Vers la faillite
Voilà bien longtemps maintenant que l’on entend parler de la dette insupportable de la France. Mais le sort de cette information, dans l’inconscient public, semble être voué au même horizon que les annonces de Noé à propos du Déluge. Néanmoins, plutôt qu’une complainte sur la dette de l’État, il est autrement plus important d’en comprendre les tenants et aboutissants de façon à arrêter de faire les mêmes erreurs que celles qui durent maintenant depuis 40 ans.
Le diagnostic hélas, est fort simple. La classe politique a failli, gauche et droite confondues et, hélas, on n’a cessé de voir le niveau intellectuel de nos gouvernants décroître. Il ne s’agit pas ici de critiquer une personne en particulier, mais de constater que les discours des uns et des autres, les visions du monde véhiculées par eux, les décisions prises avec leurs justifications, n’ont cessé de s’approcher de la vacuité avec le temps. Cela est dû, à n’en pas douter, à notre système politique corrompu qui se révèle incapable d’engendrer des leaders non pas géniaux, mais intelligents. De Gaulle, lui, n’a échappé à cette logique que parce qu’il y eut la Deuxième Guerre mondiale. Il y a fort à parier que sans cette dernière nous ne l’aurions pas eu.
Mais la situation budgétaire de l’État n’est pas la seule à être inquiétante, tant s’en faut ! Une autre dette se construit actuellement en silence qui, elle, est beaucoup plus dangereuse à terme et nous conduira bien plus inéluctablement à la faillite. Il s’agit du déficit commercial de notre pays. Ce dernier est dû, pour l’essentiel, à deux facteurs. Le premier est la désindustrialisation qui est une conséquence de la mondialisation et qui a été, longtemps, voulue par nos dirigeants, d’où leur nullité puisque cela prouve qu’ils n’avaient rien compris à l’économie élémentaire que comprendrait même un enfant de primaire, à savoir qu’à un certain niveau, dans un monde où les richesses naturelles sont inégalement réparties, les échanges deviennent une forme de troc. Le deuxième est lié au premier sujet que nous avons traité rapidement : le déficit de l’État conduit à augmenter les impôts qui pèsent sur les entreprises, lesquelles ont alors un handicap par rapport à leurs concurrentes dépendant d’états moins dispendieux.
Nous sommes donc, peu ou prou aujourd’hui, au bord du précipice. Pour s’en sortir, si tant est que l’on ait un peu de temps devant nous, que faudrait-il faire ? En réalité, c’est assez simple sur le principe même si nous allons voir que le système sera probablement bien incapable de le réaliser. En effet, il faut recréer, presque de toutes pièces, un tissu industriel performant. Il y a deux types d’industries que nous allons différencier. Les premières consistent à produire moins cher des produits déjà existants et à être compétitif. Cela relève quasiment de l’impossible, compte tenu de notre structure de coûts actuelle, structure qui doit changer sur les moyen et long termes, mais le délai est incompatible à coup sûr du temps qui pourrait nous être donné. Le deuxième type d’industrie est celui concernant les produits de demain qui doivent être conçus aujourd’hui. Nous avons un meilleur potentiel en la matière que bien d’autres pays, même si cet avantage est, lui aussi, en train de se tarir rapidement. En effet, cela est très lié au niveau scolaire moyen de la population. Il se trouve, hélas, que pour des raisons idéologiques, on n’a cessé de tirer l’enseignement vers le bas en notre pays en particulier dans les matières scientifiques. Or ce sont ces matières qui sont primordiales pour bâtir une industrie. Néanmoins, notre pays est un peu comme une voiture sur l’autoroute. Si l’on roulait à 130 km/h, peu de temps après avoir arrêté d’appuyer sur l’accélérateur, on roule encore à 90 km/h. Pour être plus précis, disons que la société n’est pas composée que de jeunes et qu’il y a donc encore, pour peu de temps, quelques personnes qui savent et pourraient encore instruire les plus jeunes dans le milieu du travail, ces derniers n’étant pas moins intelligents que leurs aînés, mais ayant été sacrifiés, encore une fois, sur l’autel de l’idéologie. Il n’y a plus qu’à, direz-vous. Hélas, vient se greffer un phénomène qui était rampant, mais qui apparaît au grand jour actuellement et constitue, probablement, un des plus graves dangers qui nous guette.
