Salon du Livre. Le EBook va-t-il mettre Gutenberg au chômage ?
À l’occasion du Salon du livre de Paris 2009, quelques réflexions spéculatives d’un éditeur de province - Xavier Armange, éditions D’Orbestier aux Sables d’Olonne - sur le devenir du livre et de sa profession, à l’intention d’un public qui ne connaît pas bien les réalités de la petite édition.
Éditeurs, diffuseurs, libraires indépendants, quel avenir ?
IDÉES REÇUES SUR LE LIVRE ET AUTRES CONSIDÉRATION DISCUTABLES
Contrairement aux idées reçues, le livre ne va pas bien en ce moment du moins pour certains petits éditeurs. On n’a jamais autant publié et aussi peu acheté de livres.
L’idée reçue qui emporte la conviction de beaucoup de lecteurs et de candidats à la publication, ce sont les médias sur commande qui la véhiculent en se gorgeant de tirages millionnaires d’une poignée d’éditeurs nationaux (et de coéditions internationales) et du double d’auteurs. Le livre serait donc un nouvel Eldorado ou plumitifs et éditeurs de tous poils pourraient trouver gloire et fortune. Peu de VIP dans ce métier ; beaucoup plus nombreux que les auteurs à succès que l’on voit en boucle, il y a les autres, beaucoup moins brillants ; ceux qui ne passent ni à la télé ni dans les magazines. Quant aux tout petits, on les laisse s’amuser souvent au fond de leurs provinces.
AU SUIVANT !
Il n’y a plus de place dans les librairies. Les libraires n’ont plus de temps pour recevoir les représentants qui leur proposent 30 nouveautés en 15 minutes. C’est peu pour faire valoir un contenu et souvent régler le sort d’un livre. Les libraires ne lisent plus les livres qu’ils reçoivent, comment le pourraient-ils ? Alors le plus souvent ils conseillent sur la conviction des représentants qui n’ont pas plus lu les livres, sur les brèves plus ou moins publicitaires des magazines professionnels, quand l’attaché de presse est efficace, et sur le « Vu à la télé ». Difficile de faire autrement.
Il y a quelques années, la sortie du dernier roman de Malraux était un événement attendu depuis des mois. Aujourd’hui le chef de rayon évalue combien il vendra le nouveau Weyergans en regardant son ordinateur. « Bôf, on n’a pas fait de miracle la dernière fois… ». Alors que dire du premier opus d’un inconnu qui débarque sous le label d’un éditeur de province. Rien. On n’a d’ailleurs pas le temps d’en parler, au suivant !
Les libraires n’ont plus de place physique pour poser les bouquins sur leurs tables et sont noyés quotidiennement par les envois des grands éditeurs et la gestion des retours. Et qui croyez-vous qui s’installent sur les rayonnages ? Ceux dont on parle et qui ont le pouvoir d’imposer leur présence. Un libraire qui n’aurait pas les Gallimard, Seuil et autres Grasset en rayon, pensez-vous qu’il serait longtemps crédible ? C’est comme si les grandes surfaces étaient privées de Ricard. Mais avoir du D’Orbestier ne changera rien à leur chiffre d’affaires même si on leur dit que les livres sont géniaux.
Bien sûr un petit éditeur peut tenter de faire des coups très forts - et très rares - presque magiques parce que le hasard et la machine médiatique s’est emballée au bon moment, comme les « Mémoires d’un paysan bas-breton » édité du fond de la Bretagne profonde par An Here, qu’on cite toujours en exemple. Le plus sûr est d’essayer de durer, survivre modestement en choisissant des titres qui ont un peu de chances de se vendre dans le coin à 1500 ou 2 000 ex. En dessous c’est de l’énergie et du travail pour rien. Ou du compte d’auteur, ce que nous nous sommes toujours refusé à faire.
Les auteurs naturellement essaient d’abord les plus grands éditeurs, puis reculent jusqu’au compte d’auteur. Il ne nous arrive donc pas toujours le meilleur mais parfois aussi de très bons textes qui correspondent à nos choix éditoriaux et qui ont échappé aux lecteurs surchargés des grandes maisons, souvent influencés par le copinage. Si nous publions, le risque c’est que l’auteur soit déçu par de faibles performances, et nous avec. Si nous ne publions pas nous pensons que c’est bien dommage. Dans tous les cas nous essayons d’être clairs et honnêtes : nous ne lui promettrons pas la gloire médiatique ni la prospérité, mais du moins nous ferons tout pour.
