Greenpeace à la centrale de Fessenheim : chapeau bas !
Et pour ses dirigeants, pour ses militants ayant investi la plus vieille centrale nucléaire française dont la destinée sous le règne de notre Présimonarque actuel est des plus indécises, pour fêter leur courage : champagne, s’il vous plait !
Mardi 18 mars à l’aube, deux jours avant le sommet des chefs d’Etat européens qui se réunissaient pour décider de l’avenir de l’énergie en Europe, 60 militants de Greenpeace, de 14 nationalités différentes, débutaient, vers 5h30, une opération surprise visant à déployer des banderolles depuis le toit des batiments réacteur sur lesquels se sont hissés une quinzaine d’entre eux au nez et à la barbe des gendarmes chargés de la surveillance du site. Et pourtant, suite à une précédente intrusion de militants de Greenpeace cette fois dans la centrale du Tricastin, la protection des centrales françaises avait déjà été renforcée. Peine perdue ; tout comme l’argent des citoyens… Qui plus est cette action d’envergure, mobilisant en plus cinq zodiacs sur le Rhin et un hélicoptère, n’a à aucun moment mis en danger le fonctionnement de la centrale. C’est dire son très haut niveau de préparation et de sérieux.
Le message, en anglais, était clair : « Stop risking Europe » (« Ne mettez pas l’Europe en danger »). Et de manière magistrale il a été entendu partout en Europe, et dans l’ensemble du monde. Greenpeace décidément ne fait pas les choses à moitié. A quelques jours du premier tour des municipales, deux mois avant les Européennes, Greenpeace s’invite encore une fois et de façon particulièrement spectaculaire dans le débat politique.
Il était attendu avec beaucoup d’impatience que la célèbre organisation anti-nucléaire, qui jusqu’alors avait choisi la stratégie consistant à mettre l’accent sur l’ensemble des centrales nucléaires de plus de 30 ans au détriment finalement de la plus ancienne centrale de France et cela avec un succès pour le moins relatif, s’engage à Fessenheim. A Fessenheim bien sûr, puisque sa fermeture est politiquement la plus accessible, afin de rappeler à François Hollande l’engagement pré-électoral du Parti Socialiste de fermer « immédiatement » cette centrale en cas de victoire aux présidentielles. Un accord que les dirigeants de la « Firme » d’EELV une fois confortablement installés dans leurs maroquins se sont empressés d’oublier. La consigne politique à EELV pendant 18 mois était : ne surtout rien faire qui puisse déplaire à notre Présimonarque, lequel s’était rapidement déclaré non concerné par l’engagement signé par Martine Aubry. Un accord que Jean-François Julliard, le Directeur général de Greenpeace France, fort de son succès, s’est bien sûr empressé de rappeler aux dirigeants d’EELV. Telle une mule entêtée et trop grassement nourrie, la Firme n’avance en effet que sous les coups de fouet. Ou sous l’effet d’une épée de Damoclès placée au dessus de sa tête.
Et pour une fois la réaction d’EELV, dont on se souvient de l’absence de soutien à Stéphane Lhomme dans son procès contre Areva (quand en revanche le ministre Canfin - avec quel courage ! - soutenait la multinationale…) a été à la hauteur de l’évènement : EELV a félicité et remercié Greenpeace !!! C’est assez rare pour le souligner malgré toute la rancœur que l’on peut ressentir désormais pour cette organisation. Même Pascal Durand (mais il n’est plus son secrétaire général, quand en revanche il est candidat aux Européennes…) et Denis Baupin, vice-président de l’Assemblée Nationale, y sont allés du même couplet ! Ayant enfin compris que les ministres EELV sont indéboulonnables, pourquoi se taire ? Et puis il est vrai que les élections essentielles pour EELV sont désormais très proches… Mais le plus étonnant, après qu’Eva Joly ait envisagé une sortie du gouvernement si la centrale de Fessenheim n’était finalement pas fermée, c’est que cette hypothèse soit désormais partagée par Denis Baupin lui-même. Imaginez l’impact d’une telle décision si EELV l’appliquait fin 2016 en pleine campagne présidentielle parce que Hollande n’aurait pas fermé Fessenheim à cette date !
On le sait, Hollande n’a jamais eu la conviction de la nécessité de fermer Fessenheim. Depuis son reniement originel du contrat passé avec EELV il n’a jamais envisagé d’annoncer sa fermeture « immédiate » après son élection. La chose n’avait pourtant rien politiquement d’impossible si l’on se réfère à la décision de la Première ministre québécoise, Pauline Marois, qui, conformément à son engagement de campagne et alors même qu’elle n’est pas écologiste, n’a pas hésité à proclamer la fermeture de la centrale nucléaire du Québec dès le deuxième jour de son mandat. Fort de ce constat il était essentiel d’agir rapidement pour empêcher que le nom lui-même de la centrale de Fessenheim disparaisse des médias ; et à la faveur de l’impéritie coupable d’EELV qu’il s’efface même d’être une priorité dans l’esprit des militants antinucléaires. Si certains se sont employés dans le plus bref délai à faire obstacle à l’amnésie progressive de cet accord politique, l’essentiel est bien, même tardivement, que la pression concernant la fermeture de Fessenheim ait pu continuer à s’exercer sur Hollande et EELV. Et qu’elle puisse se poursuivre dans une succession d’actions aussi exemplaires les unes que les autres à l’instar de la récente démonstration de Greenpeace, même si aucune désormais ne pourra sans doute atteindre un tel niveau d’efficacité médiatique.
La tournée récente en France de Naoto Matsumura, « le dernier homme de Fukushima », et sa venue à Fessenheim est à ce titre l’une de ces actions que l’on doit féliciter même si elle a suscité la polémique (car la polémique est une manière de lutter contre l’omerta), tout comme les manifestations organisées sur les ponts du Rhin.
Mais si le 3ème anniversaire de Fukushima se prête à ce genre de manifestations, qu’en sera-t-il le reste de l’année quand la dimension commémorative aura fini de produire son effet ? Car Hollande et EELV ont malheureusement besoin d’une pression permanente et de grande intensité pour agir. Et il est impératif qu’à cet effet le désert médiatique ne puisse pas s’installer.
L’imagination n’a guère de limite, et les sujets de médiatisation de Fessenheim ne demandent qu’à pouvoir être exprimés. Comment par exemple nous offrir à d’autres reprises le plaisir d’observer le syndicat CGT de la centrale, désormais à bout d’arguments, être pris de nouveau en flagrant délit de mensonge éhonté comme ce fut le cas à l’occasion de l’opération de Greenpeace, et parvenir à en faire un buzz sur le net ?
Spectaculaire intrusion de Greenpeace à Fessenheim – La réaction de la CGT - YouTube
Son attitude d’opposition systématique, de refus de tout dialogue, son autisme progressif devrait devenir de plus en plus impossible à justifier. Sa récente attitude de mépris à l’égard de l’invitation des militants antinucléaires d’Alsace de rencontrer Naoto Matsumura la condamne tout autant. Jusqu’à quelle extrémité la CGT de Fessenheim et la fédération énergie de la CGT vont-ils aller quand désormais Greenpeace vient de leur démontrer que les centrales, et en particulier celle de Fessenheim, sont des passoires mettant dans le plus grand danger les populations d’une grande partie de l’Europe ? Peut-on espérer que les syndicalistes lucides (Les « autres voix » syndicales de Fessenheim) finissent par imposer leur vision sur une situation qui, sinon, pourrait devenir inextricable. Et éminemment dangereuse si elle devait aboutir à des actes irrationnels de défense autistique.
Alors encore mille bravos à Greenpeace. Mais aussi bravo à tous les militants antinucléaires qui grâce à leur engagement continu permettent de préparer les médias à la pleine réalisation médiatique d’actions comme celle de Greenpeace. Avec une attention particulière en direction de militants comme Pierre Fetet, du blog « Fukushima », co-initiateur de la tournée de Naoto Matsumura, Olivier Cabanel qui sur ce site oeuvre à ce que l’omerta sur Fukushima ne puisse s’installer, les Veilleurs de Fukushima, les militants alsaciens du Parti de Gauche et enfin les militants antinucléaires alsaciens qui depuis tant d’années ont su maintenir une pression politique sans faille. Ce qui ne va pas de soi dans un pays où la politique du secret et de l’obscurantisme nucléariste produit son effet comme probablement dans aucun autre pays. Dans cette France où parce que De Gaulle a été à l’origine du processus nucléocrate, il devient quasiment impossible de le remettre en question.
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