Gilets jaunes : Emmanuel Macron explique sa transition écologique
Concilier les fins de mois …avec la fin du monde !
Au Palais de l’Élysée à Paris, ce mardi 27 novembre 2018, pendant près d’une heure, le Président de la République Emmanuel Macron a présenté sa politique concernant la transition écologique, et a voulu l’associer à une "transition sociale". Prévu dès le 22 novembre 2018, ce discours, officiellement, n’était pas une réponse au mouvement des "gilets jaunes", mais implicitement, il a pour objectif de rassurer les inquiets et d’apaiser les "gilets jaunes" en colère.
Ceux qui considèrent qu’Emmanuel Macron n’a pas entendu ou n’a pas écouté les manifestants appelés "gilets jaunes" depuis une dizaine de jours seront de mauvaise foi. Celle de la manipulation politique, ce qui est de bonne guerre dans le jeu politicien mais qui ne fait rien avancer de constructif. Emmanuel Macron a voulu séparer les citoyens en colère ou inquiets pour leur pouvoir d’achat ou celui de leurs proches de ceux qui ont commis des actes d’extrême violence.
Il me semble qu’Emmanuel Macron a su habilement présenter sa politique. D’une part, en refusant de changer de cap (tout gouvernement qui renonce finit par perdre tant politiquement qu’électoralement), mais sans être aveugle pour autant de la détresse de nombreux citoyens (cette double idée était le "teasing" du porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux à l’issue du conseil des ministres du 26 novembre 2018). D’autre part, en apportant une vision à long terme de ce qu’il entreprend.
Je reviendrai dans un article ultérieur sur la pertinence ou pas d’une transition écologique. Ce n’est pas la question ici, ni dans cet article ni dans les propos présidentiels. La question ici n’est pas "pourquoi" mais "comment". Il est vrai que le "pourquoi" aurait mérité d’être posé avant le "comment", mais j’y reviendrai.
Emmanuel Macron a d’abord présenté son programme d’action pour la transition écologique, et ensuite, il a exprimé sa volonté de changer de méthode en prenant plus appui sur la "base", sur le "terrain", sur les "territoires", sur le "peuple". En somme, plus appui sur la "société civile".
J’approuve son programme de transition écologique car je le crois raisonnable, logique et anticipateur. Je n’approuve pas forcément sa nécessité (je le répète, c’est une autre question), mais s’il fallait en faire un, celui présenté ce 27 novembre 2018 me paraîtrait adapté.
Ainsi, sur le plan énergétique, Emmanuel Macron a annoncé la fermeture de toutes les centrales thermiques au charbon d’ici à 2022. Cela me paraît d’autant plus justifié que certains pays en ouvrent même de nouvelles (y compris parmi nos voisins), ce qui paraît effarant.
Il a annoncé 8 milliards d’euros (au lieu des 5 milliards d’euros actuellement) consacrés annuellement au développement des énergies renouvelables. Il a cité l’éolien (avec un parc marin au large de Saint-Nazaire) et le photovoltaïque. Il a aussi cité la géothermie et également l’hydraulique quand les conditions géographiques le permettent. Concernant les véhicules électriques, il a annoncé également un plan pour permettre à l’industrie française de fabriquer ses propres batteries.
Concernant le nucléaire, il m’a paru raisonnable et réaliste. Il a rappelé que l’énergie nucléaire était une énergie propre, décarbonée et économique. Il a cependant gardé le cap de la part du nucléaire réduite à 50% de la production d’électricité, mais en le repoussant dans le calendrier de 2025 à 2035. Dans son esprit, cela signifie surtout augmenter la production d’énergie renouvelable plus que réduire la production d’énergie nucléaire.
Concrètement sur le parc nucléaire, Emmanuel Macron a confirmé la fermeture des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim en 2020 et la fermeture de douze autres réacteurs nucléaires entre 2025 et 2035. Ce plan ne s’opposera pas aux éventuelles décisions de l’agence de régulation qui, pour des raisons de sécurité, préconiserait la fermeture de certains réacteurs.
De plus, Emmanuel Macron a considéré avec raison qu’il fallait absolument poursuivre la recherche sur le nucléaire et qu’il n’était pas question de réduire les budgets de la recherche sur ce sujet. Il a dit que la recherche serait aussi encouragée sur le stockage d’énergie car la production des énergies renouvelables (soleil, vent, eau) est intermittente et donc, tant qu’il n’y aura pas un moyen technologique de stocker l’électricité, les énergies renouvelables manqueront en efficacité comme solution écologique.
Emmanuel Macron a "hérité" d’une trentaine d’années de politique incohérente ou sans vision sur l’énergie et les "gilets jaunes" semblent vouloir lui faire porter la responsabilité de ses prédécesseurs. Néanmoins, il ne s’est pas caché derrière le passé et a largement accepté sa responsabilité puisque c’est lui qui est au pouvoir et qu’il est donc en mesure de faire changer les choses.
Il a souligné les injonctions paradoxales dans les revendications des "gilets jaunes" entre baisser voire supprimer les taxes et augmenter les services publics. Ce qu’il n’a pas rappelé, en revanche, c’est que le budget 2019 va avoir 100 milliards d’euros de déficit, soit 20 de plus qu’en 2018. La situation financière de la France est donc loin d’être assainie : on dépense toujours trop et c’est la raison pour laquelle le gouvernement ne veut pas céder sur les taxes.
