La patte d’éléphant qui tue
Il ne s’agit pas d’évoquer ici la méthode cruelle utilisée par quelques Maharadjah pour punir les délinquants, en les faisant mettre à mort par pachyderme interposé, mais pour évoquer une patte d’éléphant tout autant dangereuse, puisqu’elle est le résultat de la formation d’un corium, suite à une catastrophe nucléaire.
Ce genre d’exécutions par éléphant interposé a pris heureusement fin aujourd’hui, et la dernière remonte à 1947 : l’éléphant Hawaï, un pachyderme de 8 tonnes, avait exécuté sous ses pattes près de 150 condamnés. lien
Oublions ces méthodes barbares et intéressons nous à une autre patte d’éléphant encore plus dangereuse, puisqu’elle peut tuer n’importe quel individu en quelques secondes, si celui-ci s’en approche de trop près.
il s’agit du corium qui se forme après une catastrophe nucléaire.
En effet, après 30 secondes d’exposition, vous serez pris d’étourdissement, de fatigue, puis en moins de 2 minutes, les hémorragies vont commencer, suivies de vomissements, de fièvre, de diarrhée, et il vous reste seulement 2 jours à vivre.
La catastrophe de Tchernobyl a permis d’en savoir plus sur cette « patte d’éléphant », sorte de lave noire, gardant une chaleur importante pendant des années, et assez dangereuse pour administrer une dose létale à n’importe quelle personne qui s’en approcherait de trop près en 300 secondes. lien
Cette patte d’éléphant est composée du combustible radioactif fondu, mais aussi du béton qu’il a détruit, de sable, d’acier fondu,
Le rayonnement qui s’en dégage agit sur notre ADN, en en détruisant les liens, provocant un dérèglement des cellules qui se reproduisent alors de façon incontrôlable.
La patte d’éléphant qui s’est crée après l’explosion du réacteur n°4 dégageait 10 000 roentgens par heure, alors qu’il suffit du 1/10ème de cette dose pour tuer une personne.
Les 600 000 travailleurs appelés étrangement « liquidateurs », (alors que nombre d’entre eux ont été « liquidés »), qui ont œuvré sur le site pour tenter d’enrayer le rayonnement radioactif en savent quelque chose, pour ceux qui ont la chance d’être encore en vie…
On ne sait pas dans quel état se trouvent les photographes qui ont pris cette photo, 10 ans après la catastrophe, mais il ne doit pas être très brillant, car même si ce corium n’émettait plus que le 1/10ème du rayonnement au moment du drame, s’en approcher de si près peut provoquer rapidement la mort.
Une seule certitude, cette patte d’éléphant continuera d’être dangereuse pour un bon siècle, et restera là pendant encore de nombreux siècles, plus ou moins à l’abri dans un sarcophage, lequel est en cours de remplacement, vu le délabrement constaté du 1er. lien
Il devrait être mis en place en 2017 et aura couté finalement 180 millions d’euros. lien
Pourtant il y a pire, puisqu’au Japon, à Fukushima, ce n’est pas un réacteur qui a explosé, mais 3…et l’un d’eux était chargé en Mox, ce combustible dans lequel on trouve du plutonium, qui a, rappelons le, une demi-vie, ou période de 24 000 ans.
Il est 1 million de fois plus radioactif que l’uranium de base. lien
Rien d’étonnant dès lors qu’à fin novembre 2015, 1,2 Sv/h ont été détectés à l’extérieur du réacteur n°3. lien
On pourrait sourire si la situation n’était pas si grave, lorsque Tepco assure pouvoir un jour récupérer les 3 coriums, envisageant d’utiliser des robots, opérations qui, selon l’exploitant, pourraient prendre 10 ou 15 ans.
Il faut savoir en effet que ces coriums, tout comme celui de Tchernobyl, sont toujours en activité, et dégagent tant de radioactivité qu’il est difficile d’imaginer qu’un robot puisse un jour s’en approcher puisque l’émission radioactive est si violente que n’importe quel circuit électronique ne peut y résister.
La seule certitude c’est qu’aucun délai n’est plus donné au sujet du démantèlement complet de l’installation délabrée.
Au-delà des coriums qui continuent a relâcher leur poison radioactif, il reste encore 1673 barres de combustibles à retirer des piscines de refroidissement 1, 2 et 3,ce qui devrait être terminé en 2020 si tout se passe bien, car l’opération est délicate à réaliser, vu les gravats tombés en nombre dans ces piscines.
Un bilan officiel des décès suite à cette catastrophe fait état de 1865 morts, alors que 146 000 personnes ont du être évacuées.
D’autre part, 385 000 enfants ont fait l’objet d’analyses, et au moins 86 d’entre eux ont hérité d’un cancer de la thyroïde.
Information prendre avec précaution, et pourrait être revue à la hausse, car elle émane des autorités japonaise, et on sait qu’a de nombreuses reprises, des informations données on été reconnues fausses, ou sujettes à caution.
