Des publicités de FNE censurées dans le métro
Si, comme moi, votre employeur est abonné au magazine Stratégies, il y a des fortes chances que vous soyez tombé de bon matin sur cet entrefilet : la fédération d'associations écologiques France Nature Environnement crie à la censure après avoir constaté que la RATP avait refusé d'afficher trois des six visuels de sa nouvelle campagne médiatique. FNE entend dénoncer les effets de l'agriculture intensive sur l'environnement. Il est vrai que cela fait un peu désordre à quelques jours de l'ouverture du Salon de l'Agriculture.
L’objet du délit
Les affiches n’y vont pas par quatre chemins. Leur cible : les OGM, les algues vertes et les pesticides. L’une d’entre-elles présente un homme le visage crispé, tenu en joue par un épi de maïs. Le titre en antiphrase : « c’est sans danger ». La signature : « concernant les OGM, on n’a pas encore assez de recul ». Une autre met en scène un enfant en tenue de bain barbotant sur une plage (bretonne ?) envahie d’algues vertes. Commentaire : « l’élevage industriel des porcs et les engrais génèrent des algues vertes. Leur décomposition dégage un gaz mortel pour l’homme ». La série de six visuels fonctionne toujours sur la même mécanique. Allez faire un tour sur le site de FNE pour vous faire une idée.
FNE dans son bon droit ?
Il semblerait. La question est de savoir si elles sont trop choquantes, si elles sont diffamatoires ou portent préjudice à l’image d’un homme, d’une institution, ou autre. A priori non, puisque FNE rappelle que « l'INTERBEV et l’INAPORC ont engagé deux procédures en référé auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris à propos des deux visuels « algues vertes » et du visuel « gros menteur » (…). Dans ces deux affaires, FNE a obtenu gain de cause. La demande d’interdiction de diffusion des visuels mis en cause a donc été rejetée car la mesure constituait une restriction disproportionnée à la liberté d’expression. »
Pourtant, la RATP, qui est aussi une régie publicitaire, a décidé de ne pas afficher trois des visuels. Elle se justifie dans Le Parisien : « le message est trop agressif et vise directement les éleveurs. Ces visuels très dénigrants sont contraires au principe de neutralité du service public. » Soit, la RATP est propriétaire de ses murs et met ce qu’elle veut dessus. Seconde raison, toujours dans Le Parisien : son service juridique estime qu’un des visuels est très proche du film Kill Bill de Tarantino n’avait pas l’autorisation du réalisateur. Mouais… Devons-nous rappeler que la RATP avait affiché il y a quelques années de beaux 4x3 où Cristaline clamait fièrement : « je ne bois pas l’eau que j’utilise. Je bois Cristaline. » En visuel, une cuvette de toilettes barrée en rouge. Les producteurs d’eau du robinet s’étaient à juste titre indignés et l’affiche avait été retirée. La RATP serait-elle frileuse depuis lors ? Accordons lui le bénéfice du doute !
Une campagne scandaleuse et inacceptable selon Bruno Le Maire
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le ministre de l’Agriculture défend très bien les agriculteurs ! « Quand j'entends une association de défense de l'environnement, aux propos d'ordinaire plutôt raisonnables, reprendre le vieux refrain agriculteur=pollueur, en employant des images fortes pour choquer et scandaliser, je dois dire que je suis partagé entre la consternation et la colère ». « La campagne de FNE contre l'agriculture est une campagne - et je pèse mes mots - scandaleuse et inacceptable ». L’AFP rappelle que ces propos ont été tenus à l'occasion des Etats généraux de la chasse. Le ministre avait plus tôt mis en garde contre « les slogans, les raccourcis et les amalgames » dont sont victimes les chasseurs. Oui monsieur Le Maire, vous faîtes très bien votre travail de ministre de la ruralité !
La Bretagne se sent visée
Le Télégramme ajoute à cela la réaction du Comité régional du tourisme de Bretagne. Son directeur juge la réaction de la RATP « positive » et annonce avoir déposé plainte auprès de l’ARPP, l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité, à propos de la fameuse affiche sur les algues vertes, décrite plus haut. L’objet de la plainte n’a pas été précisé. Cependant, si la photo peut avoir été prise n’importe où dans le monde, personne n’est dupe, c’est bien de la Bretagne qu’il s’agit. Mais, si un grand quotidien national comme Le Parisien ou Le Figaro avait fait sa Une sur l’invasion des côtes bretonnes par les algues vertes, le Comité du tourisme de Bretagne aurait-il porté plainte ? Rappelons qu’en 2007, le tribunal administratif de Rennes avait pointé « la carence de l'Etat dans la mise en oeuvre des réglementations européennes et nationales ». Le journal Libération soulignait alors que le tribunal relevé dans son jugement la régularisation « quasi-systématique » des élevages en excédent de cheptel mais aussi « l'insuffisance manifeste » des études d'impact sur l'environnement ou encore le manque de contrôle des installations. Autant de manquements constituant « une faute en relation directe avec la pollution nitratée des eaux à l'origine du phénomène des marées vertes ».
Qu’en retenir ?
Certes, FNE a voulu intentionnellement choquer. Il y fort à parier que les diverses réactions de la région Bretagne et du ministère de l’Agriculture avaient été anticipées. Mais l’association n’avait sans doute pas vu venir le coup porté par la RATP et sa régie Metrobus. Dans le contexte du Salon de l’Agriculture, on est en droit de se demander s’il s’agit d’une frilosité juridique ou politique. Enfin, et c’est très curieux, le ministère de l’Ecologie n’a pas encore fait part de sa réaction alors que le sujet touche tout autant l’environnement que l’Agriculture. Rappelons que NKM et Jean-Louis Borloo étaient, en 2007, à l’origine du Grenelle de l’Environnement.
Documents joints à cet article
36 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON