Quitter une organisation après 19 ans de militantisme : retour sur un parcours riche ...
Voici le récit d’un parcours syndical très atypique...
Ayant démissionné le 12 mars dernier de la fédération FO des cheminots (après avoir quitté le secrétariat fédéral le 6 mars), j’ai souhaité aborder mon parcours et les raisons d’un départ qui clôture 19 années d’activités importantes dans cette organisation.
J’ai adhéré au syndicat FO des cheminots le 1er janvier 1990 après avoir été contacté en novembre 1989 par les responsables locaux et régionaux (région de Clermont-Ferrand).
J’ai été particulièrement séduit par le principe de "l’indépendance syndicale" qui précise que le syndicat ne peut être placé sous l’influence des partis politiques, des églises et des cercles de toute nature. Mon engagement radical-socialiste (secrétaire de la fédération du M.R.G. du Puy-de-Dôme) semblait me porter presque naturellement vers une organisation plaçant la revendication et la négociation comme outil d’émancipation des salariés et la démocratie comme moyen d’expression premier au sein de la structure.
En outre, le fait que le syndicat clermontois rassemblait alors des cheminots de tout horizon politique et que l’hermétisme entre partis et syndicat en était la règle non-écrite mais acceptée par tous a emporté mon choix d’adhésion. D’autres organisations pouvaient remplir ces conditions mais à cette époque je considérais que c’était le choix le plus judicieux.
Ce n’était assurément pas le plus confortable puisqu’avec moins de 5% des voix aux élections du CE régional de Clermont-Ferrand, cet engagement sincère comportait plus de problèmes avec la hiérarchie de proximité que d’avantages.
Par ma volonté de militer, j’ai rapidement pris des responsabilités de secrétaire de syndicat local ainsi qu’à l’Union Départementale FO 63 (membre de la Commission Exécutive puis secrétaire adjoint durant plus de 7 ans).
Simultanément dès 1990-1991, j’ai travaillé au sein du bureau national jeunes de la fédération des cheminots ainsi qu’à la confédération FO (alors située au 198 avenue du maine) avec la commission confédérale jeunes. J’ai eu l’occasion de participer à des réunions européennes avec la CES jeunes à Strasbourg ainsi que des séjours de jeunes cheminots (Suisse, Autriche, Allemagne).
Un premier évènement a retenu toute mon attention. Dès ma première participation à la commission confédérale jeunes, j’ai appris (quelques années plus tard) que le secrétaire de l’U.D. FO 44 (tendance "anarcho-syndicaliste" soit trotskyste lambertiste) était intervenu auprès du secrétaire confédéral de l’époque Alphonse BERNARD, pour encourager ce dernier à se débarrasser de moi. D’étiquette politique radicale, candidat sur la liste Energie Radicale en 1994 (liste MRG menée par B.TAPIE), je ne présentais sans doute pas toutes les caractéristiques du parfait militant FO ami ou compagnon proche du groupuscule d’extrême gauche bien présent au sein de FO.
Pour autant, avec l’expérience des congrès radicaux (je fus ensuite Président du MRG 63 et élu local dès mars 1989 durant 19 ans), je resta à peu près serein par rapport à cet évènement.
Autodidacte reconnu, je participais à de nombreuses formations économiques et syndicales très intéressantes au niveau interprofessionnel (connaissances syndicales, juridiques, communication, europe et international...). C’est au cours d’une de ces formations à l’ISST de Sceaux que je fus "repéré) par le secteur Europe International confédéral alors dirigé par Jacques PE (aussi connu pour être un élément "critique de Marc BLONDEL dès 1993...).
Ma connaissance de l’anglais, des PECO et de l’Asie, me permit d’être d’abord utilisé dès 1993 puis recruté comme "assistant confirmé" (statut cadre selon la convention collective de FO) dès 1994, tout en conservant mon statut cheminot (par détachement syndical).
Mon examen d’embauche "officiel" se déroula à peu près sous cette forme. Après avoir été annoncé par la secrétaire personnelle de Marc BLONDEL (sa femme), je pénétrais après un bonjour rapide de ma part au secrétaire général. Celui-ci sans relever la tête de sa lecture m’indiqua que le secrétaire confédéral avait dit du bien de moi et me posa la question suivante : "tu es prêt à te déplacer même au tout dernier moment pour représenter la confédération partout dans le monde quand il faudra ?" . Je répondis un oui franc. Il m’indiqua aussitôt " c’est bon , tu peux y aller".
Je fus surpris puis amusé. C’était sans doute l’effet désiré par Marc BLONDEL lui-même. Je rapporta l’entretien à J.PE qui ne fut aucunement surpris.
