Dérisoirement durable
Face aux enjeux environnementaux mondiaux dont nous venons de prendre conscience, nos sociétés humaines sont-elles vraiment capables de répondre à la bonne vitesse et avec l’intensité adéquate ?
Selon un prétendu proverbe chinois, mille jurons n’ont jamais déchiré une seule chemise.

A l’heure où nombreux se penchent à nouveau quotidiennement sur la situation de la banquise polaire arctique, le petit graphique simplissime ci-dessus montre que mille colloques ne semblent pas non plus capables d’interrompre la transformation du climat de notre planète.
Plutôt que de nous maintenir encore dix ou vingt ans dans l’illusion que nous sommes en train de mettre en place, de façon universelle, un modèle de développement réellement durable de l’humanité, il serait plus raisonnable de reconnaître notre échec complet à transformer fondamentalement notre modèle de civilisation dans un délai compatible avec les échéances climatiques.
A l’échelle des nations, celles qui tentent d’ailleurs de démontrer aux autres qu’elles ont enfin trouvé la voie souffrent souvent de schizophrénie. Les Pays-Bas se vantent d’être le royaume de la petite reine, mais vendent du méthane par millions de m3 à l’Europe entière. Le Danemark est très fier de ses éoliennes, beaucoup moins de ses plates-formes off-shore. La Norvège produit pratiquement toute son électricité grâce à la force hydraulique, mais noie la planète sous ses exportations de pétrole.
La position actuelle des Etats-Unis, qui n’ont toujours pas ratifié le protocole de Kyoto, a au moins la mérite de la franchise.
Nous faisons certainement preuve de la plus naïve ambition à vouloir transformer en profondeur nos sociétés humaines en quelques décennies par le simple truchement de taxes, de marchés de crédits d’émission et de modifications marginales de nos comportements.
On ne change pas de modèle sociétal en une ou deux générations : il en faut probablement quelques dizaines. Le concept de démocratie parlementaire s’est imposé aux esprits des Lumières : il a fallu 250 ans pour qu’une fraction significative de l’humanité en bénéficie en pratique.
Sans pour autant arrêter ce qui va dans le bon sens sans rien coûter, laissons tomber les autres efforts de prévention, souvent coûteux et au résultat aléatoire (capture et stockage du CO2, véhicules très faible consommation, etc.) et consacrons les quelques années de tranquillité qui nous restent à concevoir exclusivement les soins curatifs que nous devrons apporter à la planète quand elle sera plus chaude de trois à six degrés.
Il est puéril de tout miser sur la solution technologique miracle qui réglera le problème, sa probabilité d’occurrence est faible, et les grandes découvertes ne se commandent pas. Rappelons que l’énergie atomique n’a pas été découverte parce qu’on a cherché une alternative aux combustibles fossiles, mais parce qu’on cherchait des armes toujours plus puissantes et meurtrières.
Le temps est venu d’investir exclusivement dans les infrastructures qui nous permettront de survivre à un climat inédit.
Bref, construisons des digues plutôt que des voitures électriques, et disons enfin la vérité à nos enfants : le développement durable pour tous, ce sera pour le XXIVe siècle.
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