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Les estimations sur l’état des réserves de ces énergies fossiles ainsi que sur le nombre d’années de consommation qu’elles représentent ne font pas l’objet d’un consensus clair. Cela étant, nous allons nous baser sur les chiffres des réserves prouvées qui ont été publiés par l’industrie (
BP Statistical review of world energy 2009).
La catégorie « Globalement » est calculée sur un raisonnement basique : si les réserves d’une source d’énergie s’épuisent, on la remplacera progressivement par une autre jusqu’à l’épuisement de l’entièreté des énergies fossiles. Nous arrivons dès lors à une réserve globale début 2010 correspondant à 77 années de la consommation actuelle.
Bien entendu l’hypothèse d’un rythme constant de consommation est critiquable car les chiffres de ses 20 dernières années nous montrent que la croissance de la consommation des énergies fossiles est en moyenne d’1,9% l’an. Néanmoins, la crise financière a plongé récemment l’économie en récession et il est raisonnable de penser que les besoins énergétiques vont diminuer dans de nombreux secteurs. Cette crise pourrait donc même, selon son intensité, augmenter indirectement nos réserves de quelques années.
Quoi qu’il en soit, force est de constater que l’analyse de nos réserves nous apprend qu’elles sont très loin d’être inépuisables. Au contraire, à l’échelle du temps humain, nous sommes d’ores et déjà au pied du mur puisque ce n’est l’espace que de deux générations.
Cela signifie-t-il pour autant que nous allons connaître la tranquillité pendant ce laps de temps ? Certainement pas ! Car nous avons abordé ici le problème qu’en terme de réserve et de consommation mais deux autres aspects importants manquent au raisonnement : la production et le prix.
En effet, toute production issue d’un stock non renouvelable ne peut rien faire d’autre que de commencer à zéro, passer par un maximum et décliner à nouveau vers zéro. Pour le pétrole, l’agence internationale de l’énergie (AIE) a déclaré l’été dernier que le pic pétrolier arriverait dans les
10 prochaines années alors que parallèlement des entreprises privées (Virgin Group, Yahoo et d’autres) parlent plutôt de
3 années. Tôt ou tard, l’offre va donc diminuer tandis que la demande va rester forte lorsque l’on sait que la Chine et l’Inde, notamment, sont en train de développer leur marché intérieur. (
28 véhicules pour 1000 habitants en Chine et 13 en Inde, le potentiel de hausse de la consommation du pétrole dans ces pays est évident)
La conséquence d’une offre en diminution et d’une demande soutenue est incontestable d’un point de vue économique : la tendance moyenne du prix du pétrole sera inévitablement à la hausse. Sachant que le prix du baril sert aussi d’étalon pour le prix des autres énergies fossiles, cela sous-entend que si le prix du pétrole augmente, c’est le prix de toute l’énergie qui augmente (c’est le cas de l’électricité puisque, dans le monde, les 2/3 de cette dernière sont fabriqués avec des combustibles fossiles).
Et après ? Après, si le prix du pétrole augmente vite, c’est... la récession. Tout cela est normal : l’économie, ce n’est qu’une succession de transformations physiques et chimiques effectuées à partir des ressources naturelles, et, par définition, il n’existe pas de telles transformations sans énergie. Dès lors, tout devient très simple : un prix de l’énergie qui baisse, ce sont des transformations rendues moins onéreuses et donc une économie qui croît, et, à l’inverse, une énergie qui augmente rapidement, c’est la récession à peu près assurée.
Ce qui nous attend risque fort d’être plus une succession de récessions brièvement entrecoupées de rémissions...
Mais ne pourrait-on pas se passer des combustibles fossiles ? Les médias nous harcèlent avec les énergies renouvelables, suffit-il de remplacer les énergies fossiles par les énergies renouvelables pour que tout rentre dans l’ordre ?
