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Accueil du site > Actualités > Economie > Une analyse de la politique actuellement menée à l’aune des outils (...)

Une analyse de la politique actuellement menée à l’aune des outils scientifiques de mesure de la qualité ?

Depuis l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy, il n’a jamais été produit autant de textes législatifs en France. C’est ce qu’a souligné de dernier rapport du Sénat sur l’application des lois, en notant que cela ne permettait certainement pas d’améliorer la qualité de la réglementation française déjà source de nombre de nos malheurs. On peut citer, dans le désordre : justice surchargée, citoyens désemparés, fonctionnaires ignorants les textes qu’ils sont censés mettre en pratique... Mais si cette logorrhée législative ne se traduisait que par un certain cafouillage généralisé, cela serait finalement un moindre mal. Malheureusement, il n’en est rien. En effet, non seulement, cette désorganisation réglementaire participe grandement à la détérioration des comptes publics, mais plus grave, et fait nouveau, elle génère de façon massive l’inversion des flux d’investissements financiers à destination de notre pays. Ainsi, ce solde qui était, jusqu’à l’arrivée au pouvoir du gouvernement actuel, très largement positif, ne cesse depuis de se dégrader. Un projet qui détériore une situation plutôt que de l’améliorer doit être arrêté et repensé. C’est une règle de bonne gestion que tout entrepreneur connaît. Nicolas Sarkozy semble être sourd à cette idée. Peut-être ne connaît-il pas les règles de gestion de projet ? Il est alors temps qu’il s’informe et les apprenne avant de mener le pays à la faillite. En effet, tout entrepreneur vous le dira : « persévérer dans un projet mal conçu, c’est à terme détruire l’outil de production »... Est-ce vraiment notre souhait ? Les caisses, alors, seront vraiment vides... et nous n’aurons plus les moyens de la réforme. Dommage...

Brouillons, pointillistes, adeptes de mini-réformes, opportunistes... On a à peu près tout dit au sujet de Nicolas Sarkozy et de ses équipes. Pourtant, ceux-ci font preuve d’une bonne volonté déconcertante dans leur usage du terme réforme si ce n’est dans une certaine tentative de mise en pratique. Malheureusement, l’ensemble étant mal préparé, il est assez simple, sans être devin, de prévoir que les résultats ne seront très certainement pas à la hauteur des coûts engagés. Ainsi, une étude des méthodologies employées au travers du prisme des principes qualitatifs de la conduite du changement - ce que l’on appelle le DMAIC/DMAV[1]- permet de constater assez clairement que le chemin emprunté n’est simplement pas le bon[2].

La réforme n’est pas un programme, c’est un projet qui se prépare[3]. Avant d’agir, il est important de définir, connaître ses objectifs, les moyens que l’on va mobiliser pour y parvenir, les outils de mesures statistiques qui permettront de vérifier non seulement le bon déroulement du projet, mais aussi la réalisation des objectifs fixés. Bref, avant d’avancer et de réformer, on prépare et on planifie.

Or, si l’on regarde l’attitude de l’hyperprésident ces derniers mois, loin de toute programmation, celui-ci est parti à l’assaut de sujets en fonction de leur arrivée à l’ordre du jour, au gré de ses déplacements divers ou de ses fixations caractérielles. Ni analyse ni programmation ici, mais un traitement de courte vue pour des coûts exorbitants[4].

Aussi, si l’on prend l’exemple du sujet qui a défrayé récemment la chronique : le problème de la récidive de personnes réputées dangereuses. Il existe déjà - à ce sujet - dans notre droit - et notamment dans le Code de la santé publique[5] - une importante quantité de textes disponibles. La loi Dati n’était de ce fait pas - d’un point de vue strictement institutionnel - utile, et il en va de ce fait, de même, de la polémique constitutionnelle qu’elle a suscitée : on ne réforme pas la Constitution pour 32 personnes, on regarde d’abord ce qui existe déjà pour éviter que ceux-ci ne récidivent, et c’est très certainement ce que l’excellent président Lamanda[6] va rappeler à l’élève Sarkozy... Révisez donc votre droit, Nicolas !

En effet, si on lit bien les textes existants, il apparaît qu’il est de la responsabilité de l’Etat, sur simple présomption (la notoriété publique), de mettre ces individus dangereux[7] hors d’état de nuire. Et l’Etat, en la personne du préfet, a - et a toujours eu - pouvoir pour agir.