La finance, en effet, a pris le pouvoir et mieux qu’une théorie, nous allons donner un exemple pour décrire les travers du système actuel, travers mortels ! Le capital investi impose actuellement une rentabilité, disons, de 10 %. Vous travaillez dans une société et avez une idée de nouveau produit. Une ribambelle de « parasites » internes à votre société va évaluer combien va rapporter votre produit en fonction du marché. Nous passerons sur le caractère fumeux de ces évaluations qui n’ont absolument rien de scientifique sinon que les personnes qui les font, on peut l’affirmer scientifiquement, sont surpayées. Si l’analyse pour une raison ou une autre donne un chiffre inférieur à 10 %, alors votre projet sera refusé, quel que soit son intérêt par ailleurs. Comprenez bien ! Si vous étiez un entrepreneur isolé, même un rendement de 0 % qui vous permettrait de vivre décemment vous suffirait pour démarrer. Le système actuel met donc de côté tout un pan d’activités qui ne se font pas, car jugées pas assez rentables. On choisit donc, objectivement, le chômage au travail.
Passons alors à l’action de l’État, qui, pour compenser, paye à prix d’or des budgets dits de R&D pour préparer l’avenir et créer les emplois de demain. Cela hélas est non seulement vain, mais contre-productif pour le budget de l’État. En effet, pour un industriel sur un marché donné, surtout si sa performance est bonne, son intérêt est surtout de ne rien faire bouger. J’ai démontré cela, mathématiquement, dans mon ouvrage « Ainsi marchait l’humanité ». Dans ces conditions, les budgets de R&D attribués à l’entreprise vont se retrouver intégralement sous forme de dividendes pour les actionnaires.
Nous venons de décrire, très rapidement, les points essentiels des blocages de notre société, blocages qui nous amènent à une faillite inéluctable. Je propose donc le remède suivant qui n’est peut-être pas la panacée, mais a le mérite de nous donner une chance de nous en sortir contrairement à ce qui se passe depuis 40 ans.
La première chose à faire est de se donner des marges de manœuvre budgétaire au niveau de l’État en abaissant son coût tout en abaissant le coût des productions en cours dans les 10 % d’activité du PIB que représente l’industrie actuellement. Il nous faut donc une dévaluation compétitive importante. En clair, cela ne peut se produire que par une sortie, au moins provisoire, de l’euro. En parallèle, il faut arrêter les programmes industriels de R&D étatique sous leur forme actuelle. Il suffit de créer, au niveau de l’État, une structure ad hoc de sélection de projets industriels individuels qui seront mis en œuvre sous forme d’entreprises privées, dotées par l’État sur une période de 5 à 10 ans selon les sujets. Bien entendu, les start-ups doivent proposer des produits n’existant pas à ce jour. Au bout de cette période, l’État, qui aura pris forfaitairement 49 % des parts, sera en mesure de vendre sa part minoritaire sur le marché. Ainsi, il se recapitalisera en partie. L’investissement dans les seules start-ups, compte tenu de taux horaires bien plus faibles que les entreprises déjà existantes, permettra à la fois de diminuer le budget global de R&D et de démultiplier les R&D. Finies les dispendieuses dépenses pour doter les FP7, FP8 et autre H2020. N’est-ce pas comme cela, en finançant des start-ups, que nous avons créé, à son époque, une bonne partie de l’industrie aéronautique ? Et quel succès ! Il n’y a pas de raison qu’une telle recette ne marche pas une deuxième fois. En parallèle de cela, on arrêtera la complaisance scolaire en matière scientifique et les programmes seront focalisés, comme dans les années 60 et 70, sur la capacité de raisonnement des élèves.
Comme vous pouvez le voir, les éléments de la solution sont simples. Certes, il y a un prix, temporaire, à payer, celui de la dévaluation. Mais peut-être vaut-il mieux souffrir un peu avec un remède de cheval et survivre que de mourir ? Ne trouvez-vous pas ?
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