Le point sur la pêche du thon et de la baleine au Japon
S’il n’y avait point de baleine, il n’y aurait point de rouge pour nos lèvres comme aurait pu clamer Voltaire à son époque. On a encore à l’esprit cette publicité à la télévision française « le thon, c’est bon ! » Histoire de reconversion et de ressourcer, peut-être aussi que, l’industrie cosmétique aimerait fabriquer de nouveaux rouges à lèvres pour nos charmantes femmes avec la graisse de baleine comme au bon vieux temps, et que nous prendrions plaisir à les embrasser en ayant une pensée sympathique mais triste à l’égard de ces gros mammifères sacrifiés. A condition toutefois, de ne pas avoir le sentiment malsain d’embrasser une baleine ou un thon ! De même que, l’industrie de l’alimentation pour régaler nos bien aimés chiens et chats pourraient également trouver un certain intérêt à récupérer les restes de ces monstrueux cétacés, « Cho kawaii neeee ! » (comme on dit au Japon en regardant une jolie fille ou une baleine, peu importe..), pour les broyer et les mettre en boîte, comme ils le font déjà avec le thon. Ainsi, toute la filière industrielle et commerciale vivant du thon se sent également menacée si celui-ci vient à se raréfier. C’est pourquoi les lobbys du thon tentent de pousser les décideurs à remettre radicalement en question l’existence du moratoire ; lequel avait été mis en place sous la bénédiction des grandes pêcheries baleinières en 1946 qui étaient elles-mêmes menacées d’extinction tout comme ces merveilleux mammifères dont l’intelligence serait à notre image parait-il ?
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Pour les affaires, le thon, c’est toujours bon, mais pas la baleine ! Dans le quartier de Tsukiji à Tokyo, il y a le plus important marché de gros de produits marins du monde, où l’on négocie chaque jour 800.000 tonnes de poissons de 500 espèces différentes, le thon rouge est le plus prisé, surtout le filet de « maguro » (thon, en japonais). Un thon peut se vendre environ 100/120 euro le kilo et la demande est toujours en augmentation.
le Japon ne croit pas à la chute des ressources marines, ni la FAO (Organisation mondiale pour l’Alimentation et l’Agriculture), ni la plupart des pays vivant de la pêche et les professionnels de la pêche. Tous contestent l’étude alarmante de la revue américaine Science prévoyant avant 2050 l’épuisement des ressources marines si la pêche et la pollution poursuivent leur rythme actuel. Mais tout le monde s’accorde sur la nécessité d’une baisse impérative des quotas.
Adoption du premier plan mondial contre la surpêche du thon
Selon les scientifiques, le nombre actuel de prises est trois fois supérieur à celui qui permettrait un renouvellement de l’espèce, notamment, en raison de l’intérêt planétaire pour la cuisine japonaise qui fait largement appel au thon cru sous forme de « sushi » et de « sashimi » et de la demande de plus en plus forte venant de Chine.
La conférence de Kobe a réuni en janvier 2007 pour la première fois les cinq organismes de régulation mondiaux de la pêche au thon : la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique ; la Commission des pêches du centre-ouest de l’océan Pacifique ; Commission des thonidés de l’océan Indien ; la Commission interaméricaine du thon tropical et la Commission de conservation du thon rouge du sud. L’ensemble de ces organisations regroupent plus de soixante pays.
Ils ont adopté le premier plan mondial de protection du thon menacé par la surpêche. Ce plan vise à coordonner les politiques des cinq organismes en matière de contrôle du commerce mondial du thon grâce à des systèmes d’étiquetage, de partages d’informations et de mises en commun des listes noires de navires pratiquant une pêche illégale. Les signataires du plan reconnaissent "la nécessité critique de stopper le déclin des stocks de thons décimés, et de ramener ces stocks à des niveaux durables".
