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Accueil du site > Actualités > Environnement > Le scandale du « gas flaring »

Le scandale du « gas flaring »

Le torchage du gaz naturel (ou "gas flaring") est un scandale environnemental qui ne dit pas son nom dans les coursives des plateaux de télé, des salles de rédaction et qui ne s'expose pas dans les salons feutrés de la conférence internationale de Durban sur le réchauffement climatique. Outre les traditionnels lobbyings de l'industrie de la finance(1) pour financer la croissance verte, aucune trace des mots "gas flaring" dans le déroulé de l'évènement donné par l'OCDE sur son site.

Pourtant, malgré l'inertie programmée d' un grand nombre de responsables, le torchage demeure un enjeu de poids dans la bataille des réductions d'émissions à effet de serre. Quelles sont les raisons qui amènent les exploitants pétroliers à provoquer une telle hérésie environnementale ? Quelles sont ses conséquences sur l'environnement, Quels moyens pour lutter contre un non-sens industriel stratégique et écologique ?

Une définition.

On voit souvent associé dans notre imaginaire un puits de pétrole associé à un tuyau d'où s'échappe une colonne de feu. C'est ça, le torchage. Le processus d’extraction du pétrole brut fait remonter à la surface ce qu’on appelle des gaz associés. L'action consiste à laisser échapper dans l'atmosphère le gaz naturel présent dans les poches privées d'air où est enferné le précieux liquide noir.Le fait de purger ce mélange de méthane et d'hydrogène sulfuré mais aussi du dioxyde de soufre, dioxyde d’azote et d'autres produits cancérigènes comme le benzopyrène, les dioxines, le benzène etle toluène dans notre atmosphère atténue fortement les risques d'explosion du puits de forage. 
les premiers chantiers de torchage dans le Wyoming(Usa) dès 1946(2) et leur augmentation pendant la deuxième moitié du 20ème siècle ira de pair avec la manne financière que représente pétrole pour les pays producteurs.
 
Des disparités dans la pratique.
 
En valeurs mesurées, la Russie (Gazprom) et le Nigéria (Total) devancent de loin leurs principaux concurrents, l'Iran et l'Irak (75 contre 22 milliards de m3).(source:GGFR)
 
Tous les pays producteurs de pétrole sont amenés à pratiquer le torchage de leur gaz, Ce qui diverge, c'est plutôt la volonté politique de proposer et d'appliquer les lois de restriction pendant qu'une certaine forme de laxisme voire de corruption s'installe dans les centres de décision. Même si en Norvège, des pénalités sont données aux compagnies dès le premier mètre cube de gaz évacué dans l'atmosphère, ce n'est pas le cas au Nigéria ou en Chine.
 
L'attitude des industries pétrolières est d'ailleurs tout aussi condamnable que celle des hommes politiques dans ce bal de dupes. La shizophrénie est à son paroxysme quand on sait que la même entreprise peut exploiter le pétrole dans les deux pays en même temps ,en veillant à toujours s'appuyer sur les lois existantes.
 
 
Un réel gaspillage industriel, des raisons diverses.
 
Les 400 millions de tonnes de CO2 qui s'échappent chaque année dans l'atmosphère sont le fait de pays dont les infrastructures de production et de transport de gaz sont inexistantes :- Les exploitants estimant perdre de l'argent sur l'exploitation de ces rejets de gaz.- mais aussi dont les conflits d'intérêt sont les plus nombreux : ,la puissance du groupe Gazprom au sein du gouvernement Poutine (Dmitry Medvedev était à la tête de Gazprom en 2005 (3)).
 
Un demi milliard de voitures .
 
 Les conséquences du torchage, sont catastrophiques pour l'environnement climatique et humain : outre le fait que le torchage corresponde à la quantité totale d'émissions de CO2 du parc automobile européen(4), à savoir 500 millions de véhicules, les conséquences humaines sont aussi très graves : l'hydrogène sulfuré est responsable de la corrosion des métaux et son inhalation peut provoquer la dégénérescence du nerf olfactif. Du torchage résulte aussi la dispersion de gaz non brûlés dont le potentiel de réchauffement global 23 fois supérieur à celui du CO2(5).
 
