Climat : passer de la résignation à l’espoir avec Jean Jouzel et Pierre Larrouturou
"Ces sujets rendent fous" prévenait il y a déjà quelques années Bruno Latour. Pourtant les scientifiques s’acharnent de façon constante (mais vaine) depuis la fin des années 60 à nous convaincre que le mode de vie occidental actuel est incompatible avec les ressources naturelles et nous conduit dans le mur. Tout le paradoxe est là. Plus les perspectives environnementales sont alarmantes et terrifiantes et plus nous nous enfermons dans un déni de réalité suicidaire.
Nicolas Hulot et Jean-Albert Lièvre ont résumé cette attitude dans ce qui constitue le titre de leur film documentaire sorti en 2009 : Le syndrome du Titanic. La formule choc reprenait ce qu'avait dit Jacques Chirac en 2002 déjà : "la maison brûle et nous regardons ailleurs".
Si les images choc et les vérités abruptes sont contre-productives pour mobiliser de l’opinion publique, il faut changer le fusil d'épaule et combiner, comme le souffle Gramsci, le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté. C’est dans cette nouvelle voie porteuse d’espoir qu’un collectif d’hommes de bonne volonté nous propose de nous engager à travers un appel pour la mise en place d’un pacte finance-climat destiné à éviter "que l’humanité se dirige, sans réagir, vers le chaos climatique".
L’initiative mérite attention tant en raison des auteurs du texte, le duo Jean Jouzel-Pierre Larrouturou, que de l’incroyable accueil qui lui est réservé aujourd’hui déjà chez les décideurs. Cela confirme que la seule alternative à la capacité de déni de la réalité si propre à l’être humain, c’est d’offrir une lueur d’espoir à laquelle se raccrocher.
Etre doué de conscience, l’homme vit avec le terrible poids de savoir que sa durée de vie est courte ce qui le conduit à adopter une attitude de jouissance maximale et immédiate (carpe Diem). Cette configuration est peu favorable pour prendre des décisions susceptibles de dégrader ce qui est perçu comme une qualité de vie immédiate au profit d’une amélioration considérée comme improbable de la situation environnementale susceptible de bénéficier aux générations futures.
Les contraintes pourtant sont là, scientifiquement établies. Il nous faut changer de braquet dans notre lutte contre le changement climatique si nous souhaitons ne serait-ce qu’en limiter les conséquences. La situation est suffisamment préoccupante pour nous inciter à passer d’une attitude molle de green-washing à une posture Churchilienne de mobilisation de toutes les forces dans une logique de guerre autour d’un seul objectif : gagner la bataille du climat.
Pendant longtemps, on a pensé que l’homme, piégé par sa propre puissance sur son environnement, finirait par réagir lorsque les signes du danger deviendraient évidents et visibles et que sa responsabilité dans ces bouleversements majeurs serait clairement établie. Las, aujourd’hui, à minuit moins cinq avant le grand cataclysme la grande mise en mouvement n’est pas engagée.
Les bons mots et les effets de tribune ne suffiront pas à nous sortir de la nasse dans laquelle nous nous sommes enfermés. Emmanuel Macron a certes réussi son petit effet en reprenant, dans un très réussi contrepied médiatique à Donald Trump, la formule de Ban Ki Moon secrétaire général de l'ONU : "Il n'y a pas de plan B car il n'y a pas de planète B". Pourtant une fois le tweet posté, que fait-on, concrètement ? Quel scénario est posé sur la table pour réorienter notre modèle économique assis sur le pillage et le gaspillage des ressources naturelles, sortir du cercle vicieux dans lequel nous sommes enfermés et engager une spirale vertueuse ?
Fatigués d’attendre ce qui ne vient pas, Jean Jouzel et Pierre Larrouturou ont le grand mérite d’avoir saisi le taureau par les cornes pour mettre sur la table des solutions concrètes immédiatement applicables. Ils ne proposent néanmoins qu’une réorientation partielle du système financier international, dans une sorte de pari de Pascal du XXIème siècle dans lequel il n'y a rien à perdre mais tout à gagner.
Nous sommes beaucoup à ne pas savoir si ça peut peut marcher mais, nous avons follement envie de le croire.
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