Le Liban révélant ses Ordures
N’était-ce les relents désormais vraiment irrespirables sous ce soleil si plomb, le Liban vaudrait encore la promenade... Mais il se noie, dans ses immondices, scène rocambolesque d’une véritable Apocalypse : une mafia entière se révèle au grand Jour.

Alors donc voilà, c’est pas compliqué, je te fais ça en deux temps trois mouvements : une fois la guerre finie, 90, le haririsme débarque, béton, grands projets, banques surtout, et bien sûr n’est-ce pas, services, une société pour ramasser les poubelles, étrangement bien plus chère que dans tous les autres pays où elle sévit, et plutôt ruineuse pour les municipalités, mais tout est acquis n’est-ce pas, parlements, gouvernements, présidences, syndicats fracassés-pétrifiés, on avait bien dit béton.
25 ans sont donc passés sur ce ramassage intensif et intime, des milliards. Puis soudain, tu connais les aléas, il a fallu renouveler les contrats, les appels d’offres tout ça, les bons vieux trucages, chacun sa part du gâteau - le classique féodal, puisque ni révolution, ni rien, puis on a les télés.
Ça doigt l’affaire non ?..
Le problème, c’est que les chefs de clans guerriers devenus cravatés de la paix, ne s’entendent pas trop sur d’autres répartitions, parallèles à leurs ordures - conséquence : pas de préz qui vaille, donc ce qu’ils appellent « le vide » présidentiel, cet orifice d’office, imposant la constitution d’un gouvernement en « lieu de », tenant lieu du trou noir du préz… accroche-toi, c’est pas fini.
Cet ensemble de ministres présidé par un sunnite tient lieu de la chrétienneté absentifiée du préz, mais à l’intérieur même de l’anneau métaphorique gouverno-démentiel, attention, il ya un sublime ! débat, passionnant :
ces gens-là s’arrachent en lambeaux pour savoir qui ! : entre le président sunnite interne de l’anus mirabilis de remplacement, ou de ses éléments chrétiens, qui donc ! doit tenir les prérogatives du préz-gouffre au coeur de son absence en acte ?
Ne rions pas, c’est une dramaturgie, au terme de laquelle d’ailleurs l’un des principaux protagonistes finit en dram queen se lamentant chez soi… des manquements de l’histoire, l’aveuglement est total.
Entre temps, comme le contrat du ramasseur d’ « ordures libanaises » touche à sa fin in veritas, les sacs montent et montent dans les rues, bientôt trois… quatre mètres ! déjà les rats, demain grouillements, pestes buboniques ! et les odeurs… imbuvables, s’enfermer l’été, et le jus qui se coupe là maintenant… en pleine clim !.. le tout pendant qu'en bas, les gosses du quartier torches en main, s’en torchent à foutre le feu sur fond de sirènes, klaxons, c’est la nuit -
Toute la nuit qui monte… Beyrouth :
ministres, députés, partis, que d'anciens tueurs la broche !.. comment a-t-on pu croire que cela pourrait oeuvrer... à la vie ?
Malgré tout, malgré nous : la télé… ils se cachent tous dans un premier temps, puis quelques virgules ça et là, en langue de bois habituelle, le mensonge est en partage, mais les monticules eux, s’élèvent encore comme la colère, et la ville est fuie, infréquentable, saison touristique tu dis ? mais t’es né où toi ? dans quelle poubelle ?
Alors ils mentent, de mieux en mieux : bien des rues se ferment, mais des rassemblements sont minimisés, ignorés, le grand filtre-télés-ministres-banques-ambassadeurs-clergés… planétaire, remâché, cuit et recuit... mais difficile sur le réseau : toute la classe politique est en train de mourir décomposée en direct, c’est un événement sans précédent : le décollement absolu d’une mafia telle quelle, tentacules intacts ! ses branchements à tous niveaux, médiatiques, internationaux, religieux, financiers, la totale... butant devant un simple monticule de sacs poubelles où se donne là, révélée au grand jour, métaphorisée en bien grand bien puant et dégoulinant, leurs statuts, réifiés,
d’ordures véritables.
