Lobby du ski : le côté obscur de l’or blanc
Pollution, harcèlements, "bâillonnements", coups bas et coups de batte de base-ball : bienvenue dans l’univers impitoyable de la montagne !
Les 10 plus grandes stations de France génèrent un chiffre d’affaire annuel supérieur à 400 millions d’euros. (1) Cette puissance financière donne à l’industrie du ski un pouvoir démesuré et délétère.
Impact de la neige artificielle : des chercheurs réduits au silence !
Avec la loi de l’autonomie des universités, la recherche est de plus en plus dépendante des financements locaux. Carmen de Jong, chercheuse travaillant sur la pollution générée par les stations de ski, a reçu d’innombrables pressions du lobby de l’or blanc. On lui a demandé de se taire. Des personnes sont venues lui rendre visite « pour [lui] interdire de parler avec des journalistes ». « C’est allé beaucoup plus loin : le président de l’Université [de Savoie] [lui] a demandé de démissionner ». On l'a invitée à travailler sur les barrages plutôt que sur les dégâts induits par la neige artificielle. Refusant de céder, elle s’est vue retirer ses fonctions de directrice scientifique de l’Institut de la Montagne, et a été évincée de tous ses projets de recherche. Pour la dissuader, son salaire a été divisé par trois ! (2)
Michel Garnier, documentariste s’intéressant au sujet, déclare « qu’il faut parler de la neige artificielle d’une certaine manière pour avoir le droit à la tribune des médias. » Et ajoute : « le discours scientifique n’apparaît pas dans la région Rhône Alpes ». (2)
L’objectif de ces pressions est de réduire au silence les personnes démontrant que la neige artificielle a un très fort impact sur l’érosion, la pollution de l’eau, l’équilibre hydrographique et les écosystèmes. Il faut à tout prix cacher la vérité ; à savoir « qu’entre 2005 et 2011, la surface de la neige artificielle a doublé dans les Alpes » ou encore que les « enneigeurs » consomment des quantités d’eau et d’énergie phénoménales. (2) Ainsi, en France, l’énergie nécessaire au fonctionnement des canons à neige représente plus du quart de la production d’un réacteur nucléaire ! (3)
Une pollution colossale
L’Alpe d’Huez, 7ème station de France, c’est 135 pistes sur 10 000 hectares, deux « usines à neige », plus de 900 canons à neige, 80 remontées mécaniques, des sommets et des lacs alpins défigurés jusqu’à 3300m ! (4)(5) Chaque année, l’Alpe d’Huez consomme près d’un million de litres de gasoil ; et ce, sans se préoccuper le moins du monde d’économie d’énergie. (6) A ce sujet, un responsable de la mairie de l’Alpe d’Huez explique : « ça ne fonctionne pas le solaire, on est trop haut en altitude » ! (6) C’est tout de même triste de ne pas être capable de faire fonctionner un panneau photovoltaïque lorsqu’on bénéficie de 300 jours de soleil par an ! A la décharge des industriels du ski, il faut dire que « bâillonner » les chercheurs ne doit pas beaucoup aider…
Projets d’extension : l’exemple d’un manque de transparence
En 2005, le maire d’une petite commune proche de l’Alpe d’Huez est entré en relation avec des investisseurs ; et ce, en douce, dans le dos de son maire adjoint et de bon nombre de ses administrés ! (7) L’objectif était de transformer un village de 100 habitants en complexe de 3000 lits relié à l’Alpe d’Huez par des remontées mécaniques via le Col de Sarenne. (8) Par ailleurs, la FRAPNA s’est procurée des documents montrant que ces mêmes investisseurs s’étaient bien gardés en présentant leur projet d’avouer qu’ils voulaient utiliser Sarenne pour relier l’Alpe d’Huez à une autre station de ski à l’autre bout du massif ! (9)(10)
Silence, harcèlements et coups de batte de base-ball
Dans ce même secteur, le gardien du refuge du Col de Sarenne, un écologiste qui défend une autre vision de la montagne, s’est fait « fracassé avec des battes de base-ball » ! (11)(12) Selon lui, ses agresseurs étaient des « entrepreneurs de la station ». En 2012, la gardienne de ce même refuge parlait de « harcèlements » récurrents, et s’étonnait de certains comportements très louches. « Nous avons vu des hélicoptères qui volaient très très bas ; et qui lançaient de la dynamite pour déclencher des avalanches. Ces avalanches ont arraché plus de 800 arbres, ont saccagé la nature », et détruit, par la même occasion, une végétation qui habituellement retient les coulées de neige. En ratiboisant les pentes, la montagne devient plus lisse, ce qui fait l’affaire des partisans d’une extension du domaine skiable. (11)(12)(13)
C’est dans ce contexte que l’an prochain, la très étroite et très peu fréquentée route pastorale du Col de Sarenne sera refaite, soi-disant pour accueillir une étape du Tour de France. Ce qui, compte tenu de la beauté sauvage du lieu, serait scandaleux : la zone est l’une des plus riches de France sur le plan de la flore et de la faune. (14) Bien évidemment, ils profiteront de l’occasion pour purger (un peu plus) la montagne. (15)(16)(17)
Marre des grosses stations !
Les JT nous abreuvent d’images d’Epinal, et le système médiatique continue à fonctionner sur un leitmotiv consistant à dire que tous les français s’acheminent gaiement vers les pistes. Alors que lorsqu’on regarde les données : une très petite minorité de français (3%) fréquente tous les ans les stations de ski ; une minorité plutôt aisée : un forfait d’une journée à l’Alpe d’Huez coûte 45€ (hors coût du logement, du transport et du matériel). (18)(19) La pratique du ski alpin « en grosse station » est un loisir élitiste au travers duquel une petite proportion de la population s’approprie les montagnes et les détériore gravement.
(Photo : MS ; Col de Sarenne, lieu de convoitise !)
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