Les habitants du Nigéria peuvent témoigner d'une baisse de productivité vivrière dûe à la hausse significative des températures autour des torchères. Elles sont souvent situées à proximité des habitations. Selon l'association militante "Les amis de la Terre", "on estime que pour une seule et unique région du delta du Niger, le torchage est statistiquement responsable, chaque année, de 49 décès prématurés, de 5000 maladies respiratoires chez les enfants, de quelques 120 000 crises d’asthme etde 8 causes de cancer supplémentaires."(8)

Le Nigéria perd chaque année, l'équivalent de 2,5 milliards de dollars de production de gaz.

 
Une résistance active.
 
De nombreux programmes tentent d'endiguer actuellement cette catastrophe évitable en montrant les problèmes environnementaux à leurs contradicteurs.
La GGFR (Global Gas Flaring Reduction),en multipliant les accords public-privé est un organisme de pression associé à la Banque Mondiale (7) visant à faire prendre conscience aux états de légiférer rapidement dans ce domaine au niveau mondial et à proposer des solutions pérennes aux états et aux compagnies pétrolières. Ainsi, la Banque Mondiale s'exprimait en 2006 :"(La Banque mondiale( condamne le « torchage » (combustion du gaz naturel à la sortie des puits de pétrole) au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Un arrêt de cette pratique réduirait de 13 % les rejets mondiaux de gaz à effet de serre. Les pétroliers gaspillent tous les ans 150 milliards de m3 de gaz. Si l'on récupérait les 40 milliards de M3 brûlés par exemple en Afrique, on pourrait doubler la production d'électricité du continent. La banque préconise la liquéfaction du gaz et la construction de gazoducs pour l'acheminer vers les centres de consommation." (6)
 
nouvelles solutions, progrès contestables.
 
La commercialisation des gaz associés ainsi que la construction d'unités de production semblent être les solutions envisagées pour le moment. La réinjection des gaz dans le gisement paraît plus compliqué à mettre en oeuvre du fait de la nature des gaz sortants.
 
Malgré la pression de l'opinion publique sur les instances dirigeantes des compagnies pétrolières et la dissimulation d'actes concrets en simples coups de communication, les progrès sont nuls en valeur absolue selon la NOAA( National Oceanic and Atmospheric Administration), les quantités de gaz brûlés restent à peu près constantes sur les dix dernières années(9).
 
-Pour la réalisation de cet article, la direction du groupe Total France n'a pas souhaité répondre aux questions du Petit Grégory...
 
-Pour info, le documentaire sur la malédiction de l'or noir est diponible sur leur site.

(http://www.arte.tv/fr/3963136,CmC=3963142.html)

 
(1) : http://www.oecd-ilibrary.org/finance-and-investment/the-role-of-pension-funds-in-financing-green-growth-initiatives_5kg58j1lwdjd-en
(2)http://siteresources.worldbank.org/INTGGFR/Resources/GGFR-IssueBrief_French_.pdf
(3)http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=823
(4)http://www.arte.tv/fr/3963136,CmC=3963142.html
(5)http://fr.wikipedia.org/wiki/Torchage_et_rejet_de_gaz_naturel#cite_note-GGFR_general-12
(6)Sciences & Avenir  Déc 2006
(7)http://siteresources.worldbank.org/INTGGFR/Resources/GGFR-IssueBrief_French_.pdf

(8)http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/fiche_torchage_du_gaz.pdf
(9)http://www.noaa.gov/


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15 réactions à cet article    


  • olivier cabanel olivier cabanel 29 mars 2012 10:04

    @ l’auteur

    merci de ce très bon article.
    c’est effectivement une donnée que l’on ne prend pas souvent en compte.
    quel gaspillage ! quelle honte !


    • Lisa SION 2 Lisa SION 2 29 mars 2012 10:53

      Bonjour,

      quand on pense que les nigérians doivent corver de bois pour leur cuisine et sanitaires parce qu’aucun réseau de distribution de gaz correct ne leur profite...Comme dirait Damien Saez : http://www.dailymotion.com/video/x8izuk_damien-saez-victoires-de-la-musique_music
      J’ATTEND LE PROCES TOTAL... J’ATTEND LE PROCES... !!!


      • Francis, agnotologue JL1 29 mars 2012 10:59

        Excellent article.

