Smic, salaire minimum et chômage : l’arbre qui cache la forêt…
Salaire minimum et rentabilité
Le SMIC (net perçu par le salarié) permettra d’assurer la reproduction des forces naturelles du travailleur et de sa famille. (Nourriture, logement, Electricité et gaz…) C’est la définition des économistes classiques du salaire minimum dit « naturel » donnée par David Ricardo ( 1772-1811, économiste anglais).
Selon Karl Marx (1808-1883, philosophe allemand), elle permet non seulement d’assurer la reproduction des forces naturelles mais aussi à satisfaire ses besoins sociaux, (santé, éducation, loisirs…). Le salaire minimum doit permettre au travailleur et à sa famille de se développer et s’épanouir.
Le salaire minimum est une question de rentabilité. Il doit permettre a minima de recouvrir les forces louées à l’employeur. Dans le règne animal, un prédateur ne s’épuisera pas inutilement à courir des heures après sa proie. Les calories fournies par la proie ne recouvreraient pas celles dépensées.
Néanmoins, il existe Deux SMICs, celui perçu par le salarié, celui payé par l’employeur nettement supérieur.
Le SMIC (Brut patronal), est critiqué, avec assez de légitimité, pour être trop élevé concernant des emplois non-qualifiés. En terme clair, ça ne serait pas rentable pour un employeur de créer un tel emploi. Pour rappel, l’intérêt primaire de toute entreprise privée ou publique, à but ou non lucratif est d’enregistrer plus de profits que d’assumer de charges. Faire des bénéfices est nécessaire à la poursuite de son activité.
Selon John R. Hicks (1904-1989, Prix nobel d’économie britannique), le salaire devrait être fixé par la convention collective négociée par les partenaires sociaux (représentants syndicaux et représentants de la direction de l’entreprise).
Ricardo, Marx, Hicks… le salaire minimum est chronologiquement naturel, légitime, conventionnel, jusqu’à être légal avec la création du SMIG en 1950 (gouvernement Georges Bidault), remplacé par le SMIC en 1970 (gouvernement Jacques Chaban-Delmas).
Le SMIC sert un intérêt avant tout social car il est assez objectivement un obstacle économique à l’employabilité des non-qualifiés. En sus de son « coût patronal » évoqué plus haut, le principal argument légitime libéral est le principe de liberté contractuelle : le salaire devrait se négocier librement entre l’employé et l’employeur. Travailleur et patron s’entendraient sur un salaire « optimum » sans que personne (Etat, syndicat) n’ait rien à y dire.
Seulement cette idée belle et claire comme un cristal se brise contre le mur de brique de la réalité. Il y a deux SMICs. S’agissant d’un emploi non qualifié, il sera difficile pour un employeur et un employé de s’entendre sur un salaire rentable. Si on laissait faire, selon la théorie de l’offre et la demande, vu le nombre de demandeurs d’emplois, les conséquences sur le chômage seraient certes encourageantes mais au regard de la précarité et du salaire, on pourrait aussi bien imaginer le pire que le meilleur.
Supprimer le SMIC pour traiter le chômage : Trois scénarios
Le scénario vertueux et idéal : les entreprises produisant à plus faible coût pourraient vendre leurs biens ou services moins cher afin de satisfaire une nouvelle classe de consommateur « les travailleurs pauvres ». Cette baisse des prix profiterait donc à ces plus démunis. Une baisse de salaire ? Oui mais avec une baisse du coût de la vie à terme. D’ailleurs les richesses produites, seraient redistribués selon un modèle de justice sociale (redistribution proportionnelle aux revenus), aux entrepreneurs et actionnaires et à leurs salariés. L’investissement bien entendu ne serait pas en laisse. L’Etat profite bien entendu de cette croissance et régression structurelle du chômage. En entamant d’autres réformes, retraite, éducation, santé, fiscalité… pérennise ce cercle économique vertueux.
John Rawls (1921-2002), philosophe politique américain est l’auteur de la « Théorie de la Justice » (1971). L’idée fondamentale de son œuvre maitresse est d’articuler rationnellement Liberté individuelle et solidarité sociale. Selon le philosophe, L’Homo Oeconomicus agit aussi bien pour son intérêt personnel que collectif. Même si les inégalités persistent (et sont bénéfiques dans le schéma libéral), le progrès et la croissance sont partagés par tous. La justice sociale se substitue à l’égalitarisme et corrige les dérives négatives du Capitalisme.
Le scénario raisonnable et pragmatique : Moins de chômage ne signifierait pas moins de pauvreté. Les richesses produites seront inéquitablement (d’un point de vue social) redistribuées par les entreprises. Les baisses de charges de personnel auraient un impact positif sur les résultats comptables des entreprises. Cette manne, après impôts sur les sociétés, servira à l’investissement, la réduction des dettes, la consolidation de l’actif de l’entreprise, le versement de dividendes…. Au bas de la liste : les salaires qui n’évolueraient pas ou trop peu. Supprimer le SMIC reviendrait plutôt à partager une masse salariale (en quantité monétaire) inchangé entre de nouveaux emplois non qualifiés et les emplois existants. Les salaires les plus faibles (en dessous de l’ex-smic) auront alors à compter sur l’Etat-Providence.
Nicolas Nielsen (auteur du blog switchie5) : « Ce que François Hollande n’a toujours pas vraiment compris, c’est que les entreprises n’embauchent pas parce qu’elles attendent que l’État leur donne un petit su-sucre d’aide[….]Elles n’embauchent pas pour faire plaisir à un Président qui veut infléchir les courbes du chômage ou remonter dans les sondages. Les entreprises embauchent quand elles voient qu’un marché s’ouvre, qu’il y a des perspectives de croissance, et que ça va leur permettre de se développer, de vendre davantage et de distribuer plus de richesse à leurs salariés[…]Quand elles ont une visibilité à moyen terme sur la fiscalité qui leur tombera dessus. » http://www.contrepoints.org/2014/01/03/152105-emploi-et-charges-la-logique-economique-a-rebours-de-lenarchie
Le scénario catastrophe : cela ne créerait pas tant d’emplois que prévu et ne servirait qu’à augmenter la marge bénéficiaires des entreprises, essentiellement des Firmes Multi-Nationales. La Richesse produite ne serait pas redistribuée selon un modèle de justice sociale, mais concentrée dans les mains des propriétaires des entreprises. Les salariés dans l’ensemble, essentiellement les moins bien payés, ne verraient pas leurs revenus augmentés.
Russel Jacoby (critique américain, 1945) : « Le néoconservateur vénère le marché tout en maudissant la culture qu’il engendre ».
Le Capitalisme par les néoconservateurs : Empêcher l’Etat non seulement d’intervenir mais aussi de réguler par la loi toute l’économie. Laisser le Marché s’autoréguler, la richesse se redistribuera le plus naturellement du monde. Les Riches seront plus riches, et les pauvres seront plus pauvres.
Contourner le problème
Supprimer le salaire minimum serait la dernière chose à faire. Malgré qu’elle soit un frein à l’emploi non-qualifié, elle est une garantie et une base de négociation salariale pour les emplois d’exécutants qualifiés. Ses bénéfices compensent son principal défaut. Alors si on ne peut supprimer le problème, contournons-le.
Il y a de plusieurs et importantes alternatives à la suppression du « salaire minimum ». Elles ont été suffisamment médiatisées, portées à la connaissance du public. Etrangement ? Elles n’aboutissent pas. Les blocages viennent parfois de l’appareil politique, parfois d’une mauvaise presse de l’opinion publique.
Fiscalité : trop contraignante, trop compliquée. L’ « optimisation fiscale » (qui n’est pas un délit) ne profite qu’aux plus grosses entreprises (en matière de capital) ayant les moyens de recourir à des conseillers spécialistes.
Code du Travail : Je suis loin d’être spécialiste, mais ne pourrait-il pas être revu, corrigé et mise à jour par des juristes et les partenaires sociaux, en parité bien entendu ?
Administration : Le choc de simplification tant attendu n’aurait pas d’impact économique direct mais aiderait tous les acteurs du système à se concentrer sur l’essentiel de leurs activités.
Flexicurité : ce très beau néologisme, issu de la contraction de flexibilité et sécurité, recommande plus de flexibilité en temps et mobilité de travail parallèlement avec la mise en place de « filets de sécurité » et des « parachutes » pour les salariés en cas de ralentissement ou cessation de l’activité de l’entreprise.
Charges salariales et patronales : réformons ce qu’elles financent ! Retraite, Apprentissage, Formation Professionnelle, Sécurité Sociale, Assurance Chômage…et réduisons les !
Formation Professionnelle : les moyens financiers concentrés par les syndicats (salariés et patronaux) doivent être utilisé à cette seule fin et ce efficacement, autant aux détenteurs qu’aux demandeurs d’un emploi.
…. à continuer…. Les idées ne manquent pas. Rien que chacune de ces suggestions mériteraient d’être longuement développées, argumentées et débattues le plus ouvertement possible.
Le SMIC est un arbre qui focalise pour beaucoup l’attention, cachant une grande forêt malade.
Pour les plus malveillants, abattre le SMIC, c’est pouvoir abattre plus facilement tout le système de protection sociale de nos concitoyens et pourquoi pas tout un système de loi. Ces malveillants ne servent que leurs intérêts cupides, égoïstes et égocentriques.
Les (vrais) libéraux ont des positions plus variées et mitigées qu’on ne pourrait le penser sur le principe d’un salaire minimum. Essentiellement c’est le SMIC payé par les employeurs qui est d’abord critiqué et derrière cela de trop nombreuses contre-mesures à l’économie libérale adopté par l’Etat. En substitution d’un revenu minimum, il est défendu le principe d’une allocation universelle. Je vous renvoie à l’article de Wikibéral : http://www.wikiberal.org/wiki/Allocation_universelle
Chez les socialistes, on a pour position louable que le maximum doit être fait pour les travailleurs et ceux en demande d’un travail sans se soucier de ceux qui créent ce travail. Seulement en intervenant contre ceux qui créent l’emploi, ils ne servent pas à l’essentiel les intérêts de ceux qu’ils représentent.
Le revenu minimum est un principe de base que je défends. Il est un « arbre de liberté », plus que d’égalité à mes yeux Mais cet arbre cache une grande forêt malade et plutôt que de la raser, il nous faudrait en urgence la soigner. Même s’il détourne une partie de nos ressources, ce serait fragiliser tout un éco-système que d’en faire des bûches ou des rouleaux de papier hygiénique.
Pour ceux, Socialistes ou Libéraux, qui veulent réellement améliorer cette société, notre République, il nous faudra nous détourner de ce leurre du « combien il touche lui par mois ? ». Il ne devrait plus être question pour le Socialiste de détester machinalement les riches mais de promouvoir la solidarité et la justice envers les plus défavorisés. Le Libéral devrait cesser de critiquer de manière si robotique chaque intervention de l’Etat et qu’il juge consciencieusement le véritable intérêt public des actions qu’il mène. Et le salaire minimum est une action d’intérêt public.
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