« Science » économique et recettes de cuisine éditoriale
Propulsée sur le devant de la scène par la crise profonde et durable que nous traversons, la « science » économique offre une magnifique tribune aux experts autoproclamés, qui abusent de sa faiblesse de science « molle ».
Pour écrire un article, la recette est simple : vous vous emparez d’une mauvaise nouvelle (cela ne manque pas par les temps qui courent) ; vous la commentez avec les idées à la mode et les mots clés du moment ; c’est prêt, vous pouvez servir.
Pour illustrer cela, nous avons retenu un article du mensuel L’Expansion (« Le magazine qui donne du sens à l’économie », mai 2013, page 25), pour la seule raison que cet article est emblématique du procédé.
Danièle Licata nous y explique pourquoi « L’Amérique distance l’Europe », qui est « engluée dans la récession » (pouahh … c’est la mauvaise nouvelle),
La première raison serait que la BCE « hésite encore à mettre des dettes publiques et des actifs en grande quantité dans son bilan ». Voila qui va faire bondir Mario Draghi, qui a annoncé urbi et orbi le contraire. Ce ne sont pas les liquidités qui manquent en Europe. Ce sont les banques, y compris la BEI (Banque européenne d’investissement), qui rechignent ou tardent à financer la trésorerie ou les projets des entreprises.
Des « effets de richesse plus puissants » résulteraient de la stratégie monétaire des USA. Pourquoi ? Comment ? De quels « effets de richesse » nous parle-t-on ? En quoi un « effet de richesse » (les riches s’enrichissent et les pauvres s’appauvrissent ?) favoriserait-il la reprise économique alors que, comme l’ont rappelé - entre autres - l’OCDE et l'OIT, le développement des inégalités est un facteur récessif ? Donnez 1.000 € à un miséreux : il ne va pas les épargner. Donnez les à un nanti : il les mettra dans un tiroir.
Un enchaînement de causes et effets nous est ensuite proposé, sur un rythme soutenu. Le point de départ serait que « la flexibilité du marché du travail » est plus grande aux USA (exact, c’est du genre « merci d’être venu ce matin, mais vous êtes viré »). « Du coup, la productivité du travail retrouve sa tendance d’avant la crise, et avec elle la profitabilité des entreprises. » De là à en déduire qu’il suffirait de licencier sans préavis ni indemnités les surnuméraires qui peupleraient nos entreprises pour que celles-ci redeviennent florissantes, il n’y a qu’un pas … C’est malheureusement un peu plus compliqué, notamment parce qu’un chômeur dans la misère a peu de chance de soutenir la consommation.
Il y a aussi « la baisse de certains coûts de production, notamment énergétiques, grâce à l’explosion du gaz de schiste » (on appréciera au passage cette « explosion du gaz », souhaitons que ce ne soit pas prémonitoire). Il y a là « un net avantage pour les industries très consommatrices d’énergie ». En voila une bonne nouvelle … pour la planète …
Il se trouve que Danièle Licata est aussi l’auteure du blog « solid’Eco » (http://blogs.lexpansion.com/solid-eco/about/ « comment la solidarité crée de la croissance »), qu’elle présente comme suit : « nous avons uni nos forces, nos réflexions, nos impressions, nos sentiments (c’est tout cela l’économie solidaire) et petit à petit le projet a pris forme pour devenir aujourd’hui une réalité avec la certitude commune que la société de demain va se faire, dans les pays développés, sur une économie plus solidaire et responsable. » Fort bien mais, sur ce terrain, l'Amérique distance aussi l'Europe ?
Sur les inégalités de revenus et leurs effets :
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