Palmiers contre nucléaire
ICEDA, 5 lettres pour désigner une discrète construction censée recevoir des déchets nucléaires dangereux, dans l’enceinte de la centrale nucléaire de Bugey, dans l’Ain, vient de voir son permis de construire annulé, alors que les ¾ du bâtiment sont déjà construits.
ICEDA, c’est l’Installation de Conditionnement et d’Entreposage de Déchets Activés, intitulé dont le mot "nucléaire" est étrangement absent.
Sur un espace de 8000 m², ICEDA serait donc implantée sur le site de la centrale de Bugey, avec un raccordement au réseau ferroviaire, afin, comme le dit EDF, de faciliter l’acheminement de 500 tonnes de déchets provenant d’autres sites nucléaires, y ajoutant par la même occasion 1500 tonnes de déchets métalliques issus du démantèlement de 9 vieux réacteurs nucléaires (dont Bugey 1), comme ce couvercle de réacteur arrivé récemment par un convoi qui a fait scandale. (le GFN, ce « convoi » pas)
Il est aussi prévu d’y amener des déchets graphites issus du cœur du réacteur de Bugey 1.
Les 500 tonnes de déchets radioactifs sont qualifiés par EDF de « moyennement radioactifs », avec des périodes (ou demi-vie) supérieure à 30 ans, (ce qui signifie que pendant un siècle, un danger persistera), la durée d’exploitation du site envisagé étant de 50 ans.
Le transport de ces déchets par train pose quelques problèmes.
Selon la CRIIRAD, un cheminot stationnant à moins d’un mètre d’un wagon transportant les « châteaux », (containers vitrifiés) encaisse en 30 minutes une dose de 1 millisievert, ce qui est la dose admissible pour une année.
Ces déchets devraient être évacués à partir de 2025, vers le centre de stockage définitif de l’ANDRA (agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs). lien
Or ce site de Bure, dans la Meuse, fait polémique puisqu’il est prévu d’y enterrer des déchets nucléaires MA-VL (moyenne activité à vie longue), impliquant la présence de plutonium, dont la période (ou demi-vie) est de plus de 24 000 ans. lien
Un expert, Bertrand Thuillier a analysé les nuisances et la sécurité dès la mise en exploitation du site de Bure, et ces conclusions sont inquiétantes : « on va enterrer une matière vivante durant des milliers d’années » explique-t-il.
L’ensemble des déchets radioactifs qui seraient enfouis à Bure correspondent à 70 fois les résidus évacués par Tchernobyl, et l’Andra prévoit l’enfouissement de 550 000 m3 de matières radioactives. lien
Un autre expert, François Lempériere, imagine une solution plus simple, proposant de remplir de béton l’intérieur des enceintes des centrales nucléaires abandonnées, puis de remblayer 10 mètres au dessus de cette enceinte, soit une colline de 60 mètres au dessus du terrain naturel, et enfin d’engazonner et d’arborer la zone remblayée. lien
D'ailleurs, le coût du démantèlement des centrales est manifestement sous évalué.
Alors qu’EDF se base sur une facture de 18,4 milliards d’euros pour la totalité du parc nucléaire français, cette même opération couterait aux USA pratiquement le double. lien
On sait que pour la seule centrale de Malville, le démantèlement est estimé entre 9 et 11 milliards d’euros. lien
Revenons à ICEDA.
C’est donc le 19 juin 2012 que le permis de construire ICEDA a été annulé, confirmant la décision du 6 janvier 2012, du Tribunal Administratif de Lyon, grâce au recours (lien) déposé par la société Roozen, une entreprise qui fait pousser des palmiers dans ses serres, utilisant l’eau chaude de la centrale, évitant ainsi un gaspillage, et le réchauffement des eaux du Rhône par la même occasion. lien
Pourtant, alors que le permis de construire d’ICEDA avait été validé par la mairie de St Vulbas le 19 avril 2012, les travaux de terrassement avaient commencé 13 jours avant l’échéance des 2 mois pour le recours des tiers.
Revenons au jugement.
Il est clair :
EDF peut tout à fait construire sur le site du Bugey des bâtiments et équipements directement liés à la centrale, mais elle ne peut pas construire un bâtiment qui est lié pour tout ou partie à d’autres installations nucléaires. lien
ICEDA est donc possible, mais seulement pour les déchets de la centrale de Bugey, et des lors, l’arrivée du convoi exceptionnel récent, en provenance vraisemblablement du Tricastin, n’est pas légale.
Pour recevoir des déchets d’autres centrales, le PLU (plan local d’urbanisme) doit être modifié, et une procédure de révision du PLU a été décidée, prolongée par une enquête publique en cours actuellement, et qui finira le 20 juillet 2012.