A explorer le réseau et tout ce qui s’échange - (car désormais la rue s’éloigne bien bien de tout ce que chantent les médias classiques, (à chaque génération ses manœuvres avec la parole)) -, les listes sont complètes :
Côté 14marsistes, le haririsme est pointé du doigt, et par ses propres partisans à certains endroits ; ses complices, des forces libanaises tiennent à la langue de bois, morts eux aussi, sur ce dossier,
les autres chrétiens, aounistes, sont bien complices de sleïman frangié, au nord, bénéficiaire lui encore, dit-on ; au sud, berry semble bien dans le sac, avec joumblatt jusqu’au cou, lui l’auteur de la célèbre formule anti-bachar « je préfère être éboueur à New York plutôt qu’homme politique au Liban » se révèle : éboueur ? au Liban !
Tous éboueurs… une immense sangsue se trahit là par ses déjections soudaines partout étalées sur nos faces.
Puis les signes, importants : y’a quelques jours, un ministre, assez insignifiant, comme tous dans cette équation de départ, dont la voiture croise un rassemblement de jeunes furieux, ils se couchent au sol - pareil que tien-an-men, c’était quelle année déjà ? mur de berlin, derniers feux de la guerre du Liban ? - bref, not’ ministre :
voiture tabassée, gentils encore, très, ministre sans bobo déclare que : « les ordures qu’ils m’ont jetées dessus sont plus propres qu’eux ». Merci, hélas, simple détail de typographie, ça rappelle les Khadafi, d’actualité cette semaine non ?
Plus un ministre, plus un député ! vraiment… très peu de présentateurs télés respirables, et la société enfin scindée de sa méduse abjecte au fard dégoulinant… nos visages encore couverts de l’ordure de notre morte -
innommable ?
Il me semble repérer deux survivants dans cette hécatombe, bientôt très réelle :
-le hezbollah plus ou moins, dans la mesure où financé d’Iran il n’a pas besoin de ces méthodes, nasrallah en profitant pour glisser « vous protestez sur la centralisation de la décision de guerre et de paix, et vous êtes même pas capable de ramasser vos ordures, faudrait savoir… »
-et puis, un miraculé remarquable, vraiment miraculeux là : sami gemayel, fils de amine gemayel le frère de bachir, qui vient donc de prendre la présidence du vieux parti kataëb, banalité, mais qui, d’un discours ! se hausse au-dessus de la mêlée et, seul, inspiré des vapeurs d’on ne sait quelle viennoiserie câline, déclare sans ambages la supercherie, ses modalités détaillées, de tous, mais, mais, mais…
sans nommer personne, attention, nous sommes en orient vous savez… non vous ne savez pas ? quelle chance !
Mais il est pardonnable de ne pouvoir nommer l’Innommable, ou le partout nommable, du politichien…
Alors sur le réseau, les Nominations, le Grand Jugement, c'est en cours, chasse à courre oui, la Parole se libère, les tentatives de récup du mouvement sont attendrissantes, très : cette classe politico-médiatique est morte avec mikaël jackson alentours, et ne se doute aucunement de ce qu’il y a dans la tête des 20-30 ans d’aujourd’hui, qui ne sont en rien les 20-30 ans anti-syriens de 2005, c’est tout à fait autre chose, et au néant répond le grand nihiliste, quand toutes les peurs sont tombées.
Et puis ils rient aussi, d’avoir un monsieur du nom rieur tenant sans doute le cœur du trou noir complet de l’ensemble de ses collègues, puisqu’il est aussi ministre de l’environnement ou de l’écologie par contumace de rqu’on traduirait par « pendu » comme ministre, et de l’intérieur, ce pendu à l’Intéemplacement du bis interministériel de gestion des affaires ? de l’Absence.
Le pendu se décomposant à l’intérieur, d’autres pleurant la gloire perdue, et la grande marée des hypocrites, on croit rêver, mais c’est bien réel.
Le problème entre temps demeure sans solution, il est appelé à s’accroître ; la misère des solutions de remplacement proposées aggrave la chute des violeurs, le spectacle est ahurissant : des bandes de jeunes tentent d’empêcher de balancer les ordures volées et escortées policièrement de nuit... vers le fleuve de beyrouth, ou les voisinages des silos de blé, ou surtout vers des villages déjà défigurés par les carrières des milliardaires locaux rongeant jurassic-parkement l’échine du grand Liban.
Sauf que les reptiles muent.
Ça aussi, le béton avait pas prévu.
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