Le bio recule quand les consciences politiques avancent
Au lieu de se porter précipitamment et hypocritement au chevet du bio, les candidats à la présidentielle feraient mieux de verser une larme sur son cercueil...
Passée somme toute totalement inaperçue, la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 (ainsi que le décret-loi du 1er juillet 2006) porte en son sein un article qui assène un coup fatal à l’agriculture biologique. Un paysagiste-formateur, adepte de solutions biologiques, vient d’en faire amèrement les frais, ayant subi une perquisition avec saisie de documents à son domicile, ainsi que la signification d’une interdiction d’enseigner.
Son crime ? S’être fait le dangereux prosélyte du purin d’ortie pour traiter les pucerons...
Cette fort malheureuse mésaventure pourrait prêter à sourire par son caractère typiquement ubuesque, si la lecture de cette loi ne montrait les possibles ravages que son article L. 253-1 laissait présager :
« Sont interdites la mise sur le marché, l’utilisation et la détention par l’utilisateur final des produits phytopharmaceutiques s’ils ne bénéficient pas d’une autorisation de mise sur le marché ou d’une autorisation de distribution pour expérimentation délivrée dans les conditions prévues au présent chapitre.
« L’utilisation des produits mentionnés au premier alinéa dans des conditions autres que celles prévues dans la décision d’autorisation est interdite.
« II. - Au sens du présent chapitre, on entend par :
« 1° Produits phytopharmaceutiques : les préparations contenant une ou plusieurs substances actives et les produits composés en tout ou partie d’organismes génétiquement modifiés présentés sous la forme dans laquelle ils sont livrés à l’utilisateur final, destinés à :
« a) protéger les végétaux ou produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou à prévenir leur action
« b) exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, dans la mesure où il ne s’agit pas de substances nutritives
« c) assurer la conservation des produits végétaux, à l’exception des substances et produits faisant l’objet d’une réglementation communautaire particulière relative aux agents conservateurs
« d) détruire les végétaux indésirables
« e) détruire des parties de végétaux, freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux
« 2° Mise sur le marché : toute remise à titre onéreux ou gratuit autre qu’une remise pour stockage et expédition consécutive en dehors du territoire de la Communauté européenne. L’importation d’un produit phytopharmaceutique constitue une mise sur le marché.
« III. - Un produit phytopharmaceutique dont la mise sur le marché au sens du 2° du II est soumise à autorisation et ne bénéficiant pas d’une telle autorisation sur le territoire français peut y être produit, stocké et peut circuler dans la mesure où ce produit est autorisé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne.
« IV. - Les dispositions du présent chapitre s’appliquent également aux adjuvants vendus seuls ou en mélange et destinés à améliorer les conditions d’utilisation des produits phytopharmaceutiques. »
Cet article est complété par les dispositions pénales suivantes (article L 253-17 du Code rural) :
« I. - Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende :
1º le fait de mettre sur le marché un produit défini à l’article L. 253-1 sans bénéficier d’une autorisation ou le fait de ne pas avoir fait une nouvelle demande d’autorisation en cas de changement dans la composition physique, chimique ou biologique du produit
2º le fait de mentionner dans toute publicité ou toute recommandation pour un produit visé à l’article L. 253-1 des conditions d’emploi ne figurant pas dans l’autorisation de mise sur le marché de ce produit
3º le fait de ne pas faire figurer les mentions d’étiquetage prévues à l’article L. 253-6
4º le fait de faire la publicité ou de recommander l’utilisation d’un produit défini à l’article L. 253-1 ne bénéficiant pas d’une autorisation. »
Ainsi, tout produit naturel, transformé ou non, pouvant apporter une aide sanitaire ou productive à l’exploitation de cycles biologiques, est interdit dans sa détention, son utilisation, sa commercialisation, ou simplement sa promotion, s’il n’est préalablement pourvu d’une autorisation de mise sur le marché, c’est-à-dire s’il n’est passé par un processus d’homologation, de mise en conformité et de respect de règles sanitaires lourdes et coûteuses.
Finis donc les remèdes de grand-mère, les astuces de jardinier ou les pratiques ancestrales des paysans ! Les agriculteurs bio devront même épandre sur leurs cultures des produits issus de l’industrie, à défaut d’obtenir des autorisations de mise sur le marché pour leurs fertilisants naturels.
Pour pouvoir utiliser - ou simplement dire à une tierce personne que l’utilisation de - l’eau de cuisson de tel légume est bénéfique dans la lutte contre tel insecte nuisible, il faudra s’assurer que ladite eau de cuisson a bien été testée et homologuée par un laboratoire accrédité (ledit laboratoire recommandera-t-il aussi le type de casserole et le temps de cuisson nécessaire, voire le PH de l’eau utilisée ?)
Dorénavant, seuls les produits traitants issus de l’industrie chimique pourront être utilisés, et les jardiniers du dimanche devront certainement se cacher pour réaliser leur compost sous peine d’être dénoncés et condamnés à de lourdes amendes...
Reste d’autres produits biologiques, qui ne sont pas encore tombés sous les coups de boutoir du lobbying des grands laboratoires : tout ce qui touche à la « pharmacopée » naturelle, type élixirs, naturopathie... La pratique de l’herboristerie a fini par être interdite en France sous le régime de Vichy. Gageons que ces médecines douces prendront bientôt le même chemin, pour la plus grande joie des fabricants de pilules et autres antibiotiques de synthèse...
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