Eau du robinet : la France repousse sa détox aux nitrates
Plutôt que de régler le problème des nitrates, la France préfère s’exposer à une amende de 20 millions d’euros infligé par Bruxelles, via la Cour de Justice du Luxembourg.
Comme depuis 10 ans maintenant, l’Etat préfère laisser s’aggraver les contaminations et risquer une amende de 20 millions d’euros, que d’engager sa détox aux nitrates. Les chiffres sont pourtant accablants.
Depuis 2011, on sait que 41% des captages exploités pour l’eau du robinet ont été abandonnés, le plus souvent en raison d’excès de nitrates. Ces captages contiennent en moyenne deux fois plus de nitrates que leur taux naturel. Avec une moyenne de 23 mg/L, cette eau lorsqu’elle arrive au robinet n’est plus adaptée aux nourrissons de moins de 6 mois, population pour laquelle la norme maximale de nitrates dans l’eau est fixée à 10mg/L par l’Anses.
Conséquence : cette pollution de l’eau aux nitrates représente un surcoût de 640 à 1.140 millions d'euros par an pour les usagers. Et pourtant, plusieurs décisions ces derniers mois montrent que l’Etat fait le dos rond plutôt que de mettre en œuvre des solutions durables.
Ainsi en Mars dernier, les autorités ont-elles accordé un délai de 3 ans à l’application d’une disposition de Bruxelles qui imposait aux éleveurs de creuser des fosses de stockage des effluents. La disposition européenne est certes technique, mais la chronologie trahit la puissance d’inertie de l’Etat dans la lutte contre les nitrates : ce règlement que l’Europe tente de faire respecter en France date de 1991 !
Par ailleurs, un décret devait entrer en vigueur au 1er Juillet prochain pour interdire l’épandage et le stockage des effluents dans les zones les plus vulnérables, soit tout de même 18.860 communes. Une mesure de bon sens quand on voit la prolifération d’algues vertes sur les plages bretonnes. Ou quand on a consulté les données sur les teneurs en nitrates de l’eau courante, dans des départements comme la Seine et Marne ou le Pas de Calais.
Or en Mars dernier, les autorités ont une fois de plus décidé de jouer la montre en accordant un délai de 6 mois aux éleveurs pour mettre en œuvre ce texte. Alors même que la France est sous le coup d’une procédure de la Cour de Justice Européenne… Compte tenu de ce report, il est donc tout à fait probable que la France écope d’une amende de 20 millions d’euros !
Cette condamnation serait d’autant plus logique que même les tribunaux français condamnent l’Etat. Pour exemple, la Cour administrative d’appel de Nantes a contraint l’Etat à verser 12.430 € au village de Tréduder en Côtes d’Armor. Cette indemnité devait compenser les frais de ramassage et de traitement des algues vertes sur les plages de la commune. Saisit par des ONG environnementales, le même tribunal de Nantes avait déjà souligné des carences de l’Etat « constitutives d’une faute de nature à engager sa responsabilité », alors même que les mesures prévues « ne seront pas en mesure d’améliorer la situation avant de nombreuses années ». Avec la procédure européenne lancée en 2009, la France avait déjà frôlé une amende de 120 000 euros par jours pour avoir négligé la lutte contre la pollution aux nitrates.
Après de nombreux avertissements, on ne voit pas bien quelles circonstances atténuantes la Cour de Justice du Luxembourg pourrait trouver à la France, si mêmes les tribunaux français ont condamné l’Etat.
La France risque donc sérieusement, en période de récession économique, de se voir infliger une amende de 20 millions d’euros... Verdict en Août prochain.
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