L’ORMEE, l’Observatoire sur le Relais Médiatique des Enjeux Energétiques, constitué de scientifiques bénévoles, a effectué une simulation basée sur une augmentation de l’utilisation des renouvelables dans l’Europe des 15. Les chiffres utilisés sont très ambitieux, on peut même les considérer comme utopiques. En effet, ils utilisent les hypothèses suivantes :
- Augmentation de 25% de la production d’énergie hydraulique. (alors que l’UE envisage une croissance de 15% pour 2030)
- Le quart du territoire de l’Europe des 15 serait alloué à la biomasse. (ce qui entrainerait une mise en compétition de l’usage des sols entre l’alimentaire et la biomasse)
- 10m2 de panneaux solaires par habitant. (ce qui équivaudrait à couvrir l’entièreté des versants sud des toitures d’Europe)
- 1 éolienne pour 1000 habitants. (ce qui donnerait une puissance de plus de 10.000 mégawatts à un pays comme la Belgique alors que la situation à la fin 2007 n’était que de 287 MW)
- Un décuplement de l’utilisation de l’énergie géothermique.
Avec ces hypothèses très optimistes, les énergies renouvelables permettraient de couvrir uniquement le quart de la consommation actuelle en Europe. Les énergies renouvelables ne peuvent donc représenter, à elles seules, la solution !
Mais si les énergies renouvelables peuvent au mieux nous fournir 25% de notre énergie, pourquoi ne pas simplement compter sur le nucléaire pour nous fournir les 75% restant ?
Actuellement, l’énergie nucléaire représente environ 15% du totale de l’énergie en Europe des 15. Pour quintupler ce chiffre, il nous faudrait une centrale nucléaire d’1 gigawatt avec quatre réacteurs par million d’habitant. Cela nécessiterait la construction de
400 centrales de ce type pour un montant approximatif de
3.600 Milliards de $.
Outre le problème majeur du financement, viendrait également s’ajouter les problèmes de la gestion des déchets radioactifs ainsi que le ’’traitement’’ de l’opinion publique qui ne serait certainement pas favorable à la mise en œuvre de nouvelles centrales proches de chez elle. Dès lors il est très peu probable qu’à moyen terme, l’énergie nucléaire (de type fission) vienne palier au tarissement des énergies fossiles.
L’humanité ne peut se passer des énergies fossiles alors que parallèlement elles vont commencer à tarir. Le système actuel ne pourra donc pas perdurer. Mais qu’elle en est la cause primordiale ? La réponse est vite trouvée : notre modèle économique est une folie pure !
En effet, celui-ci repose entièrement sur la croissance. Et si l’on regarde d’un point de vue mathématique ce que sous-entend un système basé sur une croissance annuelle de 2%, on se rend compte de suite de l’absurdité même de ce système économique car lorsqu’on applique continuellement un pourcentage de croissance à une quantité, la courbe de croissance qui en résulte est exponentielle, elle tend vers l’infini. Cela nous donne un système économique tendant vers l’infini reposant sur une énergie qui ne l’est pas, bref un système voué à l’échec !
D’ailleurs à présent que les indicateurs passent au rouge et commencent à décroître, les médias nous parlent d’une crise économique majeur. Cette fois ils ont raison, le mot crise est tout à fait approprié lorsque notre modèle économique nous démontre son inadéquation : dès que la croissance économique est absente, ce sont les licenciements, les saisies immobilières et les drames sociaux qui sont en croissance. C’est ce cocktail explosif qui constitue le phénomène de la croissance négative.
Ceci n’est pas à confondre avec la décroissance qui elle se veut volontaire et planifiée par l’homme, un véritable changement de paradigme. Ce sera loin d’être une chose aisée, il faudra tout d’abord se convaincre d’être plus heureux avec moins. Après quoi, il faudra intégralement repenser notre organisation sociétale : relocalisation du travail, de l’alimentaire, du commerce et bien entendu de la consommation. Passer du capital financier au capital humain. En bref, une véritable révolution…
Il nous faut renoncer à l’imaginaire économique, à cette croyance que plus égale mieux, à ce règne de la quantité. Il est grand temps de passer au règne suivant, celui de la qualité.