La réapparition du loup en France
Depuis la fin du XXème siècle, les montagnes et forêts françaises voient réapparaitre un hôte qui avait disparu depuis les années 30 : le loup. Malgré l’extermination subie dans le passé, le loup a su se réintroduire naturellement dans nos contrées, ce qui fait la joie des défenseurs de la nature et suscite la crainte des éleveurs. Faut-il s’inquiéter ou se réjouir de ce retour ?

Extermination du loup
Le loup est un mammifère carnivore appartenant à la famille des canidés et à l’espèce Canis Lupus. On le retrouve généralement dans les régions boisées et montagneuses d’Eurasie et d’Amérique du Nord. Le loup vit, se déplace, et chasse au sein d’une meute structurée où la hiérarchie et la communication sont très développées. Contrairement à son parent le chien, qui a préféré s’allier aux hommes dans l’intérêt d’obtenir nourriture et protection, le loup est resté à l’état sauvage. La sous-espèce de Canis Lupus la plus répandue en Europe est celle du loup gris.
Au XVIIème siècle en France, on comptait près de 30 000 loups. Mais cet animal a toujours, depuis le Haut Moyen Âge, suscité la peur et le rejet des hommes. Ceci peut s’expliquer en quatre points :
- L’influence de l’Église catholique pour laquelle le loup, animal vivant dans l’obscurité et le mystère des forêts, représentait un Mal à éradiquer
- L’existence d’attaques d’humains, très courantes en temps de guerre
- La concurrence avec les éleveurs qui, pour les moins équipés, voyaient leur bétail régulièrement dévoré
- La transmission de la rage suite aux travaux de Pasteur
Cette crainte du loup est notamment à l’origine de la création par Charlemagne des louveteries, service chargé de protéger les personnes et les éleveurs des attaques de loups. Aussi, l’exemple le plus caractéristique de cette méfiance à l’égard des loups reste le mythe de la bête du Gévaudan.
Cet article ne s’attache qu’au cas de la France mais dans les autres régions du monde, comme en Russie ou en Amérique du Nord, les loups ont également été victimes d’une chasse intensive pour leur viande et leur fourrure.
Réapparition en France
S’il restait encore près de 500 loups en France en 1900, cette espèce a totalement été éradiquée du territoire depuis les années 30. Cependant, le mois de novembre 1992 a sonné l’heure du grand retour quand deux spécimens ont été aperçus dans le Parc national du Mercantour dans les Alpes-Maritimes. Cette réapparition naturelle s’est faite depuis les Apennins en Italie où quelques loups avaient survécu à l’extermination.
Depuis, le loup a recolonisé une bonne partie du territoire, des Pyrénées au massif vosgien. Aujourd’hui, on recense plus de 200 loups en France métropolitaine et 27 zones de présence permanente (ZPP). L’espèce est protégée par la convention de Berne (1982), les directives européennes de 1992 et 1997, ainsi que l’arrêté du 23 avril 2007 la comptant parmi les mammifères protégés sur l’ensemble du territoire.
Selon le WWF, « par le rôle qu’il joue dans la chaîne alimentaire, le loup participe à l’équilibre de la nature et de la montagne ».
Une menace pour l’homme ?
Par nature, le loup est un animal qui n’a pas pour habitude de s’attaquer à l’homme, espèce bien trop étrange et imprévisible, à ses yeux, pour constituer une proie facile. Ainsi, le loup craint-il l’homme et a tendance, lors d’une rencontre, à se tenir à distance.
Malgré tout, il est arrivé que, dans des cas de loups enragés ou affamés, ces derniers s’attaquent à des humains, en particulier à des enfants ou à des femmes (qui se soulageaient dans la forêt). Après dépouillement des registres paroissiaux, l’historien Jean-Marc Moriceau a dénombré plus de 1 100 cas de prédation du loup sur l’homme du XVIème siècle jusqu’au début du XXème, soit environ 3 par années.
Ces attaques ont une forte tendance à se multiplier lors des périodes de grand conflit, où les nombreux cadavres donnent aux loups un goût prononcé pour la chair humaine. Dans son ouvrage Les loups (Larousse, 2003), Geneviève Carbone évoque ce tragique incident où, en 1812, 80 soldats de l’armée napoléonienne furent tous dévorés, dans le centre de la France, par une horde constituée de plusieurs centaines de loups.
Menace pour les éleveurs
Au-delà des attaques sur les humains, qui restent très rares et occasionnelles, la principale controverse autour de la présence du loup reste la menace pour les éleveurs.