PLUS DE TRAVAIL DU FONDS, ON VEUT DES NOUVEAUTÉS !
Le pire aujourd’hui c’est la politique du flux tendu qui a tout envahi. Ainsi un livre intéresse un libraire si c’est une nouveauté et si la machine médiatique est en branle. Trois mois après, parfois moins, l’ouvrage est retourné à l’éditeur par le libraire qui récupère sa trésorerie et le sort du livre est scellé. S’il s’est bien vendu le libraire, alerté par son ordinateur, aura recommandé. S’il s’est un peu vendu, le représentant quand il passera la fois suivante essaiera peut-être de le replacer. Sinon le livre est fini, bon pour le pilon, et toujours au suivant ! Dans les meilleurs cas il sortira en poche et pourra recommencer une plus longue et plus modeste carrière.
Désormais le livre n’a plus le temps de s’installer et pourtant on sait que, pour la littérature surtout, le bouche à oreille en nécessite.
Après Loana (et son million d’avaloir), place à Dechavanne, puis aux chroniques intimes de Diana pour son anniversaire, à Outreau, Mesrine, Nadine Trintignant, aux femmes battues, au calvaire des transsexuels, à la bio de Marie Drucker, aujourd’hui à Ségolène et autres Sulitzer qui signent ce qui rapporte… et demain au suivant !
Pourtant ne pas croire que tout marche ; les nationaux pilonnent 1/3 de leurs productions. Si c’est peu écologique - et qui s’en soucie - c’est moins dramatique pour eux car, comme ils ont la structure et les moyens de s’imposer partout dans les médias qu’ils contrôlent, ils sont donc visibles dans plusieurs milliers de points de vente - les premiers et deuxièmes niveaux de librairies de France - achètent leurs livres en imprimerie beaucoup moins cher car en plus grande quantité. Envahissants les tables en pile à l’entrée et parce qu’on les voit, ils ont des chances de vendre quelques milliers de livres - beaucoup plus que les petits - de limiter les dégâts et même de gagner un peu d’argent sur beaucoup de titres, parfois beaucoup d’argent sur peu de titres, tant mieux pour eux, tant pis pour les autres.
Dans tout ça il y a les vrais écrivains, ce qui reste de littérature française contemporaine, qui procurent encore de belles surprises et de vrais succès justifiés, avec aussi tous les produits intermédiaires d’auteurs demi-sel qui besognent pour continuer d’exister sur la grande scène parisienne mais sont bien souvent surfaits ou en manque d’inspiration et d’originalité.
Les grands s’arrangent avec les prix qu’on s’échange entre happy few grâce à des jurys intègres dont les futurs avaloirs ne sont pas - paraît-il - directement en rapport avec leurs votes. Les tirages grimpent.
Et pour que ça continue, un secret : produire, pilonner, produire, pilonner et au suivant ! Aujourd’hui les grands entrepreneurs du livre sont arrivés du monde industriel et appliquent leurs méthodes stakhanovistes. L’idéal pour le business serait que, comme Pepe Carvalho, nous brûlions chaque jour un livre pour allumer notre cheminée et regarnissions au fur à mesure nos rayonnages. L’industrie du livre comme celle de la voiture ou du portable a besoin d’un turnover permanent.
LA DIFFUSION DISTRIBUTION
Pour les diffuseurs-distributeurs, le problème se pose différemment. Le métier de terrain n’est pas facile mais présente des avantages dans la chaîne du livre. On a souvent coutume de dire que, qui tient la distribution tient l’édition. Comme les distributeurs n’ont pas de risque de mise de fonds à chaque livre, chaque livre vendu est un livre bien vendu. Que l’éditeur en écoule au titre 100 ou 100000 leur importe finalement peu. Quand ils vendent bien ils sont contents bien sûr, mais si ça ne marche pas, pas de péril, au suivant ! Les mises de fonds et les stocks ne sont pas leur problème, ni le pilon. C’est la même chose pour les libraires qui, s’ils paient les livres qui entrent, ont par contre la faculté unique de retourner leurs invendus et d’être remboursés. Risque nul mais financement souvent tendu donc retours de plus en plus rapides pour refinancer les nouveautés et ainsi de suite.
INTERNET
Aujourd’hui internet est devenu une forme de commercialisation incontournable mais ce serait une erreur de croire que, parce qu’un éditeur a un site, il va vendre beaucoup de livres sur la toile. Ce sont les librairies virtuelles sur internet qui ont très vite monopolisé le marché, souvent des filiales de gros, de très gros libraires et groupes d’édition. C’est sur elles que le client atterrit d’abord dans ses recherches sur Google ; c’est là qu’il va concrétiser, publicité et marketing bien faits obligent. Leurs vitrines leur coûtent un logiciel performant et mis à jour, une logistique au point et de la promo dans les médias que leurs groupes contrôlent. De plus on y trouve tout pour le seul prix d’un référencement car beaucoup n’ont pas de stock et fonctionnent, pour les titres les moins vendeurs, à flux tendu selon les demandes.
LES LIVRES EN FICHIERS. pdf POUR ORDINATEURS
Le format. pdf, qui est celui qui permet d’imprimer les livres en offset et dont dispose tout éditeur. Il est très facilement adaptable aux appareils électroniques, offre une lecture page à page exactement semblable à celle d’un livre papier et des enrichissements possibles. Avec le développement des ordinateurs portables et des netbook ultraportables, l’offre d’ouvrages en. pdf s’est élargie.
Des groupes d’édition comme Eyrolles ont réagi qui proposent leurs ouvrages sur le net en version uniquement virtuelle ou virtuelle et papier. Certains types d’ouvrages qui s’adressent aux personnes habituées à travailler souvent sur ordinateur semblent bien acceptés aujourd’hui. Ce sont souvent des livres d’information pratique ou technique à consommation rapide, spécialité de l’éditeur.
Mais la lecture de ces livres sur un écran scintillant avec une autonomie courte est encore boudée par beaucoup de lecteurs.
LE READER, LIVRE VIRTUEL
Le livre virtuel sur papier électronique ou reader est une alternative nouvelle qui devient maintenant crédible. Il sera généralisé avant cinq ans ; je prends date. On est loin des premiers essais, lourds, lents, sans offre de bibliothèque, consommateurs d’énergie, dérivés des ordinateurs. Aujourd’hui le livre électronique est au point. C’est léger, pas fatigant à lire, autonome, et dans 150 g on peut loger une honnête bibliothèque. Comme déjà le Sony Reader ebook, le Kindle, interactif avec internet. Une fois vaincues les réticences et les craintes de la nouveauté (pas de contact papier, pas d’odeur, nostalgie…) on s’apercevra que c’est très pratique dans son lit ou surtout quand on voyage, que c’est écologique (ça ne consomme presque rien et pas de papier), que ça n’altère en rien la pensée induite par l’écrit, que c’est même plus riche (hypertexte, dictionnaire intégré, grossissement du caractère, chargement immédiat, annotable, certains peuvent convertir des fichiers, pas de scintillement, lecture en plein soleil, photos en noir et blanc pour l’instant un peu rudimentaires, musique, accroissement de la mémoire avec des cartes, etc.) et que ça coûte moins cher - du moins ça devrait - d’aller se remplir Millenium (3 lourds tomes), tout Hugo ou tout Rowling à la pompe internet pour un péage raisonnable puisque presque sans coût pour l’émetteur (en dehors de la commercialisation et des droits d’auteur). Quant à son coût et au modèle à choisir, ce n’est pas le problème. Aujourd’hui s’il est encore beaucoup trop cher (200/600 euros), son prix va très vite chuter en production de masse ; le papier électronique qui constitue l’écran est très peu coûteux. Le choix des meilleurs modèles va s’imposer à l’usage, encore un peu de patience mais fondamentalement la technique est résolue. L’aspect psychologique demeure le vrai frein mais on peut faire confiance aux communicants pour imposer une demande, d’abord comme objet bobo très tendance puis très utile quand on en aura saisi les avantages. Restera à l’alimenter.
Quels seront les pompistes qui toucheront le jackpot ? Ils sont déjà là depuis un moment, ceux qui sont en train d’engranger tout le fonds international de la connaissance - le rêve de Pic de la Mirandole enfin réalisé - avec en tête Google qui nous proposera, très bientôt je le parie, ses services de remplissage à domicile sans frais de livraison comme le fait Steve Jobs avec son iPod pour la musique.
Alors pourquoi tout le monde n’a-t-il pas encore son livre virtuel comme on a un smartphone ou un ordinateur portable. C’est la prochaine offensive, les prix vont chuter. Il faut laisser le temps aux opérateurs de livres virtuels de s’organiser, aux consortiums de se renforcer, pour offrir une offre crédible. Numilog dispose déjà de 60 000 titres qui n’attendent qu’un clic. De même pour Amazon. Quant au quotidien “Les Échos” il propose actuellement le contenu de son journal, version virtuelle, avec téléchargement chaque matin sur un reader et peut même en fournir un avec l’abonnement (Iliad de IRex).
