La passoire nucléaire
Au moment ou Greenpeace vient de prouver, d’une façon non violente et magistrale, la totale inefficacité des services de sécurité nucléaire, s’introduisant en quelques minutes dans l’enceinte de 2 centrales nucléaires, il est temps de dénoncer le risque que font courir aux populations la proximité des centrales nucléaires.
L’opération commando des 9 militants s’est déroulée dans la matinée du lundi 5 décembre, vers 6h, au moment où les gardes nucléaires, profitant peut-être du répit dominical, ont baissé la garde, mais qui pourrait trouver une excuse à cette absence de vigilance, surtout lorsqu’il s’agit d’installations nucléaires. vidéo
D’autant que ce n’était pas une première. lien
Les militants de Greenpeace ont précisé : « nous communiquerons plus tard les détails, mais on a atteint le réacteur de la centrale de Nogent en 15 minutes, sans difficulté, en passant par la terre. Pas besoins de moyens surhumains (hélicoptères ou autres). Je précise qu’on n’avait pas les clés ! (…) on a atteint notre objectif ». lien
Et puis le 6 décembre, on apprenait que 2 autres militants avaient réussi a passer 14 heures dans l’enceinte de la centrale de Cruas-Meysse. lien
Rappelons qu’il suffit qu’une alimentation d’eau de refroidissement pose problème, et que les groupes électrogènes de secours soient en panne, pour qu’un accident nucléaire majeur, comme on l’a vu a Fukushima, ne se déclare.
Or, en ne mettant qu’un petit quart d’heure pour pénétrer dans l’enceinte de la centrale de Nogent, malgré les barbelés, les défenses électriques, et la « vigilance » des forces spéciales, les militants pacifistes de Greenpeace ont prouvé l’insécurité du système.
Si l’intrusion avait été menée par un groupe terroriste, ils auraient peut-être eu le temps de provoquer la rupture du circuit de refroidissement, et de mettre aussi hors d’état de fonctionner les groupes électrogènes de secours.
Dès lors, on se retrouvait dans la même situation qu’à Fukushima.
Le réacteur, privé de circuit de refroidissement aurait commencé à chauffer, et comme les relais de secours des groupes électrogènes n’auraient pu fonctionner, le cœur du réacteur aurait fondu en moins de 3 heures, provoquant la catastrophe que l’on sait, qui aurait non seulement rendu ce territoire inhabitable pendant des dizaines d’années, voire plus, et provoqué l’exode de dizaines de milliers de femmes et d’hommes.
Mais on peut aller plus loin.
Le fameux EPR tant prôné par l’autocrate président souffre de nombreuses tares.
Comme l’a indiqué un rapport qui devait être tenu secret, cette installation « révolutionnaire » ne résisterait pas à la chute volontaire, ou pas, d’un avion de ligne, et présente des défauts de conception. lien
Mais ce n’est pas tout : une dépêche de l’AFP du 1er décembre 2011 raconte par le détail la visite surprise de 2 parlementaires qui ont découvert avec effroi que le personnel de secours avait été loin de réaliser les missions de sécurité qu’on leur avait imposé.
Claude Birraux, député UMP et président de l’OPECST (office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) s’était rendu pour une visite surprise à la centrale de Paluel.
A sa demande, l’ASN (autorité de sureté nucléaire) a simulé un accident similaire à celui de Fukushima, soit une perte totale d’alimentation électrique, et une panne du groupe électrogène de secours.
L’alerte fictive a été lancée à 22h.
A 23h30 les agents qui géraient la « difficulté » cherchaient une clé nécessaire pour ouvrir un panneau d’alimentation électrique.
Hélas, la clé était « en commande » et donc indisponible.
A minuit, l’équipe de choc pénètre dans le local électrique du réacteur n°1 et constatent que « les indications du document de procédure ne correspondent pas au panneau électrique ».
Ils contournent la difficulté en décidant de se raccorder au réseau du réacteur n°3.
Ils ont un nouveau problème : le local n’est pas numéroté.
Il y a un doute (dixit le communiqué de l’AFP) les clés sur le panneau sont-elles mal étiquetées, ou bien sommes nous dans le mauvais local et comme le local n’est pas non plus numéroté, ça ne « facilite pas la manœuvre » a ajouté le député.
Agacement de l’ASN qui se plaint que « la procédure comportait « de nombreuses erreurs (…) lacunes (…) à l’évidence pas opérationnel ».
En même temps, un sénateur, Bruno Sido, vice président de l’OPECST mènait une opération convergente à la centrale du Blayais.
Il a fallu une demi-heure, et 4 personnes pour tenter de répondre à une situation de crise.
La question posée était « quel est le critère conduisant à l’arrêt du pompage d’eau en cas d’inondation ».