Contrairement à la Normandie (très peu d’élevage) où la cohabitation avec le loup a été très positive (réf. Xavier Halard), les régions montagneuses où l’élevage et le pastoralisme sont importants abritent leur lot d’éleveurs en colère. Si la population française se montre plutôt favorable à la réapparition du loup, les possesseurs de bêtes ne sont pas de cet avis et craignent légitimement pour leur gagne-pain.
Cependant, il existe aujourd’hui différentes méthodes pour contrer ce problème. La rentrée des bêtes dans leur enclos (ou grange) protégé pendant la nuit, l’émission constante d’un signal sonore (inaudible pour l’homme) qui tient les loups à distance, et surtout la présence de chiens de protection, méthode de plus en plus répandue et efficace.
Malgré la croissance (10 à 30% par an) des populations de loups en France, les attaques de brebis tendent à diminuer. Selon le ministère de l’Écologie, les mesures de protection précédemment citées ont permis de faire chuter le nombre des attaques : 2 800 brebis tuées en 2002, 2 200 en 2003.
L’État français étant favorable à la réapparition du loup, il se doit de venir encore plus efficacement en aide aux éleveurs en encourageant financièrement ce genre de dispositifs. Aussi, il est totalement anormal que les tirs de loups soient limités (2 par an d’ici avril) pour les éleveurs. La liberté d’une espèce à exister est une chose, la défense légitime du bétail en est une autre.
Point important : il est paradoxal de constater que, si l’on remonte aux origines de la cause, la multiplication des attaques de bétail est due aux activités humaines abusives comme la déforestation et la chasse intensive réduisant le nombre de proies sauvage pour le loups (Le Loup : biologie, mœurs, mythologie, cohabitation, protection…, de Jean-Marc Landry, éditions Delachaux & Niestlé).
Le cas de l’ours
Contrairement au loup qui a recolonisé naturellement nos forêts, l’ours a été réintroduit volontairement en France en 1996 dans les Pyrénées. Mais à l’instar de son cousin éloigné (les deux espèces proviennent du Miacis), l’ours brun familier aux européens représente une menace plutôt faible pour l’homme.
D’une nature timide et craintive à notre égard, il évitera également de croiser le chemin du randonneur. Omnivore, son alimentation est surtout à base de racines, de baies et de poisson. Ainsi, le bétail ne représente-t-il que 8% de son alimentation. Il représente donc une menace moindre pour les éleveurs, d’autant que sa prolifération est beaucoup moins importante que celle du loup.
Il est chassé depuis la préhistoire pour sa viande et sa fourrure. Sa disparition date des années 80 et est due essentiellement à la destruction de son habitat naturel. En 1868, dans son ouvrage Les Merveilles de la nature, Alfred Brehm écrivait : « Les beaux temps de l’ours sont passés. L’espèce ne peut plus demeurer que dans les lieux que l’homme n’a pas encore envahis. (…) L’extension toujours croissante de l’homme sur la terre chasse l’ours et finira par le détruire complètement dans l’Europe centrale et méridionale ». Le temps lui a donné raison. De nos jours, 6 espèces d’ours sur 8 sont menacées d’extinction.
Du devoir de préserver
Si les abus et les excès de l’homme ont entraîné, en France comme partout dans le monde, la disparition de certaines espèces comme le loup et l’ours, ces erreurs tendent aujourd’hui à se corriger. Dans les Alpes, la nature a repris seule ses droits et le loup prolifère à nouveau. Dans les Pyrénées, il aura fallu compter sur les actions des défenseurs de l’environnement pour que l’ours soit réinséré dans son cadre naturel.
Il serait caricatural de voir l’homme comme le grand méchant destructeur de la Nature, il est simplement une espèce, la plus évoluée, en expansion. A titre d’exemple, si les rats, les fourmis ou les loups jouissaient aujourd’hui de cette supériorité, nul doute que notre espèce aurait déjà disparu depuis longtemps sans qu’aucun de leurs membres ne lève le petit doigt pour notre survie. La loi de la Nature est ainsi, une lutte permanente pour la survie. Cependant, tout porte à croire que nous, humains, sommes bien plus que de simples animaux au cerveau primaire. Il est donc de notre devoir éthique de protéger et de veiller au mieux à l’équilibre de la biodiversité, tout en s’assurant la sécurité qui nous est due.
A nous de gérer au mieux ce retour naturel et légitime des populations animales par la régulation et les mesures de protection de notre bétail (voir le film sur les chiens de protection). Si les villes que la civilisation nous a apportées nous appartiennent de droit, la forêt, elle, doit demeurer propriété du sauvage.
Christopher Lings ( Enquête & Débat )
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