En ce début d’année, pas moins de 43 millions de tonnes de terre et de déchets radioactifs mis en sac ont été stockés en attente d’illusoires solutions.
Le gouvernement japonais à l’intention d’en incinérer 20 millions de tonnes, sauf que ça ne changera rien au problème.
Si le volume de matériaux contaminé sera moindre, la radioactivité du résidu en sera inchangée, et une partie de celle-ci sera relâchée dans l’atmosphère. lien
Un millier d’immenses cuves sont remplies d’eau contaminée, cuves qui fuient régulièrement, rejoignant l’Océan. lien
Malgré l’importante dilution que permet l’Océan, inexorablement la pollution radioactive se propage un peu partout, et bien plus loin qu’on ne pouvait l’imaginer.
Pour comprendre comment de telles conséquences sont possibles, il faut connaitre le mécanisme déclenché par la pollution nucléaire.
Les lois de la prédation font que les plus petits sont mangés par les plus gros… ce sont la plupart du temps, les plus gros qui arrivent sur nos tables, et les règles de la chaîne alimentaire font que la pollution s’additionne comme on le voit sur cette image.
Et puis, les courants marins aidant, la pollution nucléaire de Fukushima a maintenant atteint l’autre coté du Pacifique comme on peut le constater sur cette image.
Cette vidéo explique comment la pollution de Fukushima provoquera (ou a déjà provoqué) des cancers aux populations américaines, dénonçant aussi le projet abandonné par Tepco de construire un mur assez haut pour mettre à l’abri la centrale nucléaire en cas d’un tsunami.
Une économie de quelques millions qui aurait pu peut-être éviter le pire…
En France, ce n’est guère mieux.
Selon L’ACRO (Association pour le Contrôle de la Radioactivité de l’Ouest) les eaux de la Manche seraient plus radioactives que celles de Fukushima, puisque lors d’un prélèvement en octobre 2012 réalisé dans la baie d’Ecalgrain, à proximité de l’usine de retraitement et stockage nucléaire de La Hague, une concentration record de tritium a été relevée : 110Bq/L, alors qu’au Japon, à proximité de la centrale dévastée les concentrations de tritium vont de 3 à 13 Bq/L. lien
Raison pour laquelle le gouvernement actuel, tout comme celui qui l’a précédé à choisi la solution nommé CIGEO pour gérer ces déchets, projetant de les enfouir à Bure. (Meuse).
L’enfouissement contesté par nombre de défenseurs de l’environnement, devait en 2005, coûter autour des 15 milliards d’euros, facture qui a été réévaluée à 36 milliards d’euros, chiffre contesté par l’industrie nucléaire, lesquels avancent le chiffre de 20 milliards, même si L’Andra l’estime à 34,4 milliards.
Sauf que l’ASN a publié le 11 janvier dernier un rapport qui rejoint le chiffre de l’ANDRA.
Cette installation appelée par les opposants « poubelle nucléaire » consisterait à enfouir à 500 mètres de profondeur 80 000 m3 (voire 100 000) des déchets très dangereux, dont la radioactivité perdurerait pendant des centaines de milliers d’année, voire des millions pour certains.
Malgré l’opposition, le projet continue d’avancer, et devra franchir plusieurs étapes avant son éventuelle mise en service en 2025 : d’abord une loi sur la réversibilité du stockage, puis en 2018, une demande d’autorisation de création. lien
Du coté des opposants, on ne désarme pas, et le 15 novembre dernier, ils ont labouré 1,5 hectares de terre appartenant à l’Andra, ils y ont semé du blé, et planté plusieurs dizaines d’arbres, des fleurs, des boutures…
Une opération d’envergure est prévue pour 2016 et on peut consulter le site des opposants sur ce lien.
Comme dit mon vieil ami africain : « qui rame dans le sens du courant fait rire le crocodile ».
L’image illustrant l’article vient de nautil.us/blog
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
Articles parus
Tchernobyl, drôle d’anniversaire (12 mars 2011)
Fukushima, Sarko pète les plombs
Fukushima, nuages noirs à l’horizon
Fukushima, le monde du silence
Fukushima, le syndrome Japonais
Nucléaire, la cible terroriste
Fukushima, le mensonge organisé
Le Japon bientôt inhabitable ?
On a retrouvé le corium de Fukushima
Fukushima, tragédie en sous sol
Fukushima, un silence inquiétant
Les normes sont-elles normales ?
Fukushima, quand c’est fini, ça recommence
Promo nucléaire : pour toute centrale achetée, leucémie en prime !
Fukushima, les limites du cynisme
Nucléaire, de la fission aux fissures
Fukushima, la stratégie de l’oubli
Fukushima, le pire des scénarios
Fukushima, le tonneau des Danaïdes
Fukushima, réaction en chaîne à ciel ouvert
Fukushima, le mois de tous les dangers
Fukushima, l’illusion d’une solution
Tchernobyl, Fukushima, à qui le tour ?
29 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON