Taxe sur les banques et sur la finance : punitive, préventive ou redistributive ?
La finance et les banques sont à l’origine de la crise, même s’il ne faut pas généraliser (certaines banques, américaines, dans un environnement non régulé, qui ont contaminé le reste du monde ...). Elles ont été aidées par les Etats et même si elles ont remboursé les prêts, payé le coût des garanties octroyées, elles renouent avec les bénéfices (9 milliards en 2009 pour les banques française) et les bonus des traders comme des dirigeants (1 milliard au titre de 2009). Chaque semaine l’actualité dénonce aussi le comportement des banques, un jour l’opacité des frais bancaires au dépens des clients, un autre une condamnation pour entente illicite sur la répercussion d’un coût de traitement des chèques, ...
Cela paraît injuste, voire immoral. Pour l’opinion, les coupables doivent payer. Une solution à tout cela : taxer les banques ! Mais de quoi parle-t-on ?
Christine Lagarde vient d’annoncer une nouvelle taxe sur les banques française, inscrite au budget 2011, assise sur les actifs risqués (mais sans en préciser encore lesquels, quelle assiette et quel taux), devant rapporter annuellement entre 500 millions (en 2011) et un milliard d’euros (mais déductible de l’impôt sur les sociétés ... a-t-on déduit du chiffre annoncé ce manque à gagner fiscal ?). Par ailleurs, lundi dernier, Nicolas Sarkozy, intervenant à la tribune du sommet des Nations Unies sur les Objectifs du millénaire pour le développement, a appelé la communauté internationale à approuver rapidement le principe d’une taxe sur les transactions financières, qui pourrait être une nouvelle source de financement pour aider les pays pauvres, notamment en matière de lutte contre le changement climatique.
Pour juger de la pertinence d’une taxe, il faut d’abord distinguer les objectifs auxquels elle doit répondre :
1- dissuader la pratique de certaines activités en baissant leur rendement,
2- servir de prime d’assurance, une cotisation alimentant un fonds de sécurisation, par exemple pour sauver des banques atteintes par l’éclatement d’une bulle spéculative ou les effets d’un risque systémique,
3- opérer une redistribution des revenus entre le secteur bancaire et le reste de l’économie, si on se rend compte que le secteur bancaire accapare trop de valeur ajoutée au détriment des autres secteurs.
Un objectif peut être de décourager voire interdire les activités spéculatives, en surtaxant ces activités ainsi que les bonus des traders. Mais il faut alors dans les activités de marchés séparer le profit clientèle (sans risque de marché) de l’activité de pur trading qui elle doit être l’objet de la surtaxe. De plus, une taxe sur les transactions financières de type taxe Tobin peut aussi être un "grain de sable" décourageant la spéculation basée sur les volumes en même temps qu’offrir une source de revenu, soit pour financer le renforcement du dispositif de régulation financière et bancaire, soit tombant dans le budget de l’Etat ou affectée aux pays pauvres pourquoi pas.
On peut aussi envisager une taxe de nature "assurance" alimentant un fonds de sécurisation permettant d’intervenir pour sauver des banques victimes d’une crise, sous certaines conditions de responsabilité, évitant de s’appuyer sur les Etats donc les contribuables. Mais le terme de taxe n’est pas très approprié car affecté à une assurance.
Une surtaxe sur le profit global des banques sans discernement, ou sur le bilan des banques (ce qui paraît être le choix de Chritine Lagarde, sur les actifs dits "risqués", peut avoir pour effet de répercuter cette taxe sur les prix à la clientèle (taux des crédits), ce qui revient à la faire payer par les clients. Il serait plus judicieux de surtaxer les profits bancaires issus d’activités spéculatives (donc risquées), comme le trading sur les marchés (y compris sur matières premières), en les distinguant des opérations de marché pour compte de clientèle (ce qui est possible, peut être normé) ou les investissements risqués pour compte propre.
Une mauvaise décision concernant le type de taxe peut jouer un rôle dévastateur en réduisant les financements à l’économie, en empêchant les banques de prendre des risques au service des clients ou en les incitant à renchérir le coût du crédit, donc peut aggraver la crise sans pour autant s’attaquer au vrai problème de la spéculation financière.
On peut aussi s’interroger sur les enjeux en termes de chiffres. La taxe dont parle Christine Lagarde, destinée à montrer que le gouvernement s’attaque aux banques et en même temps à trouver une nouvelle contribution au budget de l’Etat, correspond à la moitié du total des bonus payés par les banques françaises aux traders en 2009 ou encore à ceux payés par BNP Paribas. Et encore, il faudrait déduire la réduction d’impôt sur les sociétés induite par la déductibilité de cette nouvelle taxe (si le chiffre annoncé ne l’a pas fait). A relativiser aussi comparé aux 9 milliards de profits réalisés en 2009. Sachant que ces profits ont été réalisés après "optimisation fiscale" pour les groupes bancaires français multinationaux ...
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