Quant au Japon, de loin le premier consommateur mondial de thon, il promet de diminuer ses prises en passant de 2.830 tonnes (en 2006) à 2.175 tonnes en 2010, soit une réduction de 23%. En novembre 2006, les quotas de pêche au thon en Méditerranée et dans l’Atlantique avaient été fixés à 32.000 tonnes en 2006 pour passer à 25.500 tonnes d’ici 2010. Le Japon, la Corée du Sud et Taiwan vont créer un système de surveillance par GPS des bateaux de pêche au thon dans la partie centre-ouest de l’Océan Pacifique, à partir de janvier 2008. Environ deux cents bateaux de pêche au thon immatriculés dont trente-cinq japonais, devront obligatoirement être équipés d’un terminal GPS. Chaque pays coopèrera pour le développement d’un système de gestion concentrée des données de navigation, le Japon prenant en charge 25% des frais. Cette région est en retard dans le domaine de la surveillance sur les quatre autres organismes régionaux de pêche au thon. La prochaine étape est de surveiller les pays de façon à ce qu’ils n’exportent pas plus que leurs quotas de pêche.
Il y a encore vingt ans, le thon pêché le long des côtes du Japon suffisait. Aujourd’hui, il faut en importer en énormes quantités, de l’Atlantique, de la Méditerranée et de plus loin dans le Pacifique. Des fermes d’élevage italiennes, françaises, espagnoles, canadiennes et même croates élèvent uniquement pour le Japon, des thons nourris de sardines et de maquereaux. Mais pour satisfaire la demande japonaise même les importations ne suffisent plus. Alors la baleine semble constituer une bonne alternative pour le Japon et pourquoi pas pour la planète entière ?
Le retour de la baleine au menu des Japonais.
Après la Seconde guerre mondiale les Japonais consommaient de la baleine, c’était beaucoup moins cher que la viande qui était plutôt rare à l’époque. La consommation a progressivement diminué, puis brusquement chuté, lorsque le prix a grimpé après la mise en place du moratoire interdisant la pêche commerciale en 1986.
Il est bon de rappeler les circonstances de l’adoption du moratoire sur la chasse à la baleine de 1982 A sa création en 1946, la Commission Baleinière Internationale ne comptait que douze États membres qui pratiquaient tous la chasse à la baleine. Leur nombre est resté relativement stable jusqu’en 1978 où ils n’étaient que 16. Puis il est brutalement passé de 16 à 39 membres entre 1978 et 1982. Presque tous les pays qui ont rejoint la CBI n’ont jamais pratiqué la chasse baleinière et des petits pays ont intégré la CBI sollicités par des organisations non gouvernementales contre cette chasse et qui ont en échange payé les frais d’adhésion et de déplacements de leurs délégations dans le but obtenir les trois quarts des votes nécessaires à l’adoption du moratoire sur la chasse à la baleine. La Norvège, le Japon, l’URSS et le Pérou se sont opposés à l’adoption du moratoire mais sous la pression des États-Unis, qui menaçait de prendre des sanctions économiques, le Japon a finalement adopté le moratoire.
La pêche commerciale de la baleine est interdite depuis 1986 par la Commission Baleinière Internationale (CBI). Au début février 2007, le Japon a convoqué la CBI en réunion extraordinaire avant la conférence annuelle de mai. L’objectif était de rétablir le dialogue entre les membres de la CBI, divisés entre adversaires et partisans de la pêche commerciale. Pour le gouvernement japonais le moratoire n’a plus de raison d’être, étant donné que certaines espèces de baleines se sont suffisamment reproduites pour recommencer la pêche commerciale.
Le Japon avait invité à Tokyo l’ensemble des 72 pays membres de la CBI, mais seulement 35 pays ont répondu à l’appel. Au moins 26 nations occidentales opposées à la pêche, dont la France, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ont décidé de boycotter cette réunion. En revanche, le Danemark, considéré comme un pays influent au sein de la CBI, y participe, au grand étonnement des organisations écologistes.
