Vente des participations de l’Etat : une idée éculée et dérisoire
Papier passé en avant-première sur le site du JDD
C’est le dernier recyclage de cette macronie incapable de trouver la moindre nouvelle idée : vendre une partie des participations de ll’Etat (Orange, Renault, Airbus…). Alors que l’on cherche des milliards, cela peut sembler une bonne idée. Mais cela pose de nombreuses questions au moment où Sanofi vend Doliprane, et alors que les montants en jeu sont assez dérisoires.
Le retour vers le futur de la vente des bijoux de famille
Ce ne serait pas la première fois que l’on réaliserait des privatisations pour gagner des liquidités. C’est une idée utilisée par Lionel Jospin il y a plus d’un quart de siècle, emboîtant le pas aux privatisations lancées par Thatcher il y a plus de 40 ans. Il est le champion des ventes… C’est un moyen de gonfler la trésorerie de l’Etat tout en en réduisant le périmètre. Mais alors que les participations de l’État représentent 180 milliards et que les députés macronistes évoquent l’idée d’en céder 10%, cela semble assez dérisoire face à une dette publique de 3200 milliards. Ne s’agit-il pas d’un artifice comptable temporaire, et finalement limité, par rapport à l’ampleur des enjeux des comptes publics aujourd’hui ?
En outre, il faut tout de même rappeler que cela revient à réduire l’actif de la maison France pour combler un trou de dépenses courantes, une pratique que l’on ne peut pas vraiment qualifier de saine financièrement. Ce n’est pas pour réduire la dette que le gouvernement vendrait ses parts, tant l’impact serait dérisoire, mais pour créer une recette exceptionnelle qui améliorerait temporairement, et de manière limitée, la situation de notre budget. Qui plus est, ce genre de recettes exceptionnelles a un caractère addictif puisque dans une situation difficile, on peut imaginer que l’exécutif serait tenté de répliquer cette idée d’année en année pour ne pas se priver de cette recette venue du ciel. Car l’année suivante, ne pas vendre de bijoux de famille imposerait un effort supplémentaire pour compenser cet effet d’aubaine…
Pire, cette vente, aussi dérisoire soit-elle à l’égard du montant de la dette ou des déficits, n’est pas sans inconvénient pour la France. D’abord, cela revient à se priver de dividendes non négligeables. Ensuite, c’est aussi un moyen de pression sur la direction des entreprises. Alors que le gouvernement juge bon que la BPI prenne une petite part dans la filiale de Sanofi pour (tenter de) peser dans les choix stratégiques de l’entreprise, il serait quelque peu paradoxal de réduire la part de la France dans le capital d’entreprises aussi stratégiques qu’Airbus, Safran, Thales, Engie, ADP, Orange ou Renault. Cela est d’autant plus surprenant que le Royaume Uni engage le mouvement inverse en nationalisant ses transports ferroviaires.
En réalité, il s’agit ici d’un calcul à court terme de la macronie pour tenter de réduire temporairement la morsure de l’austérité provoquée par l’impasse de leur politique économique. Pourtant, il y aurait d’autres moyens d’éviter l’austérité, qui accentue les difficultés économiques et contribue également aux déficits, en cassant la croissance, et donc en réduisant les recettes fiscales. Certains pays, avec des déficits budgétaires plus importants, ont choisi la voie de la relance économique, comme le Japon de Shinzo Abe en 2012, ou les Etats-Unis. Mais cela est possible avec le soutien de la banque centrale, et un programme de monétisation de la dette publique. Une pratique déjà utilisée dans la zone euro puisque, chose trop peu connue, 700 des 3200 milliards de dette publique de la France sont détenus par la Banque de France.
Il serait parfaitement possible de sortir par le haut de la crise actuelle, en relançant au lieu de couper les dépenses, en conjuguant protectionnisme et rachat de la dette par la banque centrale, avec le repli de l’inflation. Mais dans le cadre de l’UE, cette voie semble impossible, pour le malheur des Français, contraints de sans cesse revivre les austérités funestes du passé.
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