        Je voudrais rebondir sur ça : "Les habitants du Nigeria peuvent témoigner d’une baisse de productivité vivrière due à la hausse significative des températures autour des torchères."

        A ce sujet, ce matin il y avait un (faux) débat sur France Culture qui se tenait à Rennes. A une question au sujet de l’implantation de panneaux solaires, l’un des invités à répondu que la France avait en charge de nourrir le monde (sic), et que ces panneaux solaires nous feraient autant de terres agricoles en moins ! Véridique !

        Outre que ces débats sont menés par des ignorants, je ferai deux remarques : d’une part, quand je vais au supermarché, je constate qu’à peine 5% des fruits et légumes proviennent de France.

        L’autre remarque concerne l’exploitation des gaz de schiste : les dégâts à prévoir sur l’environnement, en terme de destruction de terres agricoles comme sur les réserves d’eau douce seront sans commune mesure avec d’éventuelles pertes de terres agricoles dues à de dérisoires panneaux solaires.


        • bart153 bart153 29 mars 2012 12:24

          Il y a une chose que je ne comprends pas : qu’il ne soit pas suffisament rentable de purifier et comprimer ce gaz pour exporter cette énergie.

          Je travaille dans l’industrie du biogaz, et il me semble incompréhensible que ce soit rentable de faire des unités de biogaz (je parle là des cas NON subsidiés où l’on est en concurrence directe avec l’utilisation des combustibles fossiles, type projets en PVD) et que tout ce gaz qui s’échappe ne représente pas un intérêt économique suffisant pour le valoriser.

          Si quelqu’un a des éléments de réponse je serai preneur !


          • wawa wawa 29 mars 2012 12:39

            2 remarques :

             Bruler le gaz est moins nocif du point de vue effets de serre global mais l’est plus au niveau des pluies acides locales .(notament hydrogène sulfuré qui se transforme en acide sulfurique) par rapport a le laisser s’échapper.

            Les torchère ont l’air de servir de soupape de sécurité pour les installation pétrolière et si les gaz sont déja mélangés à l’air cela peut etre explosif de les recomprimer . Mais je suis d’accord sur le fait que cette énergie perdue pourrait au moins être récupérée pour produire de l’électricité in situ.


            • mrdawson 29 mars 2012 16:03

              Si je me rappel bien d’un article que j’avais lu sur le sujet, c’est que la valeur relative du gaz est tellement plus faible que celle du pétrole que tant qu’il y a du pétrole à extraire le gaz passe à perte et profit et le gisement reste extrêmement rentable.
              La page wikipedia sur le torchage précise :

              « L’exploitation pétrolière génère fréquemment, conjointement à une production de pétrole liquide, du gaz associé (GA), souvent en quantités faibles (en masse) par rapport au pétrole lui-même ; un gisement est fréquemment très éloigné de sa zone de clientèle, et le gaz produit exigerait des investissements lourds pour être exporté. Comme il ne peut être transporté par les mêmes moyens physiques que le pétrole, il ne présente en général pas d’intérêt économique, ce qui explique qu’on le brûle. »

              Merci à l’auteur pour cette excellente piqure de rappel sous la forme de cet article. Le plus tôt on trouvera les moyens de s’affranchir du pétrole naturel (par opposition au pétrole synthétique) le mieux.


            • bart153 bart153 30 mars 2012 13:26

              Je ne doute pas une seule seconde que le pétrole représente 99,99% des revenus d’exploitation.

              Quand bien même cela serait le cas, si la valorisation du gaz représente 0,01% à l’échelle de cela, soit à l’échelle d’un groupe comme TOTAL sans doute encore plusieurs dizaines de millions d’euros de valeur énergie, et bien je ne comprends pas que l’on ne s’en occupe pas.

              Quant à l’hydrogène sulfuré, il est évident que si l’on décide de valoriser ce gaz, il faudra le purifier, comme on le fait pour le gaz naturel. Cet hydrogène sulfuré deviendra du soufre élémentaire par exemple. Donc aucun problème de toxicité. Evidemment il vaut mieux bruler ce gaz plutot que de le laisser s’échapper à l’atmosphère, cela va de soi.


            • Soi Même 29 mars 2012 12:43

              Il est intéressant que simultanément, paraisse deux articles sur le même sujet avec des point de vues diamétralement opposé. Est un hasard ?


