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Accueil du site > Actualités > Environnement > Condamnation de Total pour l’Erika : le « vetting » engage désormais (...)

Condamnation de Total pour l’Erika : le « vetting » engage désormais l’affréteur...

Une précision sur la condamnation de Total à la suite du naufrage de l’Erika. Nos médias semblent dire que, du fait de cette condamnation, les pétroliers et affréteurs vont être beaucoup plus attentif au contrôle des bateaux qu’ils utilisent. Or à mon sens, si on lit bien le jugement, c’est peut-être bien le contraire qui risque de se passer.

En effet, ce n’est pas la filiale de Total propriétaire de la cargaison et affréteur qui a été condamné. Au contraire, il a été relaxé, ce qui confirme que, dans le processus de l’affrètement d’un bateau, comme le dit la convention internationale, c’est bien l’opérateur du bateau qui est responsable de la bonne fin du transport qui lui a été commandé. C’est ce que les avocats de Total prétendaient sur la base des conventions maritimes internationales et qui a été confirmé par le tribunal. Pourquoi donc Total est-il condamné ?

Parce que dans le groupe Total, l’approbation des bateaux pour qu’ils puissent être utilisés par les différentes filiales de production du groupe (ce qu’on appelle le "vetting" dans le milieu du transport pétrolier) est confié à une filiale du groupe qui reporte au groupe Total SA. C’est à ce titre que Total SA, qui n’était pas l’affréteur du bateau, a été condamné à payer les lourdes indemnités dont vous avez entendu parler.

En d’autres termes, c’est le "mauvais" travail de cette filiale de sélection et de contrôle des navires affrétables qui a été sanctionné par le tribunal, en dépit des certificats d’inspection de la société de contrôle italienne Rina. Si Total avait simplement affrété par appel d’offres un bateau en lui demandant de fournir tous certificats de navigabilité de son bateau, il n’aurait probablement pas été condamné. Moralité, Total aurait mieux fait de ne pas avoir de filiale de vetting et de ne pas se préoccuper de sélectionner les navires ou de les faire inspecter, ce qui est tout de même paradoxal !!

Il est possible que la motivation de ce jugement ait été, considérant que la loi maritime sur les responsabilités respectives du chargeur/affréteur et de l’opérateur/propriétaire du bateau ne permettrait que de condamner ces derniers, de trouver un biais pour condamner également le propriétaire de la cargaison, en l’occurrence Total. Le biais trouvé étant la mauvaise qualité du travail de la filiale de sélection/approbation des bateaux. Ce qui a d’ailleurs été une réalité dans le cas de l’Erika car la filiale "vetting " de Total avait eu connaissance des insuffisances graves de l’Erika.

Ce que changera le jugement sur l’Erika, c’est que cette activité de vérification et d’approbation des bateaux, que les pétroliers avaient mise en place de leur propre chef et sans obligation, devient à partir d’aujourd’hui une activité qui engage la responsabilité des compagnies en cas d’incident. Ce qui, par contre, est inquiétant, c’est que cette jurisprudence risque de détourner les affréteurs du contrôle des bateaux affrétés qui n’est pas une obligation légale pour eux.

Un jugement néanmoins équilibré et qui fait progresser la jurisprudence sur le partage des responsabilités en cas de naufrage et de pollution. Je vous laisse à la lecture de vos journaux habituels pour en apprécier les détails.


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7 réactions à cet article    


  • Bulgroz 18 janvier 2008 11:50

    Excellent, merci pour cette info.

    En parlant de responsabilites, quid des irresponsables conducteurs de vehicule a essence obligeant des entreprises a importer et a leur livrer du petrole ?

     


    • calypso calypso 18 janvier 2008 20:00

      La mise en cause de la responsabilité des différents intermédiaires dans le transport d’hydrocarbures (dont ici l’affrêteur : Total) va clairement à l’encontre du principe usuel en droit international maritime qui veut que seul l’armateur est considéré comme reponsable. Cela crée un précédent et je suis curieux de voir l’impact que cela va avoir et si cela peut changer quelque chose sur la règlementation en europe et ailleurs ... 

      En tout cas Total aurait de bonnes raisons pour faire appel ... Reste a voir s’il y a plus a perdre qu’a y gagner (en terme d’image) !

       

       


      • Lisa SION 2 Lisa SION 20 janvier 2008 17:37

        On peut souhaiter qu’enfin cela change quelquechose dans les esprits des acteurs de ces marchés, mais c’est leur faculté à s’enrichir qui leur autorise à se payer les cohortes d’avocats internationaux et même les amendes les plus lourdes. La grande loi de " l’argent-roi " autorise à ouvrir toutes les portes, soumettre les plus grandes résistances, et indemniser toutes ses fautes...sauf morales, évidemment.


        • fortunes fortunes 21 janvier 2008 20:10

          Je partage totalement votre avis sur ce jugement, équitable mais peut-être pas très juste. Je m’explique.

          Pour le cityoen dit "lambda", peu importe le vin....TOTAL était propriétaire de la cargaison et donc coupable...et quoi qu’en dise le Droit Maritime ; Chargeur, transporteur, affreteur, vetteur (oups...), il fallait que TOTAL soit coupable de quelque chose. Le juge s’est donc basé sur le vetting, et la société ayant procédé à cette tâche pour condamner TOTAL.

          Soit, mais ce n’est que justice diront beaucoup d’entre nous...Oui mais...rien dans le Code Pénal (à mon avis) ne permet de condamner une personne morale ou physique pour une infraction à une règle privée.....

          Or c’est ce que vient de faire le Tribunal. L’un des articles visés pour condamner TOTAL (sa filiale) est justement une infraction à une "règle légale ou règlementaire". Or le vetting n’est ni l’un, ni l’autre....

          En résumé, cette décision, au dela du cas d’espèce, et si elle est confirmée en appel ou ne reste qu’une décision de première instance, devrait donner du souci à ceux qui font du respect des règles ISO (non exhaustif) une règle de vie de leur entreprise....

          A bon entendeur

          Fortunes


          • Christoff_M Christoff_M 23 janvier 2008 16:18

             tu sais bien que les grands groupes sont les rois de la sous traitance non seulement pour "externaliser" et gagner sur des couts de production, ce sont les termes chéris des donneurs d’ordre....

            mais surtout pour diluer leurs responsabilités et rejeter le faute sur leurs sous traitants esclaves et muselés par le donneur d’ordre qui ne paye pas au moindre litige....

            il existe le meme problème sur la route ou on sous traite à tout va et l’on finit par tomber sur un camion usagé venant de loin avec un type fatigué surbooké qui s’endort au volant....


            • kikoucalou 24 janvier 2008 16:14

              Il y a plus de vingt cinq ans, le plus souvent les compagnies pétrolières affretaient des navires mais possèdaient aussi leur propre flotte.

              Depuis, plusieurs catastrophes maritimes sont à déplorer : Amoco Cadiz ( 1978 ), Tanio ( 1980 ), Erika (1999 ) et beaucoup d’autres.

              Tous, des drames ayant en commun des symptômes de traitement juridiques relativements idendiques : L’opacité juridique la plus complète possible que permettent les Pavillons de Complaisance. Bien malin celui qui saura determiner avec certitude le "who is who" !

              Sans ce " Who is who" comment tracer les responsablités en cas de catastrophe ?

              Tout le problème pourrait se résumer ainsi, j’ai le souvenir d’une polémique intervenu suite au nauffrage du Tanio : Qui était le alors propriétaire du navire ? Qui était propriétaire de la cargaison ? Les interrogations alimentaient la chronique, certains affirmaient alors même qu’une compagnie pétrolière bien en vue était le propriétaire du navire car ils auraient observés le sigle de cette compagnie petroliere en macaron sur le navire !

              Déjà à l’époque, dans les médias, l’impensable arrivait, une compagnie pétrolière semblait être mis en cause !

              Quoi qu’il en soit, à cette époque un virage de politique commerciale semble s’être ammorcé de la part des compagnies pétrolière : elles auraient commencé à se désengager de l’armement maritime proprement dit, privilègiant le rôle d’affrèteur. L’objectif probable aurait était de limiter leur exposition au risque de se faire pointer du doigt en cas de catastrophe.

              Concernant le Vetting effectué par les pétroliers, certains pourraient considèrer que parfois cela peut être aussi un truc d’affreteur indissociable de l’activité merchantile consistant à contenir un taux de fret, ce qui évidement s’éloigne beaucoup des principes vertueux de qualité qui devraient être réalisés par celui-ci.


              • captain cook 28 janvier 2008 10:09

                Juste une précision. Les Vettings sont souvent beaucoup plus stricts que ne le sont les inspections par l’autorité du pavillon, l’état du port ou les sociétés de classification. De plus les inspecteurs des compagnies pétrolières sont soit des anciens commandants, soit des anciens chefs mécaniciens de pétroliers et sont souvent bien plus qualifiés que les membres de l’administration française qui sont souvent incompétents. On peut d’autre part se demander si ce n’est pas là la vrai source du problème.

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