Le vrai question marketing majeure qui se pose c’est que les grands éditeurs hésitent à lancer ces machines et la déferlante virtuelle qui suivra de peur de se couper le livre papier sous le pied et de voir tout un pan de l’économie qu’ils contrôlent s’écrouler. Et puis il y a les standards qui évoluent vers le multiplates-formes pour les netbooks, Mini PC, smartphone, PDA. Le livre électronique, E-Book paraît de loin les plus pratiques. On peut s’interroger aussi sur une recherche de simplicité. Devrons-nous dans le futur nous déplacer avec un ordinateur portable, un smartphone, un reader ? Sans doute irons-nous vers un appareil unique qui combinera les trois.
Quoi qu’il en soit le E-Book, le livre virtuel, est là. Sa commercialisation balbutie encore, elle ne passera sans doute pas par les libraires ; vous irez plutôt chez Darty ou Boulanger et sur Price Minister. Les ventes au Japon sont déjà importantes. Aux USA le kindle est commercialisé avec un abonnement possible à moins de $10 par mois pour un accès à près de 100000 titres sur Amazon.
ET LA CHAÎNE TRADITIONNELLE DU LIVRE DANS TOUT CA ?
Il y a bien des risques que les libraires indépendants finissent comme les disquaires et avec eux presque toute la chaîne du livre. Pour les gros ils trouveront des passerelles comme l’a fait la FNAC depuis longtemps en se diversifiant. Pour les petits le risque de disparaître est beaucoup plus grand. Car ce passage au virtuel va entraîner une vraie révolution en matière d’édition-diffusion-distribution. Toute la chaîne, depuis la forêt (qui elle sera gagnante), les bûcherons, les papetiers, les transporteurs, les éditeurs, les imprimeurs, les façonniers, les distributeurs, la Poste, jusqu’aux libraires traditionnels va s’en trouver affectée comme le furent les moines copistes et les gratteux de peaux de veau en 1500, lors de la révolution de Gutemberg. Certainement alors une catastrophe économique et un bouleversement mental pour tous les intervenants des métiers du manuscrit. Les moines s’en sont remis, les gratteux de couenne pas si sûr.
QUI SERONT LES NOUVEAUX ÉDITEURS ?
Avec la généralisation du livre électronique restera-t-il même des éditeurs ? Ceux qui aujourd’hui proposent aux écrivains sans éditeurs un espace à compte d’auteur sur un serveur internet sont-ils encore des éditeurs quand ils se contentent de « mettre dans le tuyau », souvent sans autre choix ni travail éditorial, les manuscrits financés par leurs auteurs ?
L’éditeur sera alors un spécialiste marketing pointu d’un produit écrit, un homme de com avec au-dessus des rabatteurs d’acteurs d’événements et des coaches pour orienter les écrivains dans la tendance du marché. Une petite cellule éditoriale réagira aux demandes ciblées du public dans le sens du poil et à l’actualité. Quelques secteurs nécessiteront sans doute des équipes plus solides : les livres techniques de tous ordres, la jeunesse. L’industrie de l’image sera très impliquée, pas de livre sans production cinéma, série télé ou jeu vidéo et produits dérivés dont il faudra bien alimenter les milliards d’écrans du monde.
Les nouveaux éditeurs virtuels seront soumis au marché médiatique et économique. Des auteurs « à l’ancienne », il en restera, jugeront dans bien des cas qu’ils n’auront pas besoin de se commettre avec un éditeur et passeront en direct par les distributeurs internet multicommerces, uniquement préoccupés par leur tiroir-caisse. Idem pour les comptes d’auteurs ou auto-productions qui trouveront un moyen de diffusion, déjà en place, qui ne pourra que croître. Les ventes sans doute ne suivront que dans des cas marginaux liés à une forte médiatisation. Le jugement sera sans appel ; c’est l’ordinateur qui saura si on arrête ou si on continue selon le dictat des résultats. Tout ceci ajoutera encore un flux d’écrits souvent sans intérêt ni importance dans l’abondance ou nous pataugeons déjà.