C’est ce qu’expliquent les militants de l’association STOP BUGEY en déclarant : « Pour contourner l’annulation du permis de construire, EDF a discrètement engagé une modification du PLU de St Vulbas, en le justifiant par d’autres projets marginaux ou existants ».
La décision finale interviendra cet automne.
Probablement en guise de rétorsion, Henri Proglio, le patron d’EDF, vient d’attaquer à son tour le permis de construire obtenu par ROOZEN, lequel lui permet d’agrandir ses serres, en se basant, entre autres, sur le fait que le lieu précis de transplantation des palmiers n’est pas précisément indiqué.
C’est vraisemblablement pour la même raison qu’EDF avait coupé l’approvisionnement en eau chaude des serres de Roozen, lors de l’hiver dernier, en invoquant des prétextes variés.
Finalement, il n’y a, à ce jour, aucune solution raisonnable pour gérer les milliers de tonnes de déchets radioactifs dangereux, et on en est réduit à les stocker en attendant mieux pour le plus grand « profit » de nos voisins russes.
En effet, ils sont aujourd’hui en partie exportés au fin fond de la Sibérie, comme on peut le découvrir dans le film « les déchets ou le cauchemar du nucléaire ».
Réalisé par Eric Guéret et Laure Noualhat, toute la problématique des déchets nucléaires est dénoncée.
Le film en 5 parties est sur ce lien.
Dans la ville interdite de Tomsk-7, les containers radioactifs s’entassent dans des conditions de sécurité discutables, mettant en danger la vie d’un million d’habitants : la directrice de l’hôpital de cette ville reconnait un taux de cancer anormalement élevé. lien
Sur ce lien, une description de leur vie de tous les jours.
La France n’est pas à l’abri.
Des experts ont constaté les graves défauts de plomberie pour 31 vieilles centrales nucléaires françaises, lesquelles subissent des pannes à répétition. lien
Il faudrait remplacer 118 pièces de robinetterie défaillantes (lien) et cerise sur le gâteau, certains appareils de mesure de radioactivité sont en panne. lien
C’est ce qu’à dénoncé l’ASN dans son rapport du 28 juin 2012, imposant des travaux massifs afin de renforcer la sureté. lien
Au Japon, la crise nucléaire persiste.
La fable de « l’arrêt à froid » de Fukushima pourrait faire sourire si la situation n’était pas si grave.
Sur l’antenne d’Europe 1, le 28 juin 2012, Brigitte Bejean nous apprend que le réacteur n°1 fait des siennes : grâce à un dosimètre envoyé dans le sous sol du réacteur, les ingénieurs ont découvert que le niveau de contamination mesuré le 27 juin atteignait des records : 10 300 millieverts/heure, soit 10 fois plus que dans les réacteurs 2 et 3, ce qui rend toute intervention humaine impossible car un ouvrier atteindrait en 20’ la dose admissible. lien
Tepco confirme : « les travailleurs ne peuvent pas pénétrer en ces lieux et nous devrons préparer le démantèlement à l’aide de robots ». lien
Aujourd’hui, alors que l’on constate une déformation qui progresse au niveau du mur Ouest, Tepco accélère les travaux au niveau de l’unité 4. photo
La déformation de ce mur a augmenté d’environ 30% en l’espace d’un mois, et il est possible que la mise en place d’une « tôle de protection » de 60 tonnes au dessus du bâtiment n’y soit pas étrangère.
Plus grave, en accélérant les travaux, d’énormes quantités de particules radioactives ont été remise en circulation, alors qu’elles auraient pu être filtrées. lien
Sur cette vidéo, on constate la formation des « nuages de poussières » mettant en danger la santé des travailleurs, lesquels devraient plutôt se mettre à l’abri attendant que les poussières retombent, mais qui ne semblent pas s’en inquiéter.
Toujours au Japon, malgré une pétition qui a recueilli 7 millions de signatures, l’état à entériné le redémarrage de 2 réacteurs.
Aux Indes, le gouvernement considérant que les opposants au nucléaire sont des « malades mentaux » prévoit d’utiliser des psychiatres pour traiter les militants en lutte. lien
Tepco dont les finances sont en chute libre vient d’être nationalisé et, pour sortir de l’impasse, la compagnie va lancer une augmentation de capital en émettant pour 10 milliards d’euros de nouvelles actions dont l’état sera propriétaire le 25 juillet 2012.
En échange, TEPCO a promis d’économiser 33 milliards d’euros en 10 ans, afin d’œuvrer pour dédommager les victimes de la catastrophe, et de démanteler les réacteurs, démantèlement qui devrait prendre 40 ans lien
Comme dit mon vieil ami africain : « la route ne dit pas au voyageur ce qui l’attend à l’étape ».
L’image illustrant l’article provient de « letemps.ch »
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
Une vidéo de Greenpeace efficace
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