C’est-à-dire qu’un personnage ayant un passé criminel fondé sur des troubles du comportement peut à tout instant sur simple demande administrative, être enfermé, ne serait-ce que s’il ne se conforme pas à son obligation de traitement.

Alors, pourquoi l’Etat ne fait-il pas usage de ce droit ? Et pourquoi s’acharne-t-il à créer du droit supplémentaire, en déstabilisant l’existant, plutôt que d’exploiter les outils dont il dispose déjà ?

Le gouvernement actuel est-il impuissant à démontrer sa capacité à agir autrement que par une cacophonie réglementaire ? Il semble que la réponse soit oui.

Malheureusement, ce qu’il convient bien d’appeler le « bruit réglementaire » a un coût non négligeable pour la collectivité qui vient sans aucun doute grever un budget public déjà mal en point. Le coût d’un seul texte inutile peut être estimé à environ 1,2 million d’euros[8]. Et lorsque l’on additionne l’ensemble des textes votés ces derniers mois alors qu’une simple lecture - et mise en application - de l’existant aurait pu répondre au problème posé, le montant se compte en dizaine de millions.

Voilà une facture bien lourde qui aurait pu être évitée. Ainsi, un bon chef de projet aurait imposé, préalablement à toute nouvelle action, une analyse de l’existant et des possibilités offertes par celui-ci, ce afin de concentrer son action sur les réformes réellement nécessaires, et éviter ainsi non seulement de générer une polémique inutile, mais aussi d’user ses forces dans une action inféconde : un bon chef de projet aurait fait appel au président Lamanda avant le vote de la Loi et le passage devant le Conseil constitutionnel, et non après coup.

Il y a pourtant là une piste pour l’amélioration des comptes publics... Non dépenser moins, mais dépenser mieux... en ne votant pas, par exemple, des textes aussi onéreux que vains !

Il paraît cependant impossible d’imaginer que le dirigeant actuel de la France ne sait pas qu’il fait fausse route. Pourquoi persiste-t-il alors ? Son ego ne lui permet pas d’avouer qu’il s’est trompé diront certains ! Un dirigeant ne se dédit pas, diront d’autres ! Chacun est libre de son analyse.

En revanche, il est certain que les dirigeants sont comptables de leur action devant leurs citoyens, et la persévérance dans l’erreur du gouvernement a aujourd’hui des conséquences plus lourdes et moins visibles qu’une simple proportion à faire « bavarder le droit » selon les termes de Françoise Chandernagor[9].

Ainsi, l’acharnement à légiférer qui ne fait que détériorer la qualité de nos normes, accroître l’instabilité juridique dans notre pays[10] a pour effet concomitant de faire fuir les investisseurs, ce qui n’est pas sans effet sur l’emploi...

Il est ainsi risible de noter que ce ne sont pas les chiffres de 2008 qui viennent d’être présentés avec fracas aux Français, mais ceux de 2007 : le rapport du ministère du Travail indiquant un retour à la hausse du chômage pour le mois de janvier 2008 a certes fait l’objet d’une communication, mais préalable, et beaucoup moins importante que des chiffres qui n’ont plus aucun sens aujourd’hui[11]. L’équipe dirigeante sait, mais au regard de la période électorale, refuse d’avouer son impuissance. La communication cherche à masquer la réalité. Mais nul ne peut masquer le manque d’argent sur les comptes en banque en fin de mois, le manque de nourriture dans les assiettes, les expulsions qui reprennent avec le printemps, les personnes à la rue, les lettres de licenciements reçues et les désinvestissements massifs.

Car depuis exactement l’automne 2007, la Banque de France a remarqué que les investisseurs étrangers se désengageaient massivement, inversant une orientation positive de plus de treize ans et mettant ainsi à mal des années d’efforts et de progrès continus dans le domaine. Dans l’actualité, cela s’est vu par les annonces de fermetures d’usines (Mittal, Ford...), vite masquées par quelques tirades aussi creuses que fracassantes (où vont être trouvés les moyens pour financer la modernisation de l’usine Mittal de Moselle si les caisses sont vides ?). Mais plus grave, des entreprises qui auraient pu trouver des "financeurs" sont aujourd’hui privées d’un milliard d’euros de ressources par rapport à 2006[12]. Alors que l’Europe ne subit pas de « Credit Crunch[13] », il semble bien que la France[14] soit en passe d’en vivre un. Mais on peut comprendre les investisseurs en question : seriez-vous heureux si, au milieu d’un match de football, l’arbitre venait vous annoncer un changement de règles ?