Ces « professionnels de la sécurité » cherchaient en vain dans la rubrique « pompage » une information qui était dans la rubrique « inondation ». lien
Rappelons au lecteur que cette même centrale du Blayais avait connu en 1999 des évènements graves qui avaient conduit Alain Juppé, alors maire de Bordeaux à envisager l’évacuation des plus de 200 000 habitants de la ville.
La catastrophe avait été évitée de justesse. lien
Quant au sénateur, Claude Sido, il est revenu sur l’intrusion de Greenpeace du 5 décembre déclarant « on peut toujours pénétrer dans un endroit interdit (…) la sécurité à 100% n’existe pas, des gens déterminés arriveront toujours à essayer de pénétrer » puis évoquant les inspections surprises au Blayais et à Paluel, il a constaté, concernant la centrale du Blayais « qu’ils ont mis une demi heure pour trouver la bonne procédure », puis concernant la centrale de Paluel, il a ajouté qu’à Fukushima, « pendant plus de 2 jours ils n’ont rien fait ». lien (régler le curseur à 29’)
Or, c’est totalement faux : devant la rupture du refroidissement, et la panne des groupes de secours, les Japonais ont tenté tout de suite, mais en vain de sauver la situation. lien
Nous savons maintenant que 3 petites heures après le séisme, le combustible du réacteur n° 1 avait totalement fondu. lien
Conclusion, si la situation provoquée à Paluel n’avait pas été un simple exercice, mais la réalité, nous aurions pu nous trouver dans la même situation qu’à Fukushima.
Mais Eric Besson ne retient qu'une chose : s’il était prouvé que des personnes non habilitées aient pu parvenir à pénétrer dans l’enceinte d’une centrale nucléaire, « cela veut dire qu’il y a eu des dysfonctionnements et qu’il faudra prendre des dispositions pour que ça ne se reproduise pas ». lien
Il oublie de préciser que si ces personnes « non habilitées » avaient été animées de mauvaises intentions, il y aurait eu des sanctions pour quelques millions de français.
Henri Gaino, jugeant l’action « irresponsable », a reconnu « que cela fait quand même réfléchir sur la sécurisation des accès aux centrales nucléaires (…) il va falloir en tirer les conséquences ». lien
Sauf qu’il est probable que pour lui, comme pour l’autocrate président, il n’est toujours pas à l’ordre du jour de sortir du nucléaire.
A Fukushima, près de 9 mois après la catastrophe, TEPCO signale une nouvelle fuite radioactive de 45 tonnes d’eau (lien) mais selon d’autres informations parues dans « Fukushima Diary », il s’agirait en fait de 220 tonnes dont une partie se serait écoulée dans la mer.
Cette eau, contaminée à 45 000 Bq/L de césium, soit 300 fois plus que la norme, contient aussi 1 million de fois plus de strontium que la norme. lien
De toutes façon Tepco a fini par admettre le 4 décembre que les égouts de Fukushima communiquaient directement avec l’océan, ajoutant : « quand il pleut, le niveau de l’eau augmente, mais une fois la fin de la pluie, le niveau descend progressivement, ce qui signifie qu’il existe des fuites… ». lien
Quant aux lumières/feux (?) aperçues depuis plusieurs jours, d’après Arnie Gundersen, il y aurait une accumulation d’hydrogène à l’intérieur du confinement à Fukushima, laquelle serait due à la réaction en chaine, et aux « décompositions radioactives ».
Arnaud Gundernsen démontre que, lorsque il y a 2 parts d’oxygène pour 1 part d’hydrogène, de la vapeur d’eau se forme, créant beaucoup de chaleur et une explosion (lien) et c’est cette explosion qui a eu lieu dans le réacteur n°1, au début de la catastrophe.
Il est possible que la flamme que nous apercevons depuis quelques jours soit un feu d’hydrogène. lien
Pour l’instant, TEPCO continue d’envoyer de l’azote dans l’enceinte de confinement, afin d’éviter que l’oxygène ne se mélange à l’hydrogène et ne provoque l'explosion redoutée.
Gundersen conclut : « tant que l’azote inerte et l’hydrogène se trouvent dans l’enceinte de confinement, tout ira bien », impliquant que si ce n’était plus le cas…tout irait très mal.
Et il rappelle que le confinement de TEPCO est 2 millions de fois plus grand que la bouteille de plastique qu’il a utilisé pour son expérimentation.
Une telle explosion détruirait vraisemblablement définitivement ce qui reste de la centrale, et des centaines de tonnes d’eau radioactive seraient alors vaporisées dans l’atmosphère.
Comme dit mon vieil ami africain : « pour la carotte, le lapin est la plus parfaite incarnation du mal ».
Merci à Corinne Py pour sa participation.
Olivier Cabanel
L’image illustrant l’article provient de « lemediascope.fr »
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