La Commission baleinière internationale (CBI) a décidé, lors de sa réunion à Tokyo, qu’il est nécessaire de reprendre la pêche commerciale à la baleine. Le document final, qui sera soumis à la séance plénière de la CBI en mai prochain, fait ressortir la nécessité d’autoriser le Japon et d’autres pays à pêcher la baleine dans les zones côtières en quantité restreinte. Le Japon s’est jusqu’à maintenant conformé au moratoire mais, avec l’Islande et la Norvège, ils ont décidé de profiter de la disposition du texte permettant de pêcher la baleine dans un objectif purement scientifique. Car l’article VIII de la Convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine permet que la viande des baleines capturées pour la recherche scientifique soit exploitée à des fins industrielles et commerciales.
Toute la difficulté est d’arriver à écouler les stocks de viande de baleine, lesquels s’élevaient en novembre 2006 à 4403 tonnes contre 3634 tonnes fin 2005. Selon les statistiques japonaises du Ministère de l’agriculture, des forêts et de la pêche, la consommation de viande de baleine a augmenté d’environ 40% entre décembre 2005 et décembre 2006 (de 5955 tonnes en 2005 à 8558 tonnes en 2006).
Les jeunes ne veulent pas manger de la baleine crue ni du blanc de baleine bouilli, alors des restaurants commencent à proposer des sandwiches de viande de baleine accompagnés de salade, de mayonnaise ou de ketchup. La baleine revient au menu des hôpitaux qui vantent sa richesse en protéines et aussi dans les bars à sushi. Mais dans le fond, les Japonais n’ont pas vraiment envie de se remettre à manger de la baleine, même s’ils ont dû le faire dans le passé. Ils préfèrent aujourd’hui aller les observer au large d’Okinawa ou le long de côtes de l’Alaska, car elles deviennent de plus en plus une attraction pour les touristes tout comme les dauphins. Mais la baleine pourrait, à l’avenir, plus souvent entrer dans la composition des sushis, même si le thon a bien plus de goût et que la viande de baleine ne fait plus partie de l’alimentation quotidienne. Le gouvernement a l’intention de mener une campagne nationale pour inciter les Japonais à consommer de la baleine en vue de liquider les stocks et d’intensifier leur pêche pour se préparer à une forte diminution du thon sur le marché dans les années à venir. Contrairement à ce que les Occidentaux peuvent penser, la viande de baleine n’est pas considérée comme un met de luxe au Japon.
Mais la baleine peut nous fournir beaucoup plus que de la nourriture (protéines et graisse) ; huile (huile à lampe, savon, margarine, crème glacée, encre d’imprimerie, cosmétiques, bougies, lubrifiant) ; bijoux et artisanat avec l’ivoire des dents ; intestins séchés utilisés pour réaliser des cordages et toutes sorte de brosses, produits cosmétiques dérivés et produits pharmaceutiques dérivés, etc..
Ni le Japon, ni l’Islande et la Norvège ne peuvent justifier la chasse aux grands cétacés pour des raisons économiques car tout ce que la baleine peu nous procurer en produits dérivés, nous avons les moyens de les fabriquer autrement. Il n’existe plus de justification du domaine de la recherche scientifique non plus. Selon l’organisation internationale WWF, sur plus de 24000 baleines, 7000 ont été pêchées au nom de la science. Le Japon continue à pêcher environ 450 à 650 baleines par an. Même si les scientifiques japonais étaient de grand passionnés des baleines, on a pas besoin d’en pêcher autant pour les étudier, surtout avec les moyens technologiques d’aujourd’hui. Il faut rappeler aussi que les baleines ne sont pas responsables de la disparition des poissons car elles ne se nourrissent que de plancton.
Alors thon ou baleine (maguro, kujira ?) au repas pour les Japonais ? Peut-être que la question ne se pose pas vraiment, car le japonais est aussi une espèce en voie d’extinction, on prévoit que la population japonaise aura diminuée de moitié vers 2050 à cause de la forte baisse de natalité. On pourrait leur conseiller de manger plus souvent de la viande bovine à condition d’autoriser davantage les importations pour faire baisser les prix qui sont d’ailleurs plus élevés que ceux du poisson. Le Nippon sans thon, ce serait vraiment la fin du Japon !
Documents joints à cet article
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