« Un projet dont le chef se refuse à constater les déviations est un mauvais chef de projet », nous dit Thomas Pyzdek, « il doit être remplacé rapidement au risque de faire échouer le travail dont il est en charge »... peut-être est-il temps car, vu avec un peu de recul, ce projet si mal mené ne rend pas justice à la France et aux Français...

Il vient alors à l’esprit cette merveilleuse phrase de Pasternak prononcée par Jivago lorsqu’il découvre - encore jeune étudiant en médecine - la misère qui côtoie dans le Russie du début du XXe siècle, la plus ostentatoire des richesses : « Le peuple n’a pas assez faim... mais l’orage gronde, ce n’est pour l’instant qu’un murmure, mais qu’il se lève et il emportera notre monde dans la tourmente ».

Il reste à espérer que les garde-fous démocratiques de la Ve République sauront jouer pour que l’orage s’éloigne et finisse par s’éteindre.



[3] Thomas Pyzdek - un des meilleurs auteurs sur le six sigma... http://www.qualitydigest.com/aug99/html/body_sixsig.html

[4] Est-il utile de rappeler, création de 7 nouvelles taxes (pêcheurs, augmentation de la taxation sur les plus-values, etc.), contreparties importances concédées en échange de l’acceptation de la réforme des retraites... dont la mise en œuvre ne se fera ressentir que lors de la prochaine législature... http://www.senat.fr/rap/l06-078-322/l06-078-3222.html

[5] Il s’agit des articles L.3213-1 et suivants du Code de la santé publique dont les termes sont : « En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d’en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l’Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’hospitalisation d’office dans les formes prévues à l’article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l’Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d’une durée de quarante-huit heures. »

[7] Pourtant, toute récidive est précédée de symptômes connus et étudiés depuis plus de dix ans (Récidive et récidivistes : de la Renaissance au XXe siècle. Colloque annuel International Association for the History of Crime and Criminal Justice Genève, 6-8 juin 2002 - Université de Genève). Ces symptômes sont d’une part de nature environnementale - issus du passé du criminel - d’autre part de nature comportementale - dans l’attitude du criminel une fois sa peine passée. Dès la première alerte, par exemple une non-présentation à une séance de soin, des procédures pourraient être proposées sans qu’il soit pour autant nécessaire de mettre à mal notre édifice juridique(http://www.sexoffender.com/recidivism_sexoffenders.html).

Ainsi, à l’image « d’Alerte Enlèvement », une procédure d’appel à témoins avec photographie pourrait être mise en place dès qu’un ancien délinquant sexuel ferait défaut et, par exemple, ne se présenterait pas à ses soins. En vertu des textes existants, le délinquant « en puissance » pourrait faire l’objet d’une alerte auprès des services de police et d’un arrêté d’internement. Un homme recherché est moins libre de ses mouvements qu’un homme anonyme (le tout serait de rendre l’information éphémère, de ne la mettre en œuvre qu’en cas de disparition de l’ancien détenu, de façon à ne pas porter atteinte aux possibilités de réinsertion de ceux qui suivent leur traitement... et afin d’éviter l’arbitraire des « lois Megan » américaines http://www.sexoffender.com/state.html) .

[8] Le coût du texte de loi, qui mériterait d’être affiné, a été estimé à partir des informations fournies quant aux coûts des députés, sénateurs et fonctionnement des institutions concernées. A été exclu des calculs, car les informations ne sont pas disponibles, le coût induit par la mobilisation des fonctionnaires du ministère de la justice... De plus l’addition continue à croître, avec la mobilisation des plus hautes autorités judiciaires de notre pays. http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/indemnite.asp http://www.senat.fr/role/statut.html Enfin, le temps passé a été évalué en fonction d’une part de la durée des débats tels que décrits dans l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et des différents aspects de la procédure législative http://www.assemblee-nationale.fr/connaissance/collection/5.asp

[9]« Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite » Le rapport public du Conseil d’Etat 1991 est disponible auprès de la documentation française http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports/index.shtml

[12] http://www.banque-france.fr/fr/stat_conjoncture/telechar/publi/bdp.pdf p2 : « (...) les opérations en capital social se soldant, quant à elles, par un désinvestissement net d’1 milliard ».