Cet accès permanent et immédiat à toute la connaissance écrite et vidéographique internationale aura pourtant de nombreux avantages car il permettra aux tenants des droits de mettre à disposition le fonds mondial du savoir et de l’imagination écrite et proposera un accès à tous à des livres qui seraient sans cela totalement oubliés ou jamais publiés. Ce souci culturel ne sera sans doute pas la préoccupation première des opérateurs commerciaux mais celui des institutionnels qui met bien en place (tel Gallica par exemple) des outils de connaissance qu’on n’aurait pas pu imaginer il y a trente ans. Les tenants des droits des auteurs célèbres trouveront là un moyen de recycler à moindres coûts et sans stock ce qu’ils ont déjà amorti depuis longtemps comme l’ont fait les producteurs de musiques, nous recyclant les mêmes produits de support en support, du 78 tours au vinyle, de la cassette au CD, du CD au MP3 et +.
LE LIVRE A LA POMPE
Peut-être les libraires tenteront-ils de réagir en proposant des bornes d’accès, des pompes où on se connectera pour télécharger des livres à péage. C’est peu probable puisque le net permettra la même chose sans sortir de chez soi.
Les photographes ont intelligemment réagi en proposant cette formule pour le tirage de photos mais là nous sommes dans un domaine qui va du virtuel - le fichier numérique - au concret - le tirage papier, d’une qualité et à un prix que l’imprimante familiale réalise laborieusement. Aujourd’hui leur initiative est menacée par les laboratoires qui récupèrent les données sur internet et renvoient les photos sur papier dans des délais et de prix très compétitifs en raison de leur volume de tirages.
Pour le livre, comme pour la musique, nous resterons dans le virtuel. L’intermédiaire physique ne sera donc pas nécessaire. Exit les libraires !
On généralisera sans doute rapidement le téléchargement des livres presque gratuitement avec des pubs qui surgiront aux moments les plus pathétiques, ciblées sur le profil du lecteur que les banques de données cernent déjà de plus en plus finement, pour l’inciter à voyager, à prendre du Viagra ou à changer de mobile.
LA COPIE GRATUITE TRIOMPHANTE
Rapidement la copie pure et simple des fichiers régnera en maître - facile, gratuite, illégale - et on engrangera d’énormes bibliothèques comme on le fait avec la musique. On lira quelques lignes et - fatigué de trop d’attention - on zappera. Le beau texte retournera dans les limbes du virtuel d’où il n’aurait sans doute pas dû sortir.
TOUTE UNE BIBLIOTHÈQUE DANS UNE CARTE COMPACTE
On ne gardera sur une carte compacte que quelques dizaines d’ouvrage “best of”, par sentimentalité, et on enverra aux amis sur le net les quelques coups de cœur incontournables. Ce sera un gain de place dans la maison, toute la bibliothèque tiendra dans une boîte d’allumettes et pour les enfants, les cartables feront place à un tout petit sac à dos avec un E-Book de 150 g entre les Kinders et une petite tablette graphique pour prendre des notes.
Ce n’est plus de la science-fiction mais un présent à gérer tout de suite. La non-maîtrise par beaucoup d’éditeurs de ces technologies inquiète. La profession n’est pas rassurée ; face à une inquiétude latente on comprend qu’on puisse faire l’autruche.
Le livre lui, quel que soit son aspect, restera de l’écrit (ou de l’écrit oralisé avec le livre audio). L’écrit comme expression de la pensée n’est pas en péril (même si souvent on peut s’interroger sur ses nouvelles formes d’écriture aléatoire qui peuvent rendre la compréhension difficile entre les générations, mais c’est une autre histoire…). Ce sont les moyens de transmission qui évoluent. Le vrai problème, me semble-t-il, dans ce foisonnement de productions, sera celui de la sélection en se méfiant de la médiatisation outrancière du produit avec pour unique finalisation l’accélération de sa vente et pas forcément la diffusion intellectuelle d’une pensée originale.
MACHINE A DÉCERVELER ?
On est déjà pris de vertige devant tout ce qui paraît aujourd’hui et qu’on pourrait, qu’on voudrait lire, et surtout toutes les infos et autres blogs qui transitent torrentiellement par internet. « Think different » dit Apple qui a raison. Nous devrons sans doute changer nos façons de penser et considérer la connaissance non comme une fin en soi à acquérir, à stocker et sur laquelle on campe comme certains profs au sortir d’une agrégation bâton de maréchal, mais comme un disque géant de ressources évolutives consommables - manipulées et/ou manipulables - dans lequel on puisera sans fin mais aussi avec réserve et contrôle. Les jeunes l’ont bien compris qui n’encombrent plus leur cerveau d’un corpus de connaissances historiques, politiques, économiques, scientifiques, littéraires superfétatoires mais se servent à la demande, toujours en flux tendu, aux sources du net, avec essais et erreurs : infos, vidéos, jeux, musiques virtuelles pour oublier, aussitôt le besoin satisfait, et zapper vers d’autres aventures.
