis, c’est déjà moins drôle : comme les prix sont en dollar, on peut aussi penser que la hausse du pétrole est liée à la baisse du dollar. Mais cette hausse veut sans doute dire autre chose.
Les géologues en discutent avec passion : le « oil peak », le moment où la production de pétrole sera à son maximum, le pic avant la chute, l’apogée de la civilisation de l’or noir. La date est dure à estimer. 2015 ? 2025 ? 2040 ? Bientôt en tout cas. Et, avec la montée en puissance de la Chine et de l’Inde, ce pic pourrait avoir lieu plus tôt que prévu. La Russie, le Mexique et la Norvège, entre autres, ont déjà annoncé qu’ils avaient atteint leur pic. Les pays du Golfe l’attendent pour 2015 ou 2020. Il n’y a qu’en Irak où les réserves semblent plus consistantes... Tiens, mais qu’y font les Etats-Unis ?
Baisse de l’offre, anticipée ou effective, hausse de la demande : bingo, les prix s’emballent.
La hausse faramineuse des prix n’est pas due, comme en 1973 ou 1979, à des troubles politiques. Ce n’est pas une hausse provoquée, mais une hausse naturelle, et c’est sans doute beaucoup plus préoccupant. Rien n’indique donc que les prix vont baisser comme ils l’avaient fait en 1985-87. Tout laisse penser le contraire et qu’ils continueront d’augmenter, ou au moins stagneront. La période des transports quasi gratuits touche à sa fin et, avec elle, une certaine phase de la mondialisation, voire la mondialisation tout court si la tendance se poursuit.
En attendant, le baril a atteint la plus haute valeur jamais atteinte : 112 $. Et, si mon moteur n’a pas encore fait boum, mon portefeuille, lui, ne se sent pas très bien.
Reste l’espoir que nous trouvions de nouvelles sources d’énergie non polluantes. Ou certains pourraient simplement y voir le moyen de tourner la page d’une économie dispendieuse et polluante pour ouvrir une phase de décroissance.
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