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8 réactions à cet article    


  • Céphale Céphale 11 mars 2008 14:36

    Oui, la politique de Sarkozy mène droit à l’échec, parce que sa méthode de management est fondamentalement mauvaise. Grand admirateur des Etats-Unis, il utilise la méthode qui a provoqué le déclin de Ford et de General Motors. C’est le management par le résultat.

     

    Jusqu’en 1939, la méthode universelle était le taylorisme. Elle distinguait trois étapes indépendantes : spécification, production et contrôle. (À l’époque, Henri Fayol, le chantre des maîtres de forges, disait la même chose). Walter Shewhart, le fondateur du management moderne, a provoqué une révolution dans le management en montrant que pour faire avancer un projet avec succès, ces trois étapes doivent s’enchaîner circulairement, l’étude de la production et les résultats du contrôle réagissant en permanence sur les spécifications. Importée au Japon en 1950, avec les outils statistiques que vous mentionnez, cette méthode a fait le succès de l’industrie japonaise.

     

    La "culture des résultats" est une survivance du taylorisme. Myron Tribus, quand il était directeur au MIT, disait que c’est comme conduire une voiture avec les yeux braqués sur le rétroviseur.

     

    Le nouveau paradigme est la "culture des processus". Mais Sarkozy et ses sbires n’en ont que faire, car « ils savent tout sans avoir jamais rien appris  » (Molière).

     


    • aye 11 mars 2008 20:37

      ça fait beaucoup de bien de lire des lignes que l’on aurait voulu écrire.

      merci mille fois.


      • FrihD FrihD 11 mars 2008 22:58

        Merci pour l’article en tout cas, la lecture était tellement raffraîchissante que ça m’en à inspiré cette image :

        La politique ça me fait penser à un vieux tuyau d’arrosage percé d’un peu partout. Le politicien essaye de boucher les fuites, mais dès qu’il en trouve une, ça en créée une autre ailleurs. Ils ne veulent pas comprendre qu’il faut couper l’eau un temps et changer le tuyau. Et dans l’histoire, vous l’aurez compris, l’eau c’est le denier public.


        • Niamastrachno Niamastrachno 12 mars 2008 11:44

          Demander à un expert en communication politique de faire de la gestion financière, c’est un bel oxymore...

          Merci pour cet article rudement bien rédigé.


          • Emile Red Emile Red 12 mars 2008 12:15

            Article tout en finesse, le contraire de ce qu’il dénonce et de ceux qu’il dénonce.

            Il y a des moments où on se demande ce qui pousse les politiques à "l’ouvrir avant de la fermer".

            Merci à l’auteur qui devrait faire un copié-collé et spamer l’ensemble des députés et sénateurs avec cet article civique et sensé.


            • Niamastrachno Niamastrachno 12 mars 2008 12:46

              Vous auriez aussi pu parler des entreprises du CAC 40 dont le bénéfice n’a jamais été aussi élevé (99 millards, +3% vs 2006), dont une : arcelor-mittar dont on connait l’actualité délocalistrice - et les promesses présidentielles de conservation de l’activité du site... sur les deniers de l’état... qui ne resteront de fait que des promesses (et quand bien même on peut s’interroger sur la viabilité financière d’une telle démarche).

              Les quelques dizaines de millions dépensées pour les textes votés à la volée sous le prétexte de réforme ne sont rien comparés à la contreproductivité qu’ils imposent qui elle se chiffre maintenant en milliards, et je ne parle pas du paquet fiscal...

              Aussi est-il utile de rappeler que c’est juste derrière les élections présidentielles que le gros des textes les plus onéreux sont tombés, suscitant la surprise et la perplexité des économistes européens, il aura fallu les municipales pour faire baisser légèrement la pression sur les députés - de la majorité - dont on sait aujourd’hui que l’hyperactivité imposée par la présidence ne leur a pas permis de légiférer en toutes connaissances de cause. Est-ce à dire que la tourmente politico-organisationnelle déficitaire est pour l’après municipales ?


              • Céphale Céphale 12 mars 2008 14:32

                Dommage que cet article soit passé à la trappe au bout de 24 heures. Vu la qualité moyenne des articles sur AgoraVox, il méritait mieux !


                • Bobby Bobby 13 mars 2008 09:35

                  Bonjour,

                   

                  On aimerait lire plus souvent des articles de cette qualité !

                   

                  bien cordialement.

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