              • monkeysee 29 mars 2012 12:52

                J’ai reçu l’autorisation de publication aujourd’hui même. Où est l’autre article ?



              • Soi Même 29 mars 2012 14:34

                @ monkeysee, ma remarque ne vous vise pas, c’est juste la coïncidence qui est intéressante.


              • paul muad dib 29 mars 2012 13:15

                Shootés aux besoins électriques, énergétiques et techniques complexes et couteux nous aurions pu « choisir » d’aimer les hommes et d’utiliser les techniques,alors que nous en sommes rendus a aimer les techniques et a utiliser les hommes...
                nous sommes voitures , machines a laver, billets de banques, machines , le + et le - des calculatrices....tous perdus en souffrance , la fierté refusant de l’admettre il faudra un élément énorme mais pas nécessairement catastrophique pour aimer les hommes et utiliser des techniques...la je parle d’un être qui n’est pas nous.....je pense que les humains ont bien démarré....et puis......et puis voila....

                faute de vivre le sens de la vie, le cerveau machine en invente un qui est lui même....le dieu science n’est qu’une autre religion ,un refuge illusoire et amère issu de la peur étrange de refuser la mort du corps donc la vie...d’ une pièce de monnaie je ne peux prendre un seul coté.

                Dans le niveau non conscient de notre cerveau superficiel la peur de la mort est en fait le désir de continuité....nous n’allons jamais dans ce non conscient pour l’ego outil...alors nous ne serons pas capable de « savoir » la vie, de comprendre la souffrance qui pousse tout humain a être violent...

                je ne peux refuser l’absolu de ma mort ,si je fais cela je deviens « fou »......l’absolu ne se refuse pas..il faut le laisser être ce qu’il est....

                mais qu’est ce que je pourrais bien faire si j’étais moins con ??? smiley


                • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 29 mars 2012 17:33

                  Bravo, très bon article, bien fait et bienvenu car il montre bien l’inanité de la recherche du gaz de schistes quand il y a par ailleurs un tel gaspillage et une telle pollution !


                  • parousnik 29 mars 2012 18:39

                    Les pétroliers sont des requins à queue de pie, nous le savons depuis l’aube de la dynastie Rockefeller. Nous savons que ceux sont ceux là sont des donneurs d’ordre de guerre pillage esclavage. Curieusement quand Total était la propriété du peuple aucun des ses actionnaires ne réclamait un quelconque dividende malgré ses énormes bénéfices qui disparaissaient dans je ne sais quelles poches et caisses noires. Certes une part importante de nos dividendes étaient réinvesti vers divers autres horizons pétroliers , gaziers, immobiliers ...etc. Mais lorsque la privatisation fut venu, avons nous vu l’ombre de de nos dividendes sous la forme d’actions ou fric.... ? NoN, bien sur, l’Etat donc nous nous avons investi de force nos dividendes dans la dette.... ont donc fait pshitttt. Comment voulez vous alors que ces hommes et ces femmes parasites qui se nourrissent des fruits des labeurs de nos alleux de nous même et de nos descendants, soient des écolos respectueux de la faune et de la flore donc de ce bétail humain en sur nombre que nous sommes à leurs yeux ? Qu’attendre des voleurs et de ceux qui légalisent leurs pillages ???? Rien alors aux urnes citoyens, a bâbord toute ....


                    • jacques lemiere 30 mars 2012 00:01

                      Curieuse façon de penser....à première vue on se dit que c’est de Energie perdue..certes...mais avant de crier au scandale , il faut voir les raisons pour lesquels on laisse brûler ce gaz...ce peut être des raisons techniques ou financières.....non..c’est sans doute de la pure méchanceté....

                      bon sang je me demande si un seul des intervenants du fil peut supporter de rouler en voiture ou d’utiliser des énergies fossiles...

                      Energie gaspillée ? toute l’énergie qui est utilisée pour les loisirs les voyages en clair tout ce qui ne correspond pas à un minimum vital peut être considérée comme gaspillée....ça fait beaucoup....on peut aller plus loin toute activité non nécessaire à votre survie peut être considérée comme un gaspillage de ressource....on peut aller plus loin....

                      Le gaspillage : c’est les autres pardi....

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