Renault -33%
Ouh, la chute est rude pour notre constructeur national et les médias s’en font largement l’écho... Le ciel est-il tombé sur la tête de Carlos Ghosn ? Cela mérite sans doute quelques explications.
Etrange industrie que celle de l’automobile qui publie tous les mois, avec une précision absolue, des statistiques qui donnent le pouls de l’économie nationale. Les constructeurs automobile français ont mis en place, depuis fort longtemps, avec l’accord du ministère de l’Intérieur, un fichier commun, issu directement des immatriculations émises par les préfectures. Utile pour connaître sa position sur le marché, l’identité précise de ses clients et éventuellement celle des clients de ses concurrents. Du fait de ce privilège assez exorbitant, qui a été étendu aux importateurs, non sans que nos trois mousquetaires nationaux n’aient quelque peu traîné les pieds, les constructeurs automobile représentés en France sont capables de connaître, avec une précision millimétrée, leurs performances respectives, région par région, ville par ville et même rue par rue. Comme ces statistiques sont rendues publiques par le CFCA (Comité français des constructeurs automobiles) elles constituent un révélateur puissant et public des succès et des échecs des marques qui se livrent une guerre commerciale impitoyable, dans un marché très hautement compétitif.
Et il arrive, parfois, que cet index mensuel donne des sueurs froides aux responsables commerciaux des marques. D’autant que ceux-ci, qui n’aiment sans doute pas dormir en paix, bénéficient d’un service quotidien de ces statistiques, pour souffrir encore davantage. On imagine les moments pénibles, lorsqu’un président, prenant connaissance dès le matin et en même temps que son directeur commercial des résultats pas terribles de la veille, le convoque sur-le-champ pour lui demander des explications... Ambiance.
Bien entendu, il n’a échappé à personne que tant de transparence, c’était sans doute très bien, mais que cela ne pouvait rester sans conséquence sur les performances réelles d’un modèle ou d’une marque. Annoncer urbi et orbi que tel modèle est en chute libre sur le marché, ce n’est certes pas le meilleur moyen d’attirer de nouveaux clients. Montrer quelques points faibles à ses concurrents, ce n’est pas non plus le meilleur moyen de les éblouir par une politique commerciale triomphante. Alors, petit à petit, ces statistiques sont devenues aussi un artifice destiné à masquer, par toute sorte de biais, une réalité pas toujours très réjouissante. Le nez rivé sur leurs statistiques, les responsables commerciaux ont fini par se tromper de métier et de priorité, en réalisant des "ventes" au caractère très artificiel dont l’unique objectif consiste à passer par la case immatriculation, afin de nourrir les sacro-saints fichiers et de maintenir l’indice ultime, celui que tout le monde regarde, son % de parts de marché. Je ne m’étendrai pas ici sur les moyens retenus pour y parvenir. Ils relèvent des secrets de cuisine des constructeurs et ne méritent pas toujours une bénédiction sans confession. Le plus connu d’entre eux, néanmoins, les ventes avec reprise à très court terme aux loueurs pour courte durée, ne fait d’ailleurs plus recette tant il a conduit à de graves aberrations sur le marché, en détruisant la valeur résiduelle de véhicules très récents. Ceci d’ailleurs pose aujourd ’hui problème aux loueurs concernés qui se voient obligés de remonter leurs prix.
Il faut bien reconnaîitre que Renault a très longtemps tiré un peu fort sur cette corde-là, en s’engageant dans une sorte de fuite en avant à laquelle il fallait bien mettre un terme un jour. Impossible pour un Carlos Ghosn d’accepter que perdure ce genre de manipulation, sous peine de finir par se tromper lui-même, comme beaucoup d’autres avant lui, sur les performances réelles de ses marques. Un brutal changement de cap a donc été opéré, dont on mesure aujourd’hui les conséquences quand on réétalonne les compteurs. Ce sont donc en fait les performances passées de Renault qu’il convient de regarder avec méfiance, plutôt que celles du mois, et qui sont probablement beaucoup plus conformes à la réalité de la marque aujourd ’hui. Le phénomène est malheureusement aggravé par un marché morose et un trou sérieux dans la gamme. Mais Renault n’est pas le seul coupable de ces variations dans les statistiques d’immatriculations. Et la question même de leur existence pourrait ou devrait être posée. Après tout, la mesure de la part de marché, si elle est, comme on peut le comprendre, nécessaire à la conduite des opérations des constructeurs automobiles, ne devrait-elle pas relever de leur propre responsabilité, sans qu’il soit obligatoire d’utiliser, pour y parvenir, des moyens publics, dont l’aspect confidentiel ne devrait échapper à personne ?
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