Est-ce que la machine à décerveler d’Ubu approche ou allons-nous vers une acuité et une lucidité renforcée ? On en reparlera dans trente ans.
ESPRIT DE SYNTHÈSE ?
Et l’esprit de synthèse, la construction d’une pensée cohérente et référente, la Culture, dans tout ça ? Certains sortaient leur revolver quand ils en entendaient parler. D’autres se chargeront - se chargent déjà - de penser pour nous et sourient en évoquant un caprice des temps révolus chez les plus attardés.
Science-fiction ? Comment considérait-on il n’y a pas longtemps Orwell avec ses caméras et ses fichages de chaque citoyen lobotomisé ? C’est vrai que 1984 c’était loin, on avait le temps…
UN TOTALITARISME MASQUÉ A VISAGE MALIN
Quand la Culture aura disparu nous serons mûrs pour un totalitarisme masqué à visage malin qui tentera de procurer le minimum de pain et le maximum de jeux au bon peuple pour prévenir les embrasements. En cas de crises de lucidité, pour le calmer l’armée et la police seront là, fin prêtes. Il suffira juste de feindre de ménager un peu - sur le fil du rasoir - ceux qui sont si indispensables pour produire et consommer sans fin, et qu’en travaillant plus croisse et embellisse toujours cette belle mécanique.
STOP OU ENCORE ?
Pour les petits éditeurs, et même pour les moins petits, le virage se fait sans en avoir conscience par des groupes efficaces et puissants qui savent, sinon très bien où ils vont, du moins qu’ils y vont. Quelles solutions peuvent trouver pour s’adapter à ces nouveaux modes de lecture et à ces nouveaux marchés ceux qui n’ont que des moyens limités pour évoluer et communiquer ?
Je pense que si nous ne nous regroupons pas, l’avenir en franc-tireur sera difficile. Rester indépendant fait partie des choix éthiques de beaucoup des petites maisons qui n’ont d’ailleurs guère d’autres possibilités avec les moyens très limités dont elles disposent. Pour les modestes structures il était encore possible de produire et d’arriver à une certaine visibilité sur le marché du livre papier, de promouvoir des auteurs qui autrement ne l’auraient jamais été et de contribuer parfois à offrir des ouvrages différents avec peu d’argent, beaucoup d’énergie et souvent de passion. Que sont devenus les petits labels de disque et les disquaire ? Déjà des groupes d’édition contrôlent des plates-formes de distribution numériques pour ordinateurs et pour E-Book ; des logiciels existent sur le marché avec prélèvement par leurs fournisseurs d’une commission sur le chiffre d’affaire réalisé. Mais quelle sera la visibilité d’un petit éditeur uniquement sur la toile face à quelques grands distributeurs virtuels qui monopoliseront de fait l’écrit et surtout les accès de masses et dicteront leurs conditions à une chaîne du livre réduite à sa plus simple expression virtuelle ?
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ACTUALITÉS DES ÉDITIONS D’ORBESTIER
Les Éditions D’Orbestier ont publié fin 2008 : OPA sur le Vendée globe, d’Alain Bach, un roman psychologique à caractère policier, qui nous fait vivre le Vendée Globe et son aventure sportive mais qui est aussi un véritable western financier en pleine actualité. Dans la même collection, un roman envoûtant Maléfices en bords de Loire, de Jean-Luc Russon, déjà auteur de trois livres chez D’Orbestier ; et puis un beau livre de mémoire Bons baisers de Nantes, de Stéphane Pajot qui fait la part belle à l’envers des cartes ; une troisième édition de La Malle sanglante du Puits d’Enfer avec des faits nouveaux, réponse à la question que les lecteurs se posaient en fin de livre et que l’auteur vient de découvrir. Enfin un grand album Bénarès, au-delà de l’éternité, de Xavier Armange, avec beaucoup de photos exceptionnelles, des textes qui permettent de mieux connaître la complexité de l’Inde d’hier et d’aujourd’hui et un panorama géant en dépliant hors-texte de 1,60 m, des rives du Gange dans la ville la plus sacrée des Hindous.
Au Salon du livre de Paris, les Éditions D’Orbestier et Xavier Armange, auront un stand avec les Pays de la Loire. Elles espèrent le plaisir de vous y rencontrer à Paris, du 13 au 18 mars, porte de Versailles.
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