Environnement : la malédiction du 77
Aujourd’hui, 126 000 habitants de Seine et Marne reçoivent une eau du robinet qui ne respecte pas les normes de qualité du fait de teneurs en pesticides et nitrates excessives. Ils étaient déjà 200 000 en 2005. D’où vient cette malédiction environnementale dans le 77 ?
A côté de Paris, c’est un point noir qui fait tâche sur la carte des pollutions en France. La Seine et Marne est de loin le département dont les ressources en eau sont les plus polluées de France. Du Domaine de Fontainebleau aux donjons de Disneyland, l’eau affiche dans une trentaine de communes des teneurs en pesticides et nitrates anormalement élevées.
En plus de pollutions liées à l’agriculture, la Seine et Marne compte également un grand nombre de déchetteries, ce que dénoncent de nombreux élus : « On représente 50% du territoire de l'Ile-de-France et on accueille 65% des déchets inertes - déchets minéraux principalement issus des chantiers des travaux publics -soit 5 millions de tonnes par an » explique Vincent Eblé, le président du Conseil Général. Conséquences : ces déchets impactent « les milieux naturels, la qualité et le régime des eaux et génère de la pollution par les transports », soulignent les élus.
D’autres élus comme Yves Jégo mettent en cause la ville de Paris, qui depuis des années puiserait des des dizaines de milliers de m3 d'eau équivalent à la consommation de 750.000 habitants – représentant la moitié de la population du 77 - sans jamais indemniser le département, pourtant confronté à de lourds investissements dans la dépollution.
Aussi, quand la ville de Paris décide de baisser de 8% le prix du mètre cube à Paris en 2011 et de fournir les habitants de l’Essonne, le député de la 3ème circonscription du 77 se lâche sur son blog : « D'un côté les habitants de Paris bénéficient d'une eau abondante à un prix de moins en moins élevé en raison de la qualité des eaux de la Seine-et-Marne. De l'autre côté, les habitants de Seine-et-Marne voient cette ressource partir vers la capitale tout (…) en étant obligé de payer une eau plus chère qu’à Paris, puisque prélevée dans des nappes plus polluées que celles exploitées par la ville de Paris » fait valoir le Maire de Montereau-fault-Yonne.
Lorsqu’on regarde le relevé des pollutions retrouvées dans l’eau, ce sont bien les pesticides, au premier rang desquels l’atrazine, qui ont contaminé les sols.
On a d’ailleurs souvent négligé d’informer les populations sur la qualité de l’eau, notamment les populations vulnérables comme les femmes enceintes ou les femmes allaitantes, lorsque les teneurs en nitrates et atrazines dépassaient les normes fixées par l’OMS. Pour preuve, cet extrait édifiant du documentaire Du poison dans l’eau du robinet :
Du poison dans l'eau : Seine et Marne - France... par igepac
3 solutions ?
Après deux Plans départementaux de l’eau, il serait injuste de dire que les autorités restent passives. « Nous aurions pu réagir plus rapidement, mais il y a eu une très forte augmentation de la pollution en quelques années » confie Jacques Place, le sous-directeur chargé de l’eau au conseil général dans les colonnes du Parisien.
Deux grandes options sont mises sur la table selon le Parisien : la construction de nouvelles usines de traitement, dont tout le monde s’accorde à dire que le coût serait pharamineux pour dépolluer l’eau de toutes les communes concernées. Où l’approvisionnement en eau du département issu de nappes phréatiques plus lointaines. Une solution qui - selon Marie-Paule Duflot, élue écologiste du département - « ne fait que repousser le problème car cette eau est remplie d’hormones et d’antidépresseurs qui ne rentrent pas dans les critères de notation pour l’instant », toujours selon le Parisien.
Il existe une troisième solution, timidement et tardivement mise en œuvre par les autorités. Elle consisterait à délimiter des périmètres de sauvegarde, en contraignant les agriculteurs à réduire l’usage de pesticides et de nitrates dans un rayon de 100 km autour des captages.
Un projet qui se heurtera probablement à la résistance des exploitants agricoles, qui emploient 48 000 salariés dans le département, soit presqu’autant que l’industrie. Mais dont le report pourrait coûter beaucoup plus cher : la France vient une fois de plus d’être assignée devant la Cour de Justice de l'Union européenne, pour sa mauvaise application de la directive nitrates. En 2007 déjà, la France avait échappé de justesse à une condamnation de 28 millions d’euros pour son inertie face aux pollutions aux nitrates. Les tribunaux français commencent également à durcir le ton : l’année dernière, un agriculteur avait obtenu une condamnation de l’Etat après avoir développé un cancer en raison de substances toxiques contenues dans des pesticides et herbicides.
Sur un plan environnemental, sachant que de nombreux produits agricoles restent plus de 10 ans dans les terres, les résultats ne pourront être perçus que dans quelques années. D’ici là, on aura peut être mesuré précisément la portée des impacts sanitaires liés à l’exposition des populations aux produits polluants sur de longues périodes… En attendant, la malédiction du 77 semble avoir encore de beaux jours devant elle.
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