OGM : un pas est franchi vers la culture en champ.
Le sénat n’aura pas « fauché » le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés (OGM), qui vise à en encadrer les cultures et les essais. Menacée d’une astreinte de 168 000 euros par jour par les directives européennes de 2001 et 2003, la France entend mettre en place un dispositif permettant à la recherche et aux industriels des semences de progresser dans ce domaine. Un fait est que le retard pris est colossal, à peine plus d’un millier d’hectares de maïs OGM ayant été cultivé secrètement en champ en France en 2005, contre 90 millions d’hectares répartis dans 21 pays. Mais les anti-OGM restent opposés à cette loi, car ils considèrent que le risque de dissémination de gènes dans la nature est trop grand, et que l’innocuité des OGM vis-à-vis de la santé n’est pas prouvée.
Pour contrecarrer ce risque, le texte de loi préconise la mise en place de distances de sécurité, de zones tampons, d’obstacles et de décalages de floraison. Les cultures en plein champ seraient alors autorisées, sous réserve pour les agriculteurs concernés de déclarer les parcelles qu’ils consacrent à des plantes transgéniques. Il soumet à autorisation, accordée pour 10 ans maximum, la mise sur le marché des OGM et instaure une obligation d’étiquetage. « Tout élément nouveau susceptible de modifier l’appréciation du risque » doit être déclaré, et les autorisations peuvent être retirées. L’indemnisation des agriculteurs non-OGM, dont les récoltes seraient contaminées au-delà de 0,9%, sera assurée par un fonds doté d’une taxe à l’hectare de cultures OGM. Un fonds mis en place pour 5 ans maximum. Un projet de loi qui soulève quelques interrogations.
La première est suscitée par le chiffre de 0,9%, que l’on retrouve dans le projet d’harmonisation européenne des labels bio. Cette limite ne garantit plus en effet qu’un produit alimentaire soit exempt d’OGM, puisque l’étiquetage ne serait obligatoire qu’au-delà de ce niveau de contamination. Cette tolérance est une porte ouverte à une contamination insidieuse de toutes les filières de production, bio ou non-bio.
La seconde porte sur les conséquences de l’introduction de semences transgéniques dont les brevets déposés font de leurs détenteurs les propriétaires d’une partie du monde vivant. On semble s’acheminer, compte tenu des outils juridiques que sont les certificats d’obtention végétale et le catalogue officiel, vers un verrouillage des espèces utilisables par l’agriculture. Le procès intenté à l’association Kokopelli est de ce point de vue emblématique.
Les OGM n’en restent pas moins un des outils d’avenir capables d’apporter des réponses aux problèmes alimentaires présents et à venir, que ne manquera pas de poser la croissance démographique mondiale. Mais la mainmise des industriels sur ce secteur pourrait en restreindre l’usage à la mise en place d’un monopole commercial. Ils ne seraient alors plus qu’une invention de plus détournée de son but premier et réduite à ces seuls inconvénients.
Quoi qu’il en soit, la France ne peut pas rester isolée dans un monde où les OGM progressent à grands pas. La pression qu’exercent les USA, les grands semenciers et l’OMC est trop forte ; l’Europe ayant cédé, la France devra faire de même. Mais il serait opportun d’imposer une réglementation protectrice des autres modes de cultures, plutôt que de niveler par le bas les labels existants. La Chine s’est, elle aussi, lancée dans cette course en avant, et le peu de précautions prises pour éviter la propagation des gènes introduits dans le riz et le coton en particulier laisse présager le pire. On est en droit de craindre, si la réglementation évoluait dans le sens de ce qui se dessine aujourd’hui, que le combat pour la biodiversité et sa préservation soit perdu d’avance. La nature deviendrait alors une nature de synthèse, où le chaos génétique prendrait le pas sur l’équilibre naturel, et où l’homme, quoi qu’il en pense, n’aurait plus forcément sa place.
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