Commença la partie la plus passionnante de mon activité syndicale. Modeste agent vendeur de billets à la SNCF (collège ouvrier), je parcourus la planète en représentant le secrétaire général de la confédération FO , ce qui me fit cotoyer John SWENEY, patron de la centrale américaine AFL-CIO, Sonia GANDHI, alors dirigeante du Parti du Congrès, Han DONGFANG militant syndicaliste chinois (un vrai héros qui avait fondé un vrai syndicat indépendant lors du printemps sanglant de Pékin en mais-juin 1986, Chris PATTEN alors gouverneur de Hong Kong, ainsi que souvent des syndicalistes de tout niveau qui m’ont souvent ému par leur courage et leur détermination devant une oppression économique et physique bien concrète. Je suis heureux d’avoir pu leur apporter un peu de réconfort et d’exprimer la solidarité syndicale pour leurs luttes.
J’ai ainsi animé la première réunion de formation syndicale opérée par un syndicaliste à Phnom Penh en 1995, participé à deux conférences générales annuelles de l’OIT (1997 comme simple auditeur, 1998 comme conseiller technique), à une assemblée générale annuelle de l’ONU en 1997 à New-York durant une dizaine de jours accompagnant mon secrétaire confédéral, sans omettre des déplacements au Canada, en Inde, Thailande, Cambodge, Corée, Chine Populaire (visites officieuses de PME textile), aux Philippines, Singapour, Japon...
La tension politique devenant difficilement supportable entre Marc BLONDEL et Jacques PE responsable de mon secteur, ce dernier quitta son poste au 31 décembre 1998 sans se soucier aucunement de ses assistants (dont j’étais) et qui se retrouvèrent en difficulté dès janvier 1999. Son remplaçant (VALLADON) devait sans doute faire le ménage "politique" dans ce secteur. Je fus logiquement dans l’obligation de partir dès le 30 septembre 1999 et (presque) l’intégralité du réseau relationnel tissé depuis 6 ans fut réduit à néant.
Je fus le meilleur candidat pour un poste d’assistant au département des droits humains et syndicaux de la C.I.S.L. (aujourd’hui CIS) à Bruxelles auprès du regretté camarade KUCZKIEWICZ. Mais comme ce fut la période de négociation des 35 heures à la SNCF, une altercation violente entre Marc BLONDEL et Louis GALLOIS alors Président de la SNCF, ne me permit pas de concrétiser mon arrivée à Bruxelles (détachement comme expatrié SNCF) parfaitement mis au point avec mes amis de la CISL.
Je revins donc sur le terrain travailler à Clermont-Ferrand comme responsable syndical et fut élu (par manque de candidat reconnaissons-le) comme secrétaire régional de FO cheminots.
Passer de Hong Kong au combat contre la fermeture de gares dans le cantal ne fut pas un passage agréable mais je m’y pliais sans me plaindre. Je fus élu conseiller prud’hommal et par une habile négociation désigné président suppléant et vice-président suppléant (le titulaire étant un camarade CGT) de la section commerce du CPH de Clermont-Ferrand. Ce fut une nouvelle fois une expérience très enrichissante pour moi et j’en garde un souvenir riche de rencontre et de curiosité.
En 2002, je suis élu secrétaire fédéral à la fédération FO des cheminots. Je dois ma candidature (et mon élection) à la candidature d’un camarade secrétaire sortant (de tendance lambertiste) qui génait à cette époque là le secrétaire général de la fédération. Il me sembla que j’étais élu contre un autre plutôt que pour moi-même. Ce qui ne me dérangea pas plus que cela.
Etant nouvel élu, je n’eus pas mon mot à dire sur les dossiers. On me chargea de la protection sociale (maladie, retraites, accidents du travail), de l’action sociale, de la santé ainsi que de la communication fédérale.
En 2006, je fus réélu secrétaire fédéral et on me confia (je n’y étais pas particulièrement favorable vu les faiblesses politiques de l’organisation) le dossier Europe et International avec la communication et les questions accidents du travail et santé.
Entre 2003 et 2008, sept secrétaires fédéraux quittèrent le secrétariat fédéral de FO cheminots. Certaines raisons ayant présidé à ses départs me poussèrent à engager une réflexion de fond sur mon action personnelle au sein de la fédération FO des cheminots...
Un brain-storming personnel commença à provoquer chez moi interrogations et remises en cause personnelles.
(fin de la 1ère partie)
Rémi AUFRERE
NB : je souhaite rendre hommage à tous les délégués syndicaux (de toutes organisations) qui se battent dans les entreprises pour défendre et promouvoir les droits des salariés.
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