Justement, sur les taxes sur les carburants, Emmanuel Macron a rappelé que ces taxes et ces augmentations de taxes ne proviennent pas de son action mais ont été décidées par ses prédécesseurs. Il les a cependant approuvées, sinon, il aurait eu les moyens de les supprimer. Il a repris l’idée des années 2000 de faire une taxe flottante qui serait réduite en cas d’augmentation forte du baril du pétrole et augmentée en cas de baisse, afin de lisser le prix à la pompe. C’était l’une des revendications des "gilets jaunes" qu’il a semblé donc reprendre à son compte. Il compte mettre en place ce mécanisme dans trois mois, ce qui ne dit rien sur l’augmentation prévue au 1er janvier 2019.
Trois mois, c’est le temps aussi qu’Emmanuel Macron se donne pour faire une large consultation avec tout le monde, tous les partis, les associations, les syndicats, les acteurs sociaux et économiques, et donc, il a laissé la possibilité aux "gilets jaunes" de venir aussi débattre, pour accompagner socialement cette transition écologique et rendre compatible les préoccupations de fins de mois avec celles de la "fin du monde". Il faut que les inégalités économiques ne soient pas renforcées par la transition écologique.
J’aurais fustigé cette expression très exagérée du "fin du monde" (indépendamment de l’exagération planétaire, même la fin de la Terre ne signifierait pas la fin du monde, ou alors, la conception du monde serait très restreinte alors qu’on a déjà découvert des centaines de milliards d’amas de galaxies), si je n’avais pas compris que c’était évidemment un "clin d’œil" présidentiel à son ancien ministre Nicolas Hulot qui avait évoqué cette problématique de "fin du monde" et de "fins de mois" dans sa prestation à "L’émission politique" sur France 2 le 22 novembre 2018.
Emmanuel Macron n’a pas détaillé les moyens d’organiser cette grande consultation nationale, ce sont Édouard Philippe et François de Rugy qui sont chargés de ce travail, mais il est clair qu’il a compris que la transition écologique devait être un mouvement qui soit acceptable par la grande majorité des citoyens, et que des mesures sociales doivent forcément accompagner les mesures ambitieuses sur la manière de se déplacer ou de se chauffer, la manière de produire étant plutôt réservée aux entreprises qui ont d’autres préoccupations que la seule "fin du mois".
Ainsi, au-delà des aides déjà créées comme l’aide à la conversion et le chèque énergie, on peut imaginer (je m’avance car ce n’est qu’une suggestion personnelle) que l’État puisse garantir des emprunts à taux faible voire zéro pour l’acquisition d’un véhicule considéré comme "propre" ou pour des travaux de rénovation du logement pour réduire les déperditions calorifiques.
Personne ne peut reprocher à Emmanuel Macron de prendre des décisions. On lui aurait reproché tout autant de n’en prendre aucune si cela avait été le cas. En revanche, il ne doit plus prendre de décisions hors-sol. En ce sens, il semble avoir compris qu’il faut impliquer le peuple dans sa politique. La leçon de l’hiver 1995-1996 doit être acquise.
Ceux qui considéreront qu’accepter la concertation que le gouvernement propose serait un acte de trahison du mouvement des "gilets jaunes" seront les vrais manipulateurs de la crise actuelle. Le Président de la République propose une ouverture à la discussion, la refuser serait incohérent de la part de ceux qui, légitimement, se sentent rejetés par la société actuelle et par la politique nationale actuelle, se sentent incompris, se sentent peu écoutés. La concertation que propose Emmanuel Macron est donc l’occasion idéale pour que toute cette détresse sociale réelle remonte jusqu’aux oreilles des gouvernants.
Mais cette solution est une solution de construction. Ce n’est pas forcément l’objectif de certains responsables politiques qui, aux extrêmes, ont misé sur l’échec d’Emmanuel Macron, au risque de miser sur l’échec de la France et des Français…
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (27 novembre 2018)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Discours du Président Emmanuel Macron le 27 novembre 2018 à l’Élysée (texte intégral).
Gilets jaunes : Emmanuel Macron explique sa transition écologique.
Christophe Castaner, à l’épreuve du feu avec les "gilets jaunes".
L’irresponsabilité majeure des "gilets jaunes".
Gilets jaunes : démocratie des urnes et grognement des rues.
Les taxes sur les carburants compenseraient-elles la baisse de la taxe d'habitation ?
Le bilan humain très lourd de la journée des "gilets jaunes" du 17 novembre 2018.
Gilets jaunes, au moins un mort et plusieurs blessés : arrêtez le massacre !
Emmanuel Macron, futur "gilet jaune" ?
Le Mouvement du 17-novembre.
Emmanuel Macron.
Édouard Philippe.
La taxation du diesel.
L’écotaxe.
Une catastrophe écologique ?
Amoco Cadiz (16 mars 1978).
Tchernobyl (26 avril 1986).
AZF (21 septembre 2001).
Fukushima (11 mars 2011).
L’industrie de l’énergie en France.
La COP21.
GIEC : la fin du monde en direct, prochainement sur vos écrans !
Vibrez avec la NASA …ou sans !
Le scandale de Volkswagen.
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