D’où viennent les peines du passé
Voilà bien, donc, comment parfois l’actualité économique et culturelle en se croisant inopinément, peuvent parfois nous renvoyer tel un miroir sans pitié, à notre réalité.
A la pointe de la technologie, le japonais Honda sort sa nouvelle voiture hybride, avec une conso de 4.4l et 101gr/co2, et surtout sans NoX, principal rejet des moteurs diesel auquel les constructeurs français restent accrochés comme des berniques à un rocher, mais dont le temps est pourtant fini... l’avenir est bien à l’électrique, assisté pour l’instant encore de moteur thermique mais appelé à se développer de manière totalement autonome grâce aux PAC Hydrogène. Système sur lesquels les coréens, japonais, allemands et américains sont en pointe, et à quelques années de développer des modèles de série fiables qui renverront les HDI et autres DCI à l’âge de pierre... ce sera évidemment bon pour la "planète" comme on dit, mais aussi pour l’économie en général en nous défaisant de la dépendance (et du coût) énergétique liée aux hydrocarbures, dont la faiblesse actuelle des prix ne doit pas faire illusion !
Le faible prix du baril est purement conjoncturel, lié à la contraction des marchés mondiaux frappés par la crise qui entraîne une chute record de la consommation de carburant, tant par les particuliers que par les entreprises qui cherchent à réduire les coûts. Mais la reprise économique sonnera le glas des "prix bas", et la hausse du prix du baril, et c’est aussi valable pour le gaz, pour reportée qu’elle a été par la crise économique actuelle, reprendra inexorablement. Car de toute façon un produit qui se raréfie, ne peut que s’enchérir au fur et à mesure qu’il disparait. Et la crise gazière actuelle entre l’Ukraine et la Russie, montre bien aussi de son côté, que cette autre énergie fossile, en plus de disparaître elle aussi, fait supporter à l’Europe notamment le poids d’un contrôle politique du Kremlin sur le "robinet" qui n’est simplement pas acceptable.
Des projets en cours dans le monde entier
Les énergies renouvelables ne sont donc pas seulement nécessaires du seul point de vue écologique, même si cet aspect est évidemment important, mais elles sont les outils incontournables de l’économie de demain.
Et si l’éolien est légitimement questionné par les populations et les associations écologiques - et c’est vrai, imagine-t-on demain des éolienne géantes défigurant nos paysages de Camargue ? - , en revanche le solaire, la géothermie, l’hydro-électricité, seront bien demain des ressources "de base" dans tout développement urbain et construction de l’habitat, mais aussi pour fournir en électricité la plupart des ZAC et des entreprises. Car les récents pics de consommation d’électricité liés au changement climatique qui tend en Europe à provoquer des hivers de plus en plus rudes et froids par contraste à des été toujours plus chauds, comme aux Etats-Unis, montrent aussi la limite d’une énergie nucléaire centralisée qui malgré un déploiement sur tout le territoire, tend à la saturation.
Les allemands l’ont compris depuis dix ans, le nucléaire n’est pas non plus une voie d’avenir. L’avènement des énergies renouvelables ne peut s’envisager que sur des modèles de développement locaux, décentralisés et autonomes, permettant de répondre aux besoins de façon sectorisée plus efficace. C’est le cas aux Pays Bas ou en Allemagne par exemple, où l’on tend à développer des villes entièrement autonomes reposant sur les énergies renouvelables ; où chaque maison même devient autosuffisante, et où sont valorisés l’emploi de matériels écologiques recyclables à impact quasi nulle sur l’environnement.
Tout cela semble pourtant de la science fiction pour les français, tant notre pays accumule les retards en restant en retrait d’une révolution écologique qui génère partout ailleur des projets forts. En Allemagne, aux Pays Bas, mais aussi en Autriche où Güssing est devenue la première ville européenne 100% autonome. Modèle qui inspire le projet britannique de Bedington Zero Energy Development,une ville également entièrement autonome, tandis que Londres révolutionne tout son éclairage public en misant sur des diodes électroluminescentes à énergie solaire qui accumule en journée la lumière qu’elle renvoie la nuit. Le reste du monde n’est pas en reste, depuis la Chine et ses projets de villes nouvelles entièrement écologiques dont Dongtan première écocité chinoise, sera inaugurée en 2010 pour l’exposition universelle, aux Etats-Unis où à Chicago, Skidmore, Owings & Merrill (SOM), un cabinet d’architectes de la cité américaine, a commencé fin 2006 d’édifier le siège social d’une entreprise, un immeuble de 69 étages qui peut produire plus d’énergie qu’il n’en a besoin pour sa propre consommation, et pourra donc alimenter en énergie électrique tout le quartier où la tour sera édifiée à un coût extrêmement avantageux par rapport à celui imposé par les compagnies électriques traditionnels de l’Illinois, qui en plus de faire payer chèrement leur électricité, sont polluantes.
Au Japon et en Corée du Sud des investissements visant à autonomiser leurs grandes villes et à développer leur autosuffisance énergétique n’ont pas été freiné par la crise. Au contraire ces deux pays ont bien compris que la crise était une opportunité pour accélérer ces évolutions, ce qu’a bien compris Barack Obama aux Etats Unis qui a fait du développement des énergies renouvelables un axe fort de sa politique économique, tandis que la Californie développe à un rythme effréné les stations services délivrant de l’hydrogène liquide pour les véhicules équipés en PAC (Piles à combustible). Honda ne s’y est pas trompé qui a lancé en location longue durée, un premier modèle de série entièrement hydrogène accessible au grand public.
Le compréhensible retard français
Alors pourquoi, alors que le monde entier semble muer vers une révolution écologique majeure, notre pays semble paralysé sur le banc de touche pendant que les autres, y compris en Europe, mènent le jeu ?
A cela plusieurs raisons, et responsabilités partagées : notamment le problème général de tous les acteurs et décideurs politiques, mais aussi économiques et sociaux, comme une sorte de "mal français", est que dans notre pays on vit encore au XXème siècle, siècle éminent des idéologies, et qu’on ne parvient plus à penser, à évoluer, tant des médias aux associations mêmes où l’on pourrait espérer plus de pragmatisme et d’ouverture d’esprit, on demeure enclavé dans des réflexes dépassés qui nous empêchent d’avancer.
Ce n’est pas faux de dire que ce pays est devenu impossible à "réformer", mais bien plus grave encore, il est même devenu impossible à simplement faire évoluer même en douceur. La peur du changement est telle en France, que ce pays est le seul au monde où l’on subit même de véritables épidémies de psychose collective au moindre degré de mouvement technologique par exemple. Alors que Barack Obama aux Etats-Unis envisage d’équiper tous les bus scolaires du WIFI permettant aux enfants de se connecter sans fil à internet en se rendant à l’école, en France on retire les antennes de téléphonie mobile sous la pression de vagues paranoïaques ayant réussi à emporter des populations entières dans la conviction, et ce n’est que cela car aucune étude au monde n’a jamais accrédité cette conviction, selon laquelle les téléphones mobiles génèrent des tumeurs au cerveau ! Or comment bâtir le progrès sur ce qui ne relève à ce jour que de simples “présomptions” ?
Le pays tout entier semble parfois même pris dans de telles allergies au progrès technologique qu’on en arrive à des formes de régression quasi-mentale inquiétantes, ainsi en est il de la vision cauchemardesque, évidemment fausse mais terriblement angoissante de l’internet comme un repère de pirates, de criminels, d’extrémistes de tous poils et autres pédophiles menaçant à tout moment les enfants au premier clic de souris ! alors que c’est bien dans les cours d’école que des enfants meurent du jeu du foulard, et à la sortie du collège qu’ils sont violentés et rackettés ! Mais qu’importe, le sensationnel, la psychose collective, l’emportent sur tout raisonnement rationnel, et j’insiste sur ce pléonasme, tant dans notre pays malheureusement on est aujourd’hui totalement soumis inversement à une véritablement "déraison irrationnelle".
Tout ne semble plus que peur, réflexe sans réflexion, hostilité par principe, et comment peut on débattre, voire même simplement penser dans un pays qui glorifie des champions du "non" à tout et rejette la parole scientifique, de toute façon convaincu que la parole des scientifiques, comme celle des intellectuels d’ailleurs, est forcément muée par d’obscures complots. Dans ce climat, comment avancer dans le sens du progrès technologique ? Comment s’adapter aux enjeux de demain tandis que la moindre évolution se heurte à de véritables lobbies médiatiques et militants qui ralentissent voire empêchent toute évolution ? Là est précisément le mal français.
Comment ne pas comprendre dès lors l’inquiétant retard technologique français sur les questions environnementales, trop souvent confisquées par les obscurantistes verts qui au lieu de faire de l’écologie politique une force positive et créative, en ont fait une force d’immobilisme voire de régression consternante, qui au lieu de servir la cause l’ont au contraire puissamment desservie en permettant à d’autres forces, celles du conservatisme de l’ordre ancien celle-là, de ne pas permettre à notre pays d’avancer résolument dans la voie du progrès technologique qui aurait concilié la compréhension du fait écologique avec la demande toujours croissante d’un mode de vie de haut niveau sur lequel il est illusoire de croire que l’on reviendra, car ce ne sera pas le cas (il suffit de voir comment la théorie du réchauffement climatique a accéléré... la vente de climatiseurs !)
De graves conséquences économiques et écologiques
Bref, sans surprise, cela déteint sur l’ensemble de la société et de nos capacités technologiques. Non seulement on est bien loin en France d’envisager dans un avenir très proche des écovilles comme en Allemagne, en Grande Bretagne, en Corée ou en Chine, mais nous perdons du terrain sur les champs économiques où nous étions, il n’y a pas si longtemps encore, parmi les leaders mondiaux. Ainsi en téléphonie mobile, Sagem et Alcatel qui ont été pionniers et leaders dans le GSM, ont totalement loupé la 3G et le Bluetooth et dramatiquement sombré face au suédois Nokia, l’américain Motorola ou les asiatiques Sony Ericson, Samsung ou LG. Cela a coûté des milliers d’emplois dans ce secteur.
Aujourd’hui c’est l’automobile qui pâtit de ce mal français qui ronge, peu à peu, notre économie. Nos constructeurs sont tragiquement en train de louper la révolution verte de l’hydrogène, où allemands, coréens, japonais et américains sont en pleine ébullition de projets. Ainsi les Big Three ont elles bénéficier de l’aide de l’état américain pour éviter la faillite en échange de leur engagement en faveur du développement de motorisation propre, notamment donc hydrogène. Qu’en a-t-il été en France, sinon cette vague prime à la casse, sans projet, sans perspective industrielle, qui enferme nos constructeurs dans un dramatique statu quo technologique où, certes, ils excellent (et les moteurs HDI de PSA sont en tout point de remarquables moteurs diesel), mais dont le concept même est dépassé, quand Honda et Toyota s’apprêtent à lancer sur le marché ces mois ci, leur déjà deuxième génération de voitures hybrides. Alors certes il y a bien ce projet de diesel hybride développé par PSA, mais qui n’a pas franchi le cap du concept car quand les deux japonais cités ci-dessus en sont à une phase industrielle désormais pleinement rodée et banalisée.
Et si on peut saluer le rapprochement de PSA avec l’allemand BMW pour la genèse de nouveaux moteurs essence à injection directe à la technologie remarquable, il faut aussi malheureusement constater que ce rapprochement n’est pas motivé de la même manière en France et en Allemagne. PSA n’y voit qu’un moyen de réduire les coûts, quand BMW y voit un moyen d’y développer des ressources financières nouvelles pour investir sur ses futurs modèles à hydrogène.
Le nucléaire et le mobile : symboles d’un paradoxe
De fait non seulement ce retard français est préjudiciable économiquement, mais il l’est aussi écologiquement, car il ne permet pas les avancées technologiques qui permettraient de réduire notre dépendance aux produits fossiles et de donner un véritable élan aux énergies renouvelables. Car si les "verts" français sont enfermés dans une idéologie régressive, les conservateurs restent quant à eux enfermés dans des modèles tout aussi dépassés : le tout nucléaire étant l’exemple le plus criant d’un aveuglement dramatique. Car non seulement cette obstination sur le nucléaire, ne permet pas de donner leur chance aux énergies renouvelables, mais elle s’avère dangereuse à tout point de vue en favorisant la dissémination mondiale dans le tiers monde notamment, d’un outil dont rien, strictement rien, n’assure que les risques seront parfaitement maitrisés. Là pour le coup, cela vaudrait sans doute de s’inquiéter, surtout quand on assiste à la multiplication des accidents nucléaires en France même du fait du vieillissement de nos centrales.
Le nucléaire et le mobile sont un peu les symboles de cet étrange paradoxe français qui veut qu’on déclenche de véritables hystéries collectives pour quelques antennes de téléphonie mobile, dont, je le redis encore et j’insiste, rien, strictement rien, ne prouve une quelconque nocivité sanitaire, tandis que de réels incidents, graves pour certains, se produisent dans l’indifférence général alors que pour le coup l’impact sur la santé publique d’un accident nucléaire serait absolument dramatique du fait de la densité de population.
Se défaire des idéologies pour enfin penser l’avenir
Face à ce paradoxe et aux peurs collectives que manipulent de véritables professionnels de la démagogie et du populisme à des fins politiques obscures, il n’y a guère d’autre résolution que se défaire des idéologies du passé pour enfin pouvoir librement penser l’avenir. Et cette étape est la plus difficile, car elle remet en cause tout l’ordre d’un système médiatique, politique, social et économique, voire culturel, qui semble s’être figé dans la peur, et qui est devenu une véritable entrave au débat public. Cela impliquerait de revaloriser la parole du scientifique sur celle du démagogue, la réflexion de l’intellectuel sur celle du populiste, mais comment faire ce chemin pourtant essentiel et de toute façon incontournable quand on voit malheureusement la lâcheté des politiques, qui pour la plupart préfèrent aller dans le sens du vent plutôt que d’oser le courage d’un discours de vérité, quitte à heurter et à devoir affronter les lobbies et les préjugés.
Oui cela est bien de la reponsabilité des politiques que de changer cet ordre établi, comme Obama l’a si fortement imprimé en Amérique, mais le peut-on encore dans ce vieux pays enlisé par la faiblesse de ses élites ? Et bien paradoxalement je le crois. Et j’ai pour exemple la chanson française. Finalement en dépit des médias, du lobbying des majors, du poids de la culture populaire "officielle", ceux qui font la chanson française d’aujourd’hui ne sont pas les Alain Souchon et autres Cali dont l’on perçoit bien l’hypocrisie des discours quand ils critiquent les grandes sociétés capitalistes et les parachutes dorés, tandis qu’ils défendent leurs propres profits chez Vivendi Universal et consorts en soutenant le projet de loi HADOPI, symbole là encore des obstacles psycholigiques au progrès technologique perçus comme un danger. Symptôme bien symbolique du mal français, alors que l’avenir est au numérique et à l’internet, ne serait-ce qu’en conduisant à la réduction des transports urbains par exemple par le développement du télétravail, qui réduira des coûts financiers et écologiques considérables en matière de déplacement, de gestion d’espace urbain ou d’aménagement du territoire.
Ceux qui s’accrochent à HADOPI sont bien de ceux qui sont restés bloqués au XXème siècle et à ses vieux modèles, comme quoi la musique serait forcément marchandisable tout en plaidant contre la marchandisation de la culture (ce qui est loin d’être la seule de leurs contradictions), alors que l’internet réinvente les notions de partage et d’accès gratuit à la culture pour tous, qu’enfin les véritables artistes ne sont pas ceux qui "vendent" dans les hypermarchés même virtuels en passant à la télé, mais ceux qui rassemblent le public dans les concerts.
Voilà bien, donc, comment parfois l’actualité économique et culturelle en se croisant inopinément, peuvent parfois nous renvoyer tel un miroir sans pitié, à notre réalité, de la nouvelle Honda qui montre comment ailleurs le monde avance à Alain Souchon qui n’est plus bon, effectivement, qu’à écouter d’